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RECHERCHE EN INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

AVEC DAVID BEAUCHEMIN

Mars 2022 | Musique et montage par Alex Andraos

David Beauchemin est candidat au doctorat en informatique à l’Université Laval et chercheur en intelligence artificielle. Il nous parle de son actuel projet de recherche et de son application dans la vie de tous les jours. Nous discutons de l’importance de la multidisciplinarité en IA pour être en mesure de faire des choix éthiques et centrés sur l’humain dans les décisions à venir. David donne aussi de bons conseils à ceux qui pourraient être intéressés à travailler dans le monde de l’IA et nous décrit son parcours du DEP en soudure au doc en informatique en passant par l’actuariat et le service militaire.

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RECHERCHE EN INTELLIGENCE ARTIFICIELLE


AVEC DAVID BEAUCHEMIN

Aimy :

Bonjour et bienvenue aux Portraits Professionels, le balado où l’on tente de clarifier différentes professions du marché du travail. On vous trace aujourd’hui un portrait de chercheur. David Beauchemin est candidat au doctorat en informatique à l’Université Laval et chercheur en intelligence artificielle. Il nous parle de son actuel projet de recherche et de son application dans la vie de tous les jours. Nous discutons de l’importance de la multidisciplinarité en IA pour être en mesure de faire des choix éthiques et centrés sur l’humain dans les décisions à venir. David donne aussi de bons conseils à ceux qui pourraient être intéressés à travailler dans le monde de l’IA et nous décrit son parcours du DEP en soudure au doc en informatique en passant par l’actuariat et le service militaire.

 

Aimy :

David Beauchemin, bonjour!

David :

Bonjour!

Aimy :

Comment tu vas?

David :

Ça va bien et toi?

Aimy :

Ça va bien merci. Alors, on se rencontre aujourd’hui pour faire un portrait de chercheur. Avant de commencer, j’aimerais que tu me dises tout simplement, quand tu te présentes à quelqu’un que tu ne connais pas pour la première fois puis qu’on te demande « Qu’est-ce que tu fais dans la vie? », qu’est-ce que tu nommes comme titre?

David :

Ça dépend de mon auditoire aussi, mais en général je vais dire principalement que je suis candidat, « slash » étudiant au doctorat en informatique, puis après ça je vais suivre avec : « Bien en fait moi je fais de la recherche, je suis chercheur en informatique plus précisément en intelligence artificielle » et des fois je vais essayer d’approfondir : « Au fait, je ne fais pas juste de l’intelligence artificielle, je fais particulièrement la zone qui est de l’apprentissage automatique » dont on pourrait discuter un petit peu plus tard là de c’est quoi exactement, mais c’est ce dans quoi je me spécialise et puis si je rajoute une autre couche c’est que finalement comme recherche moi ce sur quoi je me concentre, c’est ce qu’on appelle le traitement automatique de la langue naturelle. Pour le commun des mortels ça veut dire quoi? Tout ce qui est la langue! Donc là on communique, audio, bien je peux travailler avec cette donnée-là, les textes, écrire des textes, lire des textes, comprendre des textes, donc c’est vraiment la matière avec laquelle je travaille pour essayer de faire ce qu’on appelle des systèmes d’intelligence artificielle.

Aimy :

OK. Donc quand tu te présentes, tu vas dire que tu es doctorant, tu vas dire que tu es chercheur en intelligence artificielle, surtout avec tout ce qui est en lien avec la langue. Bon, quand tu nommes ça aux gens, qu’est-ce qu’eux ils imaginent que tu fais de tes journées?

David :

Ça varie beaucoup, mais ce qui revient souvent souvent, puis même du côté de mes parents, du côté des gens… : « Ah tu branches des imprimantes », parce que j’ai dit le mot « informatique ». « Ah tu… », c’est beaucoup ce qui revient ou beaucoup ce qui va être dans la discussion, souvent.

Aimy :

Une vision très très “hardware”. Je vais monter un réseau, je vais connecter des fils, là?

David :

Exactement! Exactement, les gens, tout dépendant de l’auditoire aussi… si on a un « background » un petit peu en informatique, ils vont comprendre la nuance, mais les gens vont souvent voir “l’hardware”, installer un « browser », des trucs comme ça… mais moi ce sur quoi je me concentre beaucoup là, le « hardware » je touche zéro à ça, c’est vraiment le logiciel. Moi je fais de la programmation informatique puis j’essaie de créer des logiciels, donc c’est vraiment la matière avec laquelle je travaille. Alors dans mes interactions souvent ce qu’ils imaginent c’est que… je pense en fait que ce n’est pas clair qu’est-ce qu’ils imaginent non plus pour moi quand j’en parle, mais habituellement ce qui revient c’est quand même, bien je parle de doctorat donc il y a l’idée de pelletage de nuages. Est-ce que c’est concret? Est-ce que ça se rattache à la vie? Concrètement tu fais quoi? Quand est-ce que tu vas commencer à travailler? Pour moi je travaille déjà depuis deux ans, depuis ma maîtrise, pour moi c’est ça mon travail. Donc c’est surtout qu’est-ce qui revient, c’est : « Tu commences à travailler quand là? Mais c’est quand que tu vas avoir une famille? ». Moi j’ai fait d’autres choix, qui sont différents, puis c’est ça mon travail présentement.

Aimy :

Ça fait que la vision que les gens vont avoir, bien d’abord elle est floue, puis ensuite il y a comme un morceau de… comme un projet inachevé, hein? Tu es au doctorat donc tu es comme entre, tu sais, la fin des études et la vraie vie, mais tu n’es pas vraiment actif encore là.

David :

Exactement! C’est pourquoi je ne dis souvent pas étudiant au doctorat, mais candidat au doctorat. J’essaie d’amener plutôt le sens de : « Bien moi c’est ça mon emploi ». Je n’étudie plus là, je n’ai pas de cours, en fait je n’ai pas beaucoup de cours. Il y a trois cours à faire dans mon programme. Ça fait que pour moi c’est fini de prendre des cours, m’assoir et étudier, dans le sens qu’on voit de faire des études et tout ça. C’est : Je rentre le matin, je fais ma recherche. Je lis des articles. J’essaie de contribuer à des trucs, puis c’est ça mon travail, vraiment que je vais faire et non lire, dans le sens « apprendre un cours » ou suivre un cursus de cours.

Aimy :

OK. Bien oui tu n’es pas assis en classe avec une notion magistrale, un prof qui raconte un truc, puis toi qui retiens des notions comme ça.

David :

Exactement.

Aimy :

OK. Alors là tu as commencé déjà à me dire : Bon bien je vais lire des articles, je vais m’informer sur des nouvelles notions, je vais essayer des trucs… Si on commençait à un peu « breakdown », tu sais si j’avais un drone là par-dessus ta tête dans ton bureau, qu’est-ce que je te verrais faire dans une journée ou une semaine typique, admettons?

David :

Ça va vraiment dépendre. Moi ce que j’aime vraiment, puis ce qui ressort beaucoup des motifs qui m’ont amené vers là c’est que j’ai une pleine autonomie, presqu’une pleine autonomie dans ce que je peux faire. Dans le sens que c’est ma recherche, à la maîtrise un petit peu moins, mais au doctorat c’est moi qui ai défini c’est quoi mes axes, sur quoi je vais me concentrer. Bon, ils sont guidés un peu par mon partenaire. Finalement j’ai un partenaire de recherche qui est une entreprise, donc ils sont un petit peu guidés par ça quand même, mais si je me lève le matin puis je décide « Moi je ne fais rien, ou je travaille là-dessus », il n’y a personne qui va m’en tenir rigueur, sauf moi-même parce que je n’attendrais pas, je n’aurais pas mon doctorat en bout de ligne. Ça fait que souvent je vais essayer de répartir mes semaines avec un agenda : C’est quoi les rencontres, les trucs importants que je dois aller chercher? Je m’implique dans plusieurs projets aussi, mais quand je me concentre ; Là je veux faire ma recherche, développer mes trucs ; Bien je vais commencer à prévoir des étapes. Je vais lire des articles. Je vais essayer de trouver c’est quoi les nouveautés, bon c’est quoi le problème auquel je veux m’attaquer… ça veut dire réfléchir à ça, à qu’est-ce que j’aurais besoin comme solution. J’ai besoin de données, bon où est-ce que je pourrais trouver des données? Je fais de la recherche sur Internet. Ensuite il va y avoir des phases où est-ce que je vais plus essayer de développer du code, donc écrire des lignes de code pour avoir des résultats sommaires, un peu. Par exemple, là il y a un article que je travaille, bon. J’ai vu un problème, OK, mais dans quelle mesure ce problème-là est présent? Comme je pourrais l’attaquer, finalement? Donc là je suis dans cette étape-là, de trouver des trucs. J’en parle un peu avec mon superviseur : Qu’est-ce que tu penses de ça? Qu’est-ce que je devrais essayer d’autre? Finalement on « brainstorm » un peu autour de ça, je réessaie de nouveaux trucs, je vais lire d’autres articles pour trouver l’idée… C’est quoi que ça veut dire ça? C’est quoi le problème ici? C’est quoi qui se passe là? Mais ça se divise beaucoup entre lecture et écriture, et lecture et écriture de code. Je dirais que 80% de mon temps, ça va être ça. Alors c’est vraiment écrire, lire, écrire, lire, juste un langage différent à chaque fois.

Aimy :

Alors je m’informe puis je produis quelque chose en lien avec ce que j’ai appris.

David :

Exactement.

Aimy :

OK. Pour essayer de concrétiser un peu tout ça, veux-tu nous dire c’est quoi le sujet de ta thèse? Est-ce que c’est une thèse? Est-ce que j’appelle ça correctement?

David :

Oui exactement c’est ça une thèse. C’est ça exactement au doctorat on appelle ça une thèse. Habituellement il y a trois axes de recherche. Ça va être les trois contributions qu’on va aller chercher, c’est ce qui est demandé dans la plupart là… je ne connais pas tout comment ça fonctionne, mais c’est standard, c’est à peu près ça. Moi mes axes de recherche : Le premier axe ce concentre sur ce qu’on va appeler la création de résumés ; C’est-à-dire que j’ai un texte qui est très très « sparse », en français c’est…

Aimy :

Comme éparpillé?

David :

Éparpillé, oui! Donc il y a beaucoup beaucoup d’information, dix quinze pages de texte, c’est difficile d’aller chercher toute l’essence. Moi je vais prendre ce texte-là et le condenser pour garder peut-être en dix lignes ce qui est pertinent. Mais en dehors de la longueur, on va aussi jouer sur, bien le sens des phrases. Est-ce que le vocabulaire choisi est trop soutenu pour notre auditoire? Essayer de reformuler? Ça pourrait être aussi la… on pourrait changer l’ordre des phrases, donc on pourrait commencer par la dernière phrase la mettre en premier, peut-être que ça va sortir plus d’information pertinente. Ça c’est mon premier axe qu’on va tenter d’explorer. En fait, actuellement ça n’a pas été beaucoup fait d’avoir une espèce de « nivelation » en fonction de l’utilisateur. La plupart du temps, on résume, on coupe la longueur ou des trucs comme ça, moi je vais aller chercher…

Aimy :

Attends attends attends! Je veux comprendre encore plus « basic » que ça! Ça fait que tu me dis, ton premier axe c’est de transformer quelque chose de « sparse » en quelque chose de plus condensé. Puis là, il y a comme plusieurs manœuvres que tu peux faire là-dedans. Tu veux dire, en partant d’un texte qui existe déjà, être capable de faire ça à travers ce que toi tu vas être capable de gérer de manière logicielle?

David :

Exactement, automatique puis en fait le résumé que moi je vais avoir ne sera pas le même que toi. C’est là la partie où moi je veux vraiment amener une contribution. C’est de dire : L’utilisateur va vraiment, excuse-moi le terme anglais, mais « driver » un peu c’est quoi que je vais choisir comme phrases puis comment je vais les agencer et les reformuler.

Aimy :

Donc si on prend un exemple hyper concret. Le texte « sparse » là, ça pourrait être quoi admettons?

David :

Un contrat d’assurances! Là je vends un peu c’est quoi mon partenariat finalement, c’est une compagnie d’assurances. Un contrat d’assurances, moi j’ai un « background » que j’ai fait de l’actuariat avant, donc je connais un peu le domaine puis quand on lit ça, c’est c’est c’est très abstrait pour la plupart des gens, pour ne pas dire tout le monde. Donc, il y a une importance à ça, parce que ça peut avoir un impact sur la vie des gens si je ne comprends pas bien mon contrat. Donc rendu à cette étape-là, souvent il y a un humain qui va faire le processus d’expliquer les grandes clauses, un agent d’assurances qu’on va appeler souvent ou un courtier, sauf que bien, des fois il y a la vente en ligne qui apparait beaucoup, donc comment on peut aller rechercher encore cette espèce d’interaction-là? Bien on pourrait le faire de manière automatique avec un système quelconque qui va prendre ce contrat-là et essayer de générer un condensé de ça qui va être capable de donner le même type d’information, mais qui va rester fiable par rapport à la source d’origine.

Aimy :

Donc si admettons moi je magasinais des assurances habitation, bien là je pourrais aller en ligne magasiner un contrat d’assurances, puis là dépendamment de qui je suis, mon besoin, quel genre de maison j’achète, « whatever », là toi tu serais capable de me générer un résumé qui serait vraiment « flashy », puis que moi j’aurais le goût de lire.

David :

Exactement! Puis qui ne serait pas de 45 pages. Il pourrait être de cinq, six lignes, ou par exemple on te propose un avenant. Les avenants ça c’est les nouveaux, finalement c’est les ajouts de protection, par exemple avenant au-dessus du sol, tu sais les trucs comme ça là, peut-être qui viennent par exemple l’eau qui rentre par la fenêtre dans la maison, bien, je pourrais juste pour cet avenant-là te faire un résumé d’une phrase ou deux : Qu’est-ce que ça veut dire là, concrètement? Tu sais, pour un humain…

Aimy :

Dans la vraie vie là!

David :

Dans la vraie vie ça veut dire quoi? Bien je te génèrerais une phrase. En auto c’est assez relativement simple, donc le deuxième axe arrive, c’est d’aller dans des… faire ce qu’on appelle du « transfer domain ». Donc j’ai un domaine, je m’entraîne sur un domaine, puis j’essaierais de transposer mon modèle dans un autre domaine. Donc par exemple, j’ai un contrat d’assurances auto, tous les contrats d’assurances auto sont régis par un organisme, ils sont tous standards. Ils sont tous pareils, à part quelques petits éléments là, le nom d’entreprise, des trucs comme ça, mais c’est à peu près toute toute toute la même chose. C’est relativement facile de travailler avec ça. Par contre, quand on arrive en assurances habitation, il n’y a pas d’uniformité. Il y a des choses qui sont à peu près similaires, mais l’assureur peut mettre à peu près ce qu’il veut, donc c’est là que ça peut devenir intéressant d’aller chercher, ça peut devenir plus complexe. On peut essayer d’aller atteindre ce problème-là complexe en se basant sur un problème simple au début, puis après ça si on va dans les contrats d’assurances vie, bien là c’est le « free for all », là…

Aimy :

C’est le « far west »!

David :

C’est le « far west »! Assurances collectives aussi, puis c’est un grave problème parce que ça a un réel impact sur les gens. L’assurance collective si on ne comprend pas ça, puis qu’on ne l’utilise pas comme il faut ou que ça coûte cher pour rien… Tu sais il y a une espèce d’animosité par rapport aux assureurs, puis ça ne répond pas au besoin fondamental qui est de vouloir aider les gens. Ça fait qu’il y a une idée d’aller essayer de tout chercher ça; là je ne ferais pas tout ça dans mon doctorat parce qu’on parle de quelque chose de très large, mais l’idée c’est d’explorer qu’est-ce qui est capable d’être fait? Ça ressemble à quoi les solutions?… ce qui amène au troisième axe, qui est de dire : « Là c’est bien (j’en ai parlé un petit peu tantôt), mais le texte que je génère, je veux qu’il soit fiable par rapport à ma source d’origine, alors je ne veux pas mettre en péril ou dire une phrase qui mettrait en péril la sécurité financière de l’entreprise parce que ça pourrait amener à des poursuites. Donc il y a un préjudice qui se crée, donc ce qu’on appelle « la certification » autour de ça, c’est de pouvoir dire : Je prends mon modèle, je prends peu importe le système, puis quand je génère, j’ai des garanties sur qu’est-ce que je vais générer, qui ne va pas dire des faussetés, qui ne va pas mettre des phrases en relation qui n’ont pas rapport. Essayer d’avoir un organisme autour de cette espèce de modèle-là qui sécurise pour répondre à des exigences d’agence de certification comme l’autorité des marchés financiers ou un exemple aussi, tout ce qui est en aviation. Ça c’est un domaine où est-ce que c’est très très très présent, parce que c’est la vie des gens qui est en jeu et non juste une assurance qui pourrait avoir un impact, mais là on parle de bien, l’avion « crash » ou non, comme il est arrivé récemment. C’est un très bon exemple de comment ces organismes-là ont un impact sur la certification de ces systèmes-là.

Aimy :

Puis quand tu dis que l’organisme a un impact sur la certification, organisme admettons dans le monde de l’aviation est-ce que tu parles de l’IATA?

David :

Oui exactement! Tu sais eux autres finalement ils ont des, ils ont une « check-list », tu dois pouvoir me dire ça qu’est-ce que ça fait là? Etc. Il y a comme une grosse « check-list » très très très complexe. Des systèmes d’informatique, d’intelligence artificielle, de moins en moins, mais il y a beaucoup l’effet de ce qu’on appelle la « black box », donc c’est une boîte noire; il se passe des choses à l’intérieur, puis je ne peux pas nécessairement tout dire qu’est-ce qui se passe, puis pourquoi il a pris toutes ces décisions-là. Il y a de plus en plus des outils qui s’en viennent capables de faire ça ou de contribuer à ça. Par exemple, les systèmes de reconnaissance faciale : Il y en a beaucoup que c’est très difficile, parce que pour un humain, c’est très très très abstrait. Ça va être des pixels qui pourraient juste dire, bien : « Ah par exemple mon sourcil gauche, la personne ressemble à un autre sourcil là, donc OK, c’est la même chose! », mais c’est tellement très très très précis, pour un humain ça ne fait pas beaucoup de sens, puis ça ne s’explique pas très bien. Ça devient une problématique dans ce contexte-là parce qu’on ne pourrait pas dire, bien, l’avion a décidé d’aller en haut, mais pourquoi? Bien on ne peut pas vraiment l’expliquer. Ce n’est pas une solution, une réponse viable dans ce processus-là.

Aimy :

Donc si je ramène ça encore. Là, premier axe : J’ai plein d’information, je résume en quelque chose que la personne aurait besoin de savoir. Deuxième axe : Si tu me le résumes en une ligne?

David :

Pouvoir appliquer le même modèle à plusieurs types de contrats différents.

Aimy :

Que ça soit reproductible, c’est vrai! Puis, reproductible et adapté. « Right? »

David :

Oui exactement! On va dire : C’est beau là ça va être correct!

Aimy :

Oui oui oui pour que ma mère comprenne.

David :

Exactement.

Aimy :

Puis… « allô mom! » (rires). Puis dernier axe : Bien, qu’il puisse y avoir une certaine certification qui dit : Oui mon résumé il dit vraiment ce qui était écrit « for real » dans le contrat.

David :

Exactement, il n’est pas trompeur par rapport au contrat d’origine. Je dirais plus ce terme-là parce qu’il pourrait faire un copier-coller aussi du contrat, donc tu sais… mais l’idée est vraiment de dire : Il n’est pas trompeur…

Aimy :

Il n’apporte pas préjudice.

David :

Exactement, que ce soit à l’assuré ou à l’assureur, parce que ça peut avoir teneur légale en cour donc il y a tout un enjeu autour de ça qui peut se dessiner puis tranquillement là justement au Canada on est en train de… il y a des lois qui apparaissent par rapport à, à l’imputabilité, finalement qu’on appelle.

Aimy :

Alors toi tu es en train de travailler pour générer un système qui pourrait faire tout ça.

David :

Exactement.

Aimy :

OK! Tu es rendu où?

David :

Dans ma revue de littérature! Moi j’ai commencé en fait mon doctorat officiellement la session passée, donc j’ai fait, en fait il y a des exigences d’examen, des trucs comme ça que je me suis concentré là-dessus. J’ai dit qu’il y a trois cours; donc là je termine mes deux cours actuellement, mes deux derniers cours. Puis cette session-ci, mon objectif c’est vraiment de dire OK : Voici les axes qu’on veut faire. Bravo, là on est comme à l’étape où on pourrait dire « Là, c’est des beaux nuages! Là, comment je prends ça, puis je leur dis « OK, toi tu vas exister, tu vas te passer comme ça, c’est ça qui va aller vers là… », donc commencer à faire mon plan pour finalement, ce qui amène à ce qu’on appelle une proposition de projet, c’est-à-dire que je prends mes trois idées, je mets ça sur papier, j’arrive avec des articles ou des références qui sont similaires, des gens qui ont essayé des trucs différents. Comment moi je vais attaquer ce problème-là? C’est quoi mon échéancier aussi? Finalement, ça c’est l’espèce de cadre que l’université de plus en plus essaie de développer parce que ça peut devenir difficile à un moment donné de naviguer à travers ça. Puis bien avoir quelqu’un six ans au doctorat ce n’est peut-être pas qu’est-ce qui est le mieux pour l’université non plus. Donc finalement, mon plan ce serait de terminer ça en quelque part à l’été prochain, pour ensuite pouvoir proposer ça à un comité finalement qui sont des experts, d’autres professeurs, qui vont dire « Oui, ce que tu as comme plan ou ce sur quoi tu t’enlignes ça fait du sens. » ou « Non, il faudrait corriger ça, non tu devrais aller plutôt dans ce sens-là. ». Donc tu sais finalement, une validation des pairs, qu’on pourrait appeler.

Aimy :

OK!

David :

Qui est une étape cruciale.

Aimy :

Super importante! Ça fait que là tu es dans cette espèce de processus, qui va t’amener à éventuellement compléter ton doc, rédiger ta thèse au complet, la soutenir… c’est bon, c’est réglé. Par contre tu me disais au début début début de ta description : « Bien, moi je travaille déjà tu sais. Oui je suis à l’école, mais je travaille depuis que j’ai ma maîtrise. » Qu’est-ce que tu dirais que tu fais comme travail?

David :

Bien là c’est un petit plus, l’espèce de… moi j’aime bien dire que j’essaie de créer des idées ou d’avoir des idées, puis de les concrétiser. C’est beaucoup comme ça que je vois ce que je fais, c’est que j’ai beaucoup d’idées, il y a beaucoup de choses qui se passent… « Hey on pourrait essayer de faire tel système, telle chose! ». J’essaie de le concrétiser. Par exemple, un exemple peut-être plus concret de qu’est-ce que ça veut dire : À ma maîtrise je me suis plus spécialisé dans ce qu’on appelle l’extraction d’information. C’est-à-dire que j’avais un partenaire qui voulait remplir des formulaires de manière automatique en assurances. Par exemple, en assurance auto-habitation c’est assez simple; on va chercher le nom de l’individu puis tout ça, mais en assurances commerciales c’est rapidement très complexe. On parle de milliers de produits qui existent. À on pourrait essayer d’un petit peu juste simplifier les informations comme… bien un coup qu’on a le nom de l’entreprise, son adresse, bien on a des informations qu’on pourrait aller chercher sur Internet. Donc moi mon travail finalement c’était de prendre des sources externes; dans ce cas-ci le registre des entreprises du Québec; d’extraire l’information, de pouvoir ensuite la mettre en relation avec qu’est-ce qu’on avait comme information à l’interne. Puis de ça a découlé une idée qui est finalement un problème que j’avais à l’intérieur de ce gros problème-là, j’avais un autre petit sous-problème, qui était de dire : J’ai des adresses, puis séparer les éléments d’une adresse, ça semble assez simple pour un humain. Bien ça, c’est le code postal, ça c’est ça. Pour l’ordinateur, ce n’est pas 100% réglé. C’est réglé avec des solutions externes comme Google Maps qui permet de le faire, mais si on veut se détacher de ça, bien il faut prendre ce qu’on appelle des « expressions régulières ». Là c’est un terme très technique! En gros, c’est une espèce de logique si on veut, de dire : Quand tel caractère apparaît suivi de tel caractère, ça veut dire ça. Par exemple, si j’ai un caractère, une lettre, un caractère, une lettre, bien c’est un code postal! Finalement c’est des logiques comme ça qu’on implémente, puis de là a découlé finalement l’idée de faire une solution en utilisant l’intelligence artificielle, plus spécifiquement du « machine learning », pour apprendre à partir d’adresses et on a proposé une solution qui est maintenant disponible pour tout le monde. Donc c’est-à-dire que quelqu’un peut prendre nos travaux, puis concrètement l’utiliser. Bien c’est ça que je fais dans mon quotidien. Il est là mon travail, c’est-à-dire : J’ai une idée, je le mets sur papier, je le concrétise dans le code ou en informatique et je délivre une solution que n’importe qui peut utiliser. Il est là pour moi l’aspect travail beaucoup aussi.

Aimy :

OK. Donc c’est dans le fond que tu développes des produits pour répondre à des besoins là.

David :

Liés à ma recherche, exactement.

Aimy :

Exact! OK, OK. Alors ton travail, bon il est toujours entouré de ce que tu es en train d’étudier puis ce que tu es en train d’avancer quant à ta recherche. Dans tout ce que tu me décris, il y a toujours cette notion de… un peu, il y a comme un casse-tête, hein? Je découvre des problèmes, j’essaie de les régler, je les dépose sur papier ou en ligne de code pour essayer de solutionner tout ça. On est quand même très loin du cliché du savant-fou là, qui porte un sarrot puis qui mélange une solution bleue dans une rouge là! Quand tu dis que tu es chercheur, as-tu l’impression des fois que ça génère cette espèce d’image-là?

David :

Quand même beaucoup, ou même je me rappelle j’avais une discussion avec quelqu’un et je disais : Pour moi bien j’ai un laboratoire, mon laboratoire de recherche finalement qui s’appelle le CRDM et le GRAL. Puis les gens ils pensent à un laboratoire avec des éprouvettes, des béchers, puis des produits chimiques, des choses comme ça! Puis ils pensent souvent à la santé. C’est ce dont on entend beaucoup parler, de la recherche en santé, les médecins, mais il n’y a pas juste les médecins qui font de la recherche! Il y en a vraiment une panoplie d’autres gens qui font de la recherche, que ce soit en génie électrique, génie mécanique, en sociologie, psychologie, philo… Tout ça a un objectif de juste prendre notre état de savoir actuel de notre environnement, puis de l’humain et de tout, puis d’essayer d’aller un petit peu plus loin dans ça. C’est vraiment comme ça aussi que je vois comme le rôle du chercheur dans la société en général, puis après ça moi mon quotidien oui les gens je pense qu’ils m’imaginent avec une éprouvette, un sarrot, mais, mais je porte un t-shirt, je porte des jeans ou je ne porte pas de jeans, avec des joggings, c’est ça mon habillement, comment je suis habillé au quotidien. Puis, où est-ce que je m’en allais avec ça après ça?

Aimy :

Tu parlais un peu du cliché du chercheur, hein?

David :

Oui, oui c’est ça! Puis le cliché, tu sais, je pense qu’il y a vraiment… Chercher une espèce d’idée méthodologique de résolution de conflit comme tu as dit, de casse-tête. Puis après ça, il y a plusieurs profils différents qui peuvent se dessiner autour de cette résolution de conflits. C’est vrai, il y en a qui ont des sarrots, qui travaillent dans des labos, mais il y en a d’autres que non non plus.

Aimy :

Il y en a plein de sortes, des chercheurs dans le fond.

David :

Exactement.

Aimy :

Autant de sortes qu’il y a de disciplines, tu dirais?

David :

À mon avis oui. Là après ça, il y a ce dont j’ai discuté un petit peu plus tôt, tu sais le pelletage de nuages, il y en a pour qui quelqu’un qui fait de la psychologie ce n’est peut-être pas concret. Puis c’est peut-être un peu du pelletage de nuages! C’est correct; chacun a droit d’avoir son opinion par rapport à ça, mais à mon sens, moi je crois vraiment que c’est aussi pertinent que ce que je fais. C’est juste une approche différente, puis on attaque un problème qui est différent, qui est plus les interactions sociales dans le cas que je donnais comme exemple, qui est tout aussi important parce que… il ne faut pas oublier, on est une société! Moi je ne travaille pas tout seul, je travaille avec beaucoup de gens, puis si je ne sais pas communiquer ou je ne sais pas interagir avec mes pairs, ça ne va peut-être pas bien aller pour moi à long terme.

Aimy :

C’est super intéressant ce que tu soulèves là hein! Si on réfléchit juste à plus grande échelle, tu sais c’est comme : Ton travail, bien il est très scientifique, il est concret, j’écris une ligne de code tu sais, mais quand je regarde un peu les exemples que tu me nommes : « Bien j’essaie de simplifier un contrat d’assurances », tu sais. Bien un contrat d’assurances c’est hyper humain là! Tu sais, si ma maison passe au feu, il n’y a pas d’expérience plus humaine que ça, non?

David :

Exactement. Définitivement, puis dans beaucoup, en tout cas du moins moi ce que j’essaie de faire beaucoup, l’humain est quand même souvent très présent dans ce que j’essaie d’interagir, ou du moins faciliter la vie, peut-être, des humains, donner les outils nécessaires, mieux communiquer aussi! Tu sais une entreprise finalement ça reste une entité, ce n’est pas un humain, mais c’est une entité quand même qui communique avec des humains. Bien, comment elle peut mieux interagir, mieux comprendre? Peut-être pas dans un objectif de contrôle, mais peut-être juste mieux savoir ce qui se passe. Ça reste que l’assurance comme tu as dit, si j’ai un incendie qui arrive, je n’ai pas envie que ce soit une expérience négative. Je viens déjà de perdre tout mes biens ou potentiellement tous mes biens, je n’aimerais pas ça me battre avec mon assureur. Ça ne m’est jamais arrivé, puis je ne souhaite pas ça à personne.

Aimy :

Tu sais tu nommes la partie humaine de ce que tu fais, puis on parlait un peu des mythes et des clichés. Puis si je sors un peu du cliché du chercheur, mais que je rentre maintenant dans le cliché de l’intelligence artificielle. On a cette fois-ci parfois cette image, là. Tu sais, du robot démoniaque qui veut aller dans la rue…

David :

Terminator!

Aimy :

À la Terminator! Oui c’est ça! Alors, comment tu dirais que…? Tu sais, je lisais un peu sur ton « background » puis je lisais que tu as ton entreprise et tout, puis je voyais un peu ces valeurs très humaines de : Il faut que ça fasse du sens au niveau humain et au niveau éthique ce qu’on est en train de créer. On n’ira pas créer de l’intelligence artificielle dans tous les sens! Comment est-ce que tu trouves que ça s’imbrique, les valeurs humaines puis l’intelligence artificielle?

David :

C’est vraiment une question très intéressante! Ça s’adonne que j’ai beaucoup ces discussions-là dans le cadre d’un podcast auquel je participe qui s’appelle l’IA café, puis c’est vraiment lié à l’éthique justement puis on a une espèce de réflexion avec des gens, on « interview » des gens puis on a une réflexion entre nous à différents chercheurs, puis ça tourne beaucoup autour de ça, qu’il y a déjà eu d’autres moments où l’intelligence artificielle a eu des levées, si on peut dire. Puis là, je pense qu’on est dans une bonne montée présentement, puis ça amène… Il y a comme… L’humaine a comme pris conscience que ça peut être puissant, puis ça peut avoir finalement peut-être, ça fait une atteinte, d’une certaine forme une atteinte à son intelligence. Dans le sens qu’on définit l’intelligence – Là j’embarque un petit peu dans mon « background » plus « sciences sociales » là, mais tu sais, historiquement, c’est quoi qui définit l’humain? C’est une question je pense qui est assez fondamentale. Est-ce que c’est l’intelligence? Est-ce que c’est la communication? On est toujours capables de trouver dans à peu près tous les cas des contre-exemples dans la nature; un animal qui démontre des signes d’intelligence, qui sont souvent associés à des capacités typiquement humaines. Là c’est cette phrase-là moi je pense qui fait la nuance. Là on a un système informatique qui démontre des capacités qui sont typiquement associées à l’intelligence humaine. Puis c’est là je pense que ça fait peur, parce que là c’est comme un, on se dit mais « Va-t-il me dépasser? ». Est-ce qu’il va atteindre ce qu’on appelle la singularité, me dépasser, devenir une forme d’intelligence complexe et complète? Puis il y a un petit bémol que j’aime bien rajouter. C’est que souvent ce qu’on va voir actuellement, les systèmes c’est qu’ils vont être très bons pour faire une chose. Par exemple, il y a eu un exemple très médiatisé qui s’appelle le système Alpha-Go, qui était un jeu. Finalement c’était un jeu très complexe, très très très très populaire en Corée, qui est finalement que tu places des pions, puis il y a toute une stratégie. Il est devenu extrêmement, très très très très très très bon le système à faire ça. Il a battu le champion du monde, mais ne lui demande pas de conduire une auto; il n’est pas capable de faire ça. Donc c’est pour une caractéristique humaine que le système arrive à performer au-delà des capacités humaines, mais dans l’ensemble, le système n’est pas capable de se mettre en relation avec la complexité de son environnement et de comprendre qu’est-ce qui peut être attendu de lui. C’est une frontière actuellement à l’intelligence artificielle, qui, à mon sens, ce qui va vraiment venir dans le futur, qui va probablement se développer c’est prendre justement des systèmes qui peuvent mettre en relation leur environnement et de comprendre la complexité dans laquelle il évolue et pas juste de dire « bien je te montre un milliard de photos de chat; Es-tu capable de reconnaître une photo de chat? ». Ce n’est pas juste ça que j’attends de toi! Ce n’est pas ça l’intelligence, ce n’est pas juste ça. Ça ne se résume pas nécessairement à ça, mais parce que ça ressemble à l’intelligence, ce qu’on définit, quand est-ce… ça fait peur! Puis je comprends. Je comprends tout à fait, par rapport à ça. Puis c’est pour ça que l’éthique, je pense que c’est important que ce soit au cœur de tout ça, parce qu’il y a des systèmes qui ont des impacts sur des humains, que ce soit des préjudices… Par exemple on sélectionne des séries TV, puis on discrimine plus les femmes par rapport aux hommes sur des postes. Amazone a un cas par rapport à ça. Ce n’est pas quelque chose qui est désirable! Là après ça, la question c’est de dire : « Est-ce que c’est le système qui est mauvais, ou ce sont les années d’observation qui font juste sortir que c’est l’humain qui est derrière qui est vraiment mauvais. Puis c’est là que ça devient intéressant moi je pense. Le cercle là! Ce n’est pas la question de dire « Le système que j’ai développé est mauvais ». Attends, mais ce système-là là, tout ce qu’il a fait c’est qu’il a copié des données, il a copié, il a observé un comportement, puis le comportement qu’il a observé…

Aimy :

De la vraie vie.

David :

De la vraie vie, puis ce comportement, c’est qui qui le fait? Ce sont des humains! Donc là, là je pense qu’il y a comme une confrontation par rapport à nos valeurs, par rapport à nos faiblesses aussi en tant que société, qu’humain. C’est ça qui choque peut-être un petit peu, puis qui amène à dire « OK on ne peut pas avoir des systèmes qui peuvent faire ça, parce que là c’est qui qui va être, qu’on peut punir pour ce qu’il fait ce système-là. ». Si c’est un humain, c’est facile! On peut dire : « Hey, tu m’as discriminé, je peux te renvoyer », mais là c’est un système informatique. Qui est-ce que tu punis? Celui qui l’a conçu? L’entreprise?

Aimy :

Donc là il y a comme tout ce dilemme de : Le système met à la lumière des failles profondément humaines, puis il y a ensuite, si on va vers ce que tu nommes tu sais de joindre les différentes fonctions, hein? Il ne sait pas juste jouer à un jeu mon système, il sait jouer à tous les jeux ou à plein de jeux! Ou en fait, il sait faire plein d’affaires différentes outre reconnaître des photos de chats. Alors si je prends l’exemple super cliché de la voiture autonome, « right »? La voiture autonome; j’écoutais un autre podcast où est-ce qu’ils disaient : Bien un jour la voiture autonome elle va pouvoir scanner les piétons dans la rue, puis là elle va pouvoir dire « Ah bien ça c’est un vieil homme, ah puis ça c’est une jeune fille, ah puis ça c’est une famille de canards », tu sais. Puis là bien « Qui j’écrase dans le contexte où je n’ai pas le choix d’écraser quelqu’un? ». Alors dans tout ça là, on disait : Oui mais peut-être qu’un jour on va se rendre plus loin, puis là on va scanner, puis là on va dire « Oui mais cette personne elle a déjà un cancer avancé, c’est elle que je devrais écraser! ». Ça fait qu’on avance on avance on avance, puis là on arrive à une partie où est-ce que la machine ne fait pas juste reconnaître, mais elle prend une décision que nous-mêmes on a du mal à faire. Moi je ne saurais pas qui écraser si c’était moi qui conduisais puis qu’il fallait que j’en écrase un! Alors, dans cette notion-là où est-ce que ce n’est plus juste la faille humaine, mais c’est le fait que c’est difficile à faire comme choix même en tant qu’humain, mais là on se dit « C’est une machine qui va le faire. ». As-tu l’impression que ça fait partie de ce qui est le « challenge » derrière?

David :

Définitivement, puis qu’est-ce que je pense qui est vraiment intéressant avec l’exemple que tu viens de donner surtout aussi, c’est que par rapport à un humain, admettons que tu te retrouves dans la même situation que l’auto, il va falloir que tu arrives à prendre une décision, mais ta décision ne sera pas nécessairement prise en connaissance de toute l’information autour de toi. Tu vas observer des choses. Il y a des choses que tu ne pourras pas savoir, ou que tu n’auras pas suffisamment conscience de traiter cette information-là. Tu vois effectivement une famille, des enfants, puis tu vas faire un choix moral. Ce choix-là moral va dépendre de la société où est-ce que tu restes, du pays où est-ce que tu habites. Ça va dépendre de beaucoup de choses. Puis il y a un élément que moi j’aime bien rajouter dans l’exemple, tu as dit « Qui peut-il frapper? », mais il y a aussi le conducteur, il pourrait décider de tuer le conducteur. L’auto pourrait décider de tuer le conducteur au lieu de tuer les piétons autour. Ça, ça amène vraiment une question vraiment intéressante autour de ça, c’est qu’il faut faire des choix, puis les gens qui font des choix, ça peut être des constructeurs automobiles, ce sont des ingénieurs logiciels, ce sont des gens comme moi qui font de l’informatique. Puis comment on peut..?

Aimy :

Puis on pourrait même, puis on pourrait aller super loin puis dire… Il y a des gens de marketing qui disent : Comment moi je vais vendre l’auto qui dit « Bien moi je vais te tuer toi qui conduit. »

David :

Exactement! Si je ne me trompe pas, c’est BM ou Mercedes qui a pris la décision de dire : Nous on va sauver le conducteur en premier. Donc il y a effectivement, il y a vraiment une stratégie qui est vraiment vraiment vraiment très complexe derrière. Ça implique beaucoup d’acteurs, beaucoup de gens, beaucoup de décisions. C’est là que je pense que c’est important d’avoir comme une espèce de consensus social sur : C’est quoi qu’on doit définir qui a du sens? Nous en tant qu’humain, en tant que société, qu’on s’entend de dire collectivement, la majorité : Pour nous ça a du sens. Puis si ce n’est pas la majorité, bien moi comment je peux essayer de choisir, d’avoir une décision à travers ça qui correspond peut-être plus à mes valeurs. Donc oui, ça a vraiment un impact, vraiment je pense qui… qui… mais ce n’est pas juste informatique. C’est vraiment sociétal comme changement puis comme impact.

Aimy :

Exact! Alors si on fait un lien avec ce que tu disais tout à l’heure, tu disais : « Bien moi je suis un chercheur en informatique. Il y a des chercheurs en socio. On a besoin de tout ce beau monde-là. » Bien ça revient à ça! Ce n’est pas : Le chercheur en informatique qui va décider éthiquement quelle personne on écrase avec l’auto autonome.

David :

Exactement.

Aimy :

En fait c’est un choix de société! C’est tous les acteurs en recherche dans tous ces domaines-là qui vont se pencher là-dessus là.

David :

C’est pour ça que du moins les centre de recherches avec lesquels je travaille c’est souvent très multidisciplinaire. Il va y avoir des gens en géomatique, des gens en psychologie, des gens en philo, des gens de tous les secteurs. Moi je collabore beaucoup avec des gens en droit présentement. Donc tu sais il y a vraiment différents acteurs puis il faut que ce soit multidisciplinaire parce que ça a… c’est vraiment plus grand que juste moi avec mon petit code informatique. Puis il y a peut-être, il y a des moments, puis historiquement tu sais ce qu’on appelle l’intelligence artificielle dans les années 50, ce n’est plus de l’intelligence artificielle aujourd’hui, ou c’est moins considéré comme de l’intelligence artificielle. Ça avait peut-être moins d’impact sur la société, parce que ce n’était peut-être plus juste un système qui était comme… par exemple je réponds à des questions, ou je reproduis des trucs. Ça fait qu’on ne voyait pas l’impact de « Ah ça va changer le monde demain, puis là il y a des autos, puis là il y a des gens qui vont peut-être mourir à cause d’un choix d’une auto », tu sais. Puis là on est vraiment rendus là-dedans, où est-ce qu’il faut mettre tous les acteurs ensemble puis dire : « OK, comment on arrive à une solution? Comment on propose des « guidelines »? ». Il y a vraiment beaucoup de réflexion puis c’est ça que je trouve qui est, qui est vraiment fascinant. C’est sûr que dans tout ce que je dis, ça implique de se casser la tête. Je ne peux pas, moi quand je commence mes journées, il n’y a pas de jour… Ah ce n’est pas vrai là, pas tous les jours, mais il y a beaucoup de journées des fois c’est comme : « Ah j’ai un problème, ah je pensais que j’avais une solution, ah il faut que je recommence tout. ». Ça peut être frustrant. Ça peut vraiment être fâchant de toujours recommencer ce processus-là, donc c’est sûr qu’il faut, pour ce genre de carrière-là, il faut des fois vouloir être dans des zones grises ou accepter de recommencer des trucs plusieurs fois. J’ai réécrit des sections de mon mémoire souvent, là!

Aimy :

Que tu as du refaire et refaire!

David :

Oui!

Aimy :

Ça fait que là tu nommes une belle force qu’on doit avoir en tant que chercheur, cette espèce de tolérance au doute, puis cette tolérance là à l’échec, mais dans le bon sens du terme : Bien ce n’était pas la bonne affaire, ça veut dire que la bonne affaire est ailleurs, je vais continuer de la chercher. Qu’est-ce que tu dirais qu’il y a d’autres comme forces qu’on retrouve chez un bon chercheur?

David :

Là, c’est très teinté de mon expérience aussi puis des gens autour de moi aussi, mais moi je crois qu’un des facteurs vraiment importants c’est d’avoir une certaine forme d’autonomie. Surtout dans les années où est-ce qu’on s’en va chercher un doctorat ou une maîtrise, peu importe le niveau qu’on cherche à atteindre, parce que la recherche, il y a souvent… bien ça le dit, la recherche! Il n’y a pas quelque chose de clairement défini, il n’y a pas une règle qui dit « Ah, pour tel problème, tu fais ça ça ça ça ça. » Ça se peut que… il va falloir que tu définisses la règle. Il va falloir que tu définisses la recette pour faire ça. Donc il faut être capable d’être assez autonome puis dans une espèce de cadre de travail ou d’occupation de ton temps, si on peut dire, qui est un petit peu plus flou. Tu sais comme je disais un petit peu plus tôt, moi aujourd’hui si je décide de me lever puis de ne rien faire, il n’y a personne qui le sait, il n’y a personne qui s’en rend compte, sauf moi qui n’atteins pas mes objectifs, tu sais! Je pense que ça prend aussi, une caractéristique très importante c’est une curiosité intellectuelle, il faut que tu aies le goût de lire. Il faut que tu aies le goût, faut que tu aimes ça en quelque part aussi, ou d’apprendre! Cette espèce de désir-là lié à l’apprentissage parce que tu vas apprendre tout le temps, constamment des choses. Surtout en informatique là, il y a beaucoup de nouvelles choses. Les choses évoluent rapidement et souvent; faut être capable d’apprendre rapidement. Un désir aussi, je pense, profond de se poser des questions, de remettre les choses en question puis d’accepter de vivre dans – Bien tu sais je l’ai déjà dit un petit peu mais – d’accepter de vivre dans cette espèce de nuance-là ou de zone grise. Il y a des profils qui probablement pourraient dire que : Bon moi je me pose moins de questions ou je suis moins dans une zone grise, c’est plus clair. Effectivement, mais je pense qu’il y a quand même quelque chose qui est un petit peu présent, de vouloir se poser des questions. Si on va plus dans les compétences admettons au lieu des qualités, les compétences, je dirais que ça va vraiment être relié au secteur où est-ce qu’on évolue. Je dirais que dans le cas du mien, ça prend un certain niveau de compréhension mathématique informatique, un esprit quand même logique. Puis d’expérience, les autres gens avec qui je collabore, qui sont des chercheurs aussi, ont souvent un esprit assez logique ou méthodologique peut-être? Il y a une méthodologie dans ta tête quand il y a un problème : Je vais commencer par ça, je vais faire telle chose, je vais faire telle chose ». Que ce soit je pense en littérature ou en n’importe quoi, je pense qu’il y a quand même un esprit méthodologique à travers ça. Après ça il y en a qui sont peut-être plus logiques ou rationnels que d’autres, mais ça je dirais que ça va dépendre du secteur, là. De ce que j’observe des gens autour de moi! Je ne pense pas que c’est la vérité absolue. Il faut aimer les…

Aimy :

Mais dans ton cas à toi là c’est un peu ça. Oui, toujours! Toujours! Si je vais voir maintenant de manière un peu plus personnelle, ça a été quoi ton parcours scolaire qui t’a mené jusqu’où tu es aujourd’hui?

David :

C’était un petit peu, peut-être pas laborieux, mais long, lent peut-être. Tu sais pour faire les grandes lignes, moi j’ai commencé l’université à 24 ans. Avant ça j’ai essayé un DEP, j’ai essayé un premier BACC en psycho… en socio, non ce n’est pas vrai! En socio. J’ai fait un peu de service militaire, j’ai vraiment essayé plusieurs trucs. Puis je me suis dit « je veux savoir qu’est-ce que j’aime puis qu’est-ce que je n’aime pas », j’ai plus trouvé des choses que je n’aimais pas finalement. Puis à un moment donné par hasard, j’étais agent d’assurances, puis j’ai découvert l’actuariat puis je me suis dit : « Je veux faire un BACC là-dedans. » Ça rejoignait beaucoup de mes intérêts, tu sais j’aimais l’économie, j’aimais les mathématiques, mais pas au point de faire un BACC en math, pas au point de faire un BACC en économie. J’aimais la logique, j’avais fait un petit peu de formation puis j’aimais ça, ça rejoignait tous ces axes-là puis je trouvais que c’était un beau cercle autour de ça. Oui je vais, je vais essayer ça. Oui, tu avais une question?

Aimy :

Oui oui, j’allais dire avant, tu sais tu as nommé un paquet d’affaires que tu as essayé avant de tomber sur l’actuariat. Comment tu décrirais comme ta prémisse? Comme, c’était quoi qui te disait « Ah bien je vais essayer un truc » on en voit beaucoup hein, des gens qui sont comme : je vais m’inscrire, je vais faire ça, je vais le finir. C’était quoi ton « mind state »?

David :

Il y a un peu d’impulsivité, mais admettons, quand j’ai fini le secondaire j’ai fait comme tout le monde. Je suis allé au Cégep puis je n’ai vraiment pas aimé ça. Ma première session là… tu sais j’ai toujours été quelqu’un qui a une certaine facilité à l’école, mais je n’étudiais jamais. Je n’ai jamais vraiment fait de devoir, ça fait que je suis arrivé au Cégep et il y a comme un petit mur. Je n’ai pas trop passé par-dessus parce que j’étais comme « Ah je n’aime pas tant ça. » Ma deuxième session j’ai juste arrêté d’aller à mes cours. Ça a eu un impact très négatif sur ma cote R. Je ne vous recommande pas de faire ça, définitivement pas. Ça a un impact puis j’ai été chanceux que mon BACC ne demandait pas de cote R parce que, bien six cours à zéro ça ne donne pas une bonne moyenne, tu sais on ne se fera pas de surprise là. Puis je disais que c’était vraiment l’impulsivité, ou juste un désir de…. « attends je vais essayer quelque chose ». J’ai fait un DEP en studio montage, puis ça c’est parce que mon père faisait ça, tu sais c’est classique là. Puis j’ai vraiment aimé l’expérience de travailler avec mes mains, de souder des pièces de métal ensemble. Ça a été l’environnement intellectuel qui m’a tué. Je suis arrivé en entreprise, j’ai fait mon premier stage j’ai fait « Non, non ce n’est pas ça que je vais faire toute ma vie, je vais mourir. Je vais mourir, tu sais mon cerveau, je sentais vraiment qu’il y avait quelque chose dans mon cerveau qui se disait : Ah je ne peux pas endurer ça pendant 40 ans. C’est vraiment un emploi je pense quand même difficile, mais c’est vraiment vraiment le fun. Moi j’ai vraiment aimé ça me casser la tête sur : « OK, comment je vais souder ces pièces-là ensemble? », mais c’était, c’était finalement mes collègues que, j’étais comme : « Ah je ne suis pas… ». Je ne peux rien parler avec eux qui m’allume…

Aimy :

Comme si tu n’étais pas, tu n’étais pas dans ta « croud » du tout là.

David :

Exactement. Tu sais bon il y avait une différence d’âge aussi là quand même importante. Moi j’avais je pense 20 ans à l’époque puis eux autres avaient 40 ans, des enfants, ça fait que c’est sûr que la barrière était assez importante. Mais tu sais ce que j’entendais des expériences de mes collègues aussi j’étais comme : « Ah, je ne peux pas faire ça, je ne peux pas faire ça. » Puis en fait c’est qu’en revenant de mon stage je n’ai juste pas été à l’école. Je me suis inscrit au Cégep. Après ça, ça a été, bien… j’aimais quand même bien les sciences sociales, les trucs comme ça, être avocat. Il y avait tout ça qui se dessinait! J’étais comme : Je trouve ça intéressant, mais pas assez pour me dire « je vais me lancer dans ça ». Donc j’ai juste fait mes cours, puis j’ai avancé, puis là j’ai fait « Bien je vais faire un BACC en socio. » J’ai fait quatre cinq semaines, j’ai fait « Je ne vais pas faire un BACC en socio ».

Aimy :

(Rires)

David :

Puis ça a été… bon, un gros concours de circonstances que je connaissais finalement le président directeur général de Industrielle Alliance, assurances habitation. Puis j’ai dit « Hey! », j’ai écrit un courriel et j’ai dit « Hey! J’aimerais ça travailler chez vous. » Très impulsif, très très très « long shot ». Ça a fonctionné! J’ai semi aimé mon expérience. Je me suis rendu compte : Le service clientèle ce n’était pas pour moi. Je n’avais pas… en fait, j’aime parler avec les gens, mais je n’aime pas ça me faire parler « non stop » au téléphone à toutes les 30 secondes, puis d’avoir ce petit « bip » là dans mes oreilles, ça ne me stimulait pas. Ça fait que là c’est là que finalement, comme je le disais, que j’ai rencontré un actuaire dans le processus, j’ai fait : « Ah ça a l’air le fun! », puis je me suis inscrit au BACC, en actuariat, à l’Université Laval, en 2015. Oui c’est ça, 2015, puis ça a été une épreuve très éprouvante. Je pense… je n’étais pas assez bon en maths, je pense, puis je n’avais pas étudié; ça a été un gros gros problème. Je ne savais pas comment bien apprendre dans un temps prescrit, donc dans tant de semaines il faut faire ça. Alors mes techniques; j’ai essayé plusieurs techniques; il y en a qui ont bien fonctionné, d’autres ça a été des échecs lamentables. Ça a fait en sorte que je n’ai pas eu de stage dans aucun, puis dans mon cercle d’amis tout le monde a eu un stage, donc ça a quand même été très difficile à accepter. J’ai eu beaucoup d’échecs. Ça a été mes premiers vrais échecs de vie, ça a été au BACC. Puis tout ça m’a amené à avoir vraiment beaucoup de réflexions parce que là tu te dis : « Bon OK qu’est-ce que je fais? Je ne peux pas juste mourir, me laisser mourir. » Finalement au deuxième été que je n’avais pas eu de stage, j’ai réussi à me trouver un petit emploi avec l’école de l’actuariat, puis je travaillais des fois sur place. J’ai rencontré une personne, ça a littéralement ma vision de mes choix, qui est maintenant un collègue avec qui je fais le doctorat en informatique. Puis bien ça m’a fait comme prendre conscience, bien en fait ce que j’aimais beaucoup, c’était la logique, résolutions de problèmes, puis l’informatique c’est ça qui m’allumait beaucoup. Donc là j’ai fait : « Ahhh OK. » Puis tu sais, l’aspect mathématiques, j’aimais ça, mais pas les maths d’université admettons là, ça m’intéressait moins. Ça fait que dans ma dernière année j’ai beaucoup beaucoup orienté mon parcours 100% informatique. Tous les cours à option que j’étais supposé faire en actuariat j’ai fait : « Moi, sais-tu quoi, je ne ferai pas ça. Je vais faire mes cours d’informatique ». Je me suis arrangé avec tout le monde, j’ai fait pousser des petits crayons pour que ça fonctionne. Tout a bien fonctionné, puis j’ai fait : Je vais faire la maîtrise parce que j’ai le goût de continuer. Puis j’avais toujours un petit peu le doctorat en tête, mais ça a vraiment… j’avais quand même une crainte de l’aspect d’écriture parce que, comment…? Je ne pensais pas que j’allais autant dans ma vie écrire, lire, donc j’avais négligé le français, les règles de grammaire, vraiment vraiment négligé au secondaire. Je le regrette amèrement aujourd’hui, je vais l’avouer. Je me dis « Hey, communiquer ce n’est pas si important que ça », mais non! C’est pas mal le cœur de tout ce que tu vas faire dans ta vie c’est de communiquer, que ce soit par écrit, oral, verbal, un plan, un devis, tu vas toujours communiquer, peu importe ton emploi. Moi je crois fondamentalement à ça! Même quelqu’un qui est dans la construction, il faut qu’il lise un plan, il faut qu’il parle avec ses collègues : « Hey tiens le poteau-là! », mais il faut que tu parles. C’est de la communication. Puis quand j’ai commencé à écrire mon mémoire j’ai vraiment vraiment aimé l’expérience, le résultat final, le processus. C’est difficile, ça fait mal, mais c’est une belle épreuve que j’ai aimée. Donc je me suis décidé un petit peu sur un coup de tête finalement de faire comme : « Je vais continuer au doctorat, je suis sur une belle lancée, je n’ai pas envie de revenir peut-être dans deux ans. » Ça fait que je me suis inscrit la session passée puis je suis très satisfait à date.

Aimy :

Quel parcours intéressant! Je trouve ça cool de voir les aléas, c’est rare dans le fond les gens qui vont faire une grande ligne droite, puis on entend beaucoup parler d’eux, puis très peu des parcours en zig-zag. Puis je trouve ça le fun d’entendre comment… tu sais, tu as nommé un échec. Je trouve ça intéressant d’entendre comment un échec peut devenir un tremplin, hein?

David :

Oui exactement, puis j’aime beaucoup ce que tu dis, puis je pense que c’est vraiment… dans l’ensemble de mon parcours je pense que ce que j’aimerais faire ressortir le plus, ce ne sont pas mes succès, ce sont vraiment mes échecs parce que c’est ça qui a défini où est-ce que je suis rendu actuellement. Des fois j’ai un petit peu de malaise de certains profils, pas particulièrement la personne ciblée, mais tu sais des profils qu’on présente partout sur la scène publique là, tu sais des accomplissements incroyables! Puis là, moi je pense avoir accompli des choses, puis là je la regarde cette personne-là et je me dis « Hey j’ai l’air d’un pas bon. » Je m’imagine un jeune qui a 16 ans et qui se dit : « Est-ce que c’est ça qu’il faut que j’atteigne pour être « successful »? ». Moi j’ai vraiment un malaise par rapport à ça, qu’on fait juste montrer le succès, le succès, le succès. Des profils que tu te dis : « Oui, mais c’est une personne parmi 1 million qui a réussi à atteindre ça. ». Ce n’est pas l’objectif à atteindre je crois. Il y a vraiment plein d’autres gens qui ont fait des choses incroyables puis qui n’ont peut-être pas la visibilité commune de tout, ou qui ont eu plein d’échecs et qui ne se sont pas définis juste par l’échec. Je pense que c’est vraiment plus important de regarder ça que juste le succès.

Aimy :

Oui puis tout à l’heure tu disais : « Comment est-ce qu’on définit l’intelligence à la base », puis maintenant on pourrait se demander : « Mais comment est-ce qu’on définit un succès « anyways »? » Tu sais c’est comme : Est-ce que c’est d’être contente et d’aimer ce que tu fais, un succès? Bien tu es plein de succès! Ça fait qu’il y a plein de choses qu’on pourrait, qu’on pourrait observer aussi hein?

David :

Oui! Définitivement.

Aimy :

OK. Avant-dernière question dans ma grande série de questions. J’aimerais te demander : Tu sais, tu as un domaine qui fait beaucoup penser sciences fiction des fois là, mais concrètement selon tes connaissances et selon toutes les lectures que tu es en train de faire, puis tout l’apprentissage que tu fais maintenant, comment est-ce que tu penses que ton domaine va évoluer dans les 5, 10, 15, 20 prochaines années?

David :

Bien, j’en ai glissé un petit peu quelques mots un petit peu plus tôt. Finalement, je pense que la frontière actuellement c’est vraiment de faire évoluer les systèmes dans un univers qui est très complexe, qui est difficile à avoir un sens dans tout ça, même pour l’humain, même pour n’importe quoi. Donc surtout dans mon domaine
je me spécialise moi c’est, évidemment, je ne pense pas que j’en ai parlé moi c’est le traitement automatique de la langue naturelle. Je vais l’appeler NLP là, c’est la version anglaise, c’est plus facile à prononcer. NLP. La NLP bien, l’humain ou l’humanité va toujours créer du contenu textuel, ou de la voix ou peu importe, donc ça va toujours être un domaine qui va être en constante évolution parce qu’on va avoir des nouvelles façons de communiquer. Tu sais la démocratisation finalement où est-ce qu’on veut parler avec les gens dans leurs langues à eux autres. Alors il y a comme beaucoup d’aspects. La… la… voyons! Google Translate là!

Aimy :

La traduction.

David :

La traduction, c’est ça que je cherchais le mot en français. La traduction, il y a beaucoup beaucoup de choses qu’on cherche à aller chercher puis il y a beaucoup d’information textuelle qui se crée à chaque seconde, que ce soit pour une entreprise qui serait juste de dire, bien : « Je communique avec mes clients par papier ou par voix? ». Comment on peut tout utiliser toute cette information-là pour arriver à faire quelque chose qui a peut-être plus de sens pour le client ou pour l’entreprise? Puis tout ça je pense que ça va être la frontière, de tout prendre ces différentes sources d’informations-là qui sont de plus en plus complexes, de les mettre en relation puis arriver à générer ou à créer quelque chose qui pourrait atteindre, tu sais comme qui pourrait aider finalement l’humain dans son processus. Là je pense que c’est assez vague ce que je donne comme réponse, ça ne me semble pas très précis là…

Aimy :

Bien, ce que tu me dis, ce que tu me dis dans le fond c’est que tu as l’impression qu’on va avancer sur tous ces chemins-là?

David :

Oui exactement là. Tu sais sur des systèmes qui ne vont pas juste être bons à lire, mais des systèmes qui vont être bons à lire, à comprendre vraiment le texte. Regarde j’ai un bon exemple. Actuellement il y a un système, peut-être que les gens en ont entendu parler qui s’appelle… cette année, ou plutôt 2020, il y a eu un nouveau système qui s’appelle un modèle de langue. Un modèle de langue ça se trouve à être : « Regarde je te donne un mot. Essaie de trouver le meilleur mot qui pourrait suivre ça. » Donc tu sais, il y a comme une espèce de façon d’utiliser la langue. Puis ce modèle de langue là a été entraîné sur une quantité phénoménale de documents. Ça a été du jamais vu, puis il est, c’est un très très très gros modèle, donc il y avait beaucoup d’attentes sur les performances de ça. Ça génère des beaux textes. Tu regardes ça, tu lis ça… « Ah, ce sont des phrases qui sont complètes! », mais quand on observe vraiment le sens, le modèle n’a pas démontré qu’il comprenait comment utiliser la langue. Pourquoi? Parce que par exemple des fois dans un même texte, on met en relation Albert Einstein avec admettons Newton. Ils n’ont pas du tout vécu à la même époque. Ça ne se peut pas. C’est impossible, mais lui le système il n’a pas compris ça. Il a juste compris « Je peux mettre un nom avec un autre nom puis ça là du sens. ». Il n’a pas compris c’est quoi le contexte dans lequel il évolue! Il a juste compris qu’un mot va suivre un autre mot, qui va suivre un autre mot, qui va suivre un autre mot. C’est ça l’ensemble qu’il a compris. Puis il y a une grosse critique par rapport justement à ces systèmes-là où est-ce que ça ne démontre pas… ça démontre des performances statistiques qu’on va appeler, très intéressantes, donc j’enchaîne des mots qui ont du sens. Ça ne démontre pas une qualité grammaticale ou une compréhension de la langue. Ça ne démontre pas beaucoup ça, ce que la recherche démontre. Alors il y a comme une grosse critique de ça justement, les gens voudraient justement : « Regarde là il faudrait qu’on fasse évoluer des systèmes qui comprennent la langue et non juste qui ont vu tellement d’exemples de textes qu’ils lancent des mots dans tous les sens puis ça adonne que ça a un pas pire sens, mais il y a des phrases qui sont générées tu dis : « Ça ça n’a pas de sens, un humain ne pourrait pas écrire ça. ». Donc c’est ça, c’est beaucoup ça je pense, la génération de texte je pense que c’est la prochaine frontière de recherche. Définitivement ce qui s’en vient. Puis il y a des géants de l’informatique qui sont vraiment très à fond là-dessus. Oui. Je dirais que c’est la prochaine frontière. Ça va vraiment… Moi j’ai vraiment hâte de voir qu’est-ce que ça va donner tout ça.

Aimy :

Oui, moi aussi, moi aussi! Bien hâte de voir. OK, dernière question. Si tu croisais quelqu’un, jeune ou moins jeune, peu importe, puis que cette personne-là te disait : « Hey David c’est vraiment cool ce que tu fais, j’aimerais ça pouvoir m’en rapprocher, j’aimerais ça peut-être faire ça moi aussi un jour. », quels conseils est-ce que tu donnerais à cette personne-là.

David :

Tout dépendant de son âge-là admettons là, mais, mais la première chose à faire c’est je pense c’est, c’est de savoir faire de l’informatique. C’est ce que je fais le plus souvent. En fait, je vais même reculer d’un niveau plutôt : Savoir communiquer. Que ce soit avec la langue, que ce soit avec un langage de programmation c’est important de bien communiquer, puis je dirais que c’est ça qui est essentiel. C’est beau la technique, ça s’apprend la technique, je pense qu’il y a vraiment un aspect vraiment, très très très pertinent sur les « soft skills » là, que je vais appeler en anglais, sur les compétences… Je ne sais même pas c’est quoi la traduction. Les compétences plus…

Aimy :

Oui les « soft skills » c’est comme les compétences humaines!

David :

Oui c’est ça humaines! C’est ça que je cherchais. De développer ça c’est aussi important que les techniques. Donc là la technique c’est simple. Apprends un peu de math, apprends un peu d’informatique, tu vas apprendre sur le tas, mais après ça c’est de tout mettre ça en relation, d’en parler avec un collègue, que c’est là que ça va avoir son sens je crois. Alors la première chose que je dirais, va chercher un… quelqu’un veut vraiment faire un doctorat en informatique; que ce soit un BACC en maths, BACC en math info, BACC en informatique, BACC en actuariat même, tu sais on peut arriver à atteindre les acquis, c’est juste qu’il y a peut-être un petit peu plus de chemin à aller faire entre les deux, entre le pont. Puis BACC en génie logiciel aussi, définitivement un excellent BACC aussi là que je trouve vraiment fascinant. Bonne compréhension de l’informatique mathématique comme j’ai dit là, ça va vraiment t’aider dans le parcours, définitivement.

Aimy :

Quand tu dis là bonne compréhension, si j’image un peu là, ça ne peut pas être des gens qui disent « Ah oui, je me débrouille en maths », il faut un peu que… que t’en manges? Que ce soit facile?

David :

Bien surtout l’esprit logique. Parce que moi, tu sais… il y a des niveaux de maths. La math qu’on apprend au secondaire ce n’est pas de la mathématique. C’est du calcul, puis ce sont des règles que tu apprends. Regarde, il y a un angle qui se pointe avec l’autre, ça veut dire que c’est tel type d’angle, ça s’arrête là. Ce n’est pas de la math. Ce n’est pas de la mathématique. Cégep? Pas encore! À l’université c’est là que tu apprends vraiment là, puis même encore ce que j’ai fait ce n’est pas de la vraie math. De la math c’est un autre niveau. Ce que je pense c’est de dire bien, on prend un problème, puis je dois le résoudre de façon logique. J’ai des outils à ma disposition qui peuvent être de la dérivée, de l’intégrale, tu sais des termes plus techniques mathématiques, mais j’ai ça que je peux utiliser. J’ai telle « land » que je peux faire. C’est de prendre tout ça et de les mettre en relation, donc c’est encore comme plus tôt, tu as dit un casse-tête. Juste que d’avoir les outils mathématiques va aider parce qu’il y a beaucoup de notions mathématiques derrière qu’est-ce que je fais. Informatique la même chose, il y a beaucoup de trucs à mettre en relation. Des casse-têtes de « OK, pour attaquer mon problème, mais là c’est la complexité informatique qui embarque aussi donc comment je vais aller…? » Donc tout prendre ça, puis je crois que d’avoir un esprit logique et méthodique va faciliter, mais ce n’est pas exclu que tu vas réussir si tu n’as pas ces caractéristiques-là. Je crois juste que tu peux avoir une facilité de l’apprendre, puis le temps nécessaire pour comprendre le concept va être plus petit. Tu sais, cette espèce de delta là d’apprentissage que moi j’aime bien appeler. Tu sais moi si j’essaie d’apprendre la médecine là, ça va me prendre beaucoup de temps parce que je ne comprends rien de ça, ça ne m’intéresse pas, donc pour atteindre les mêmes standards quelqu’un d’autre va mettre une heure moi ça va m’en prendre 100, bien ce n’est pas intéressant pour moi. Alors je pense qu’il y a cette espèce de ratio-là de se poser comme question surtout aussi. Ce n’est pas essentiel de maîtriser les mathématiques pour faire ce que je fais, mais c’est juste que tu vas atteindre un niveau différent. Si tu veux devenir chercheur je pense qu’il faut que tu le maîtrises, mais si tu fais juste appliquer des solutions, c’est un petit peu moins important.

Aimy :

OK, OK. Ce sont des bons « cues ». David ça a été super intéressant, merci beaucoup! Si les gens veulent en apprendre plus sur ce que tu fais, où est-ce qu’ils pourraient te retrouver en ligne?

David :

Je pense que mon LinkedIn c’est vraiment la meilleure place. C’est LE réseau social où je suis le plus actif. S’ils veulent voir plus niveau informatique, mon GitHub qui est davebulaval, directement me suivre, sinon sur LinkedIn David Beauchemin. Bon, tu en as parlé un peu j’ai une entreprise, donc si les gens veulent voir aussi, directement me rejoindre par là.

Aimy :

On va mettre les liens hein?

David :

Oui on va mettre les liens exactement. Base line avec qui j’ai parti en fait finalement c’est une coopérative de travailleurs. L’aspect humain là tu sais tu en as parlé bien nous on a fait le choix dès le départ, on a dit : On est une coop, on est une gang de socialistes… Non, on n’est pas si pires que ça là, mais on aimait juste l’idée de pouvoir comme discuter et échanger, que ce soit plus démocratique notre processus de décisions des choix plus complexes qui impliquent beaucoup de gens, beaucoup d’affaires comme on avait parlé. Oui donc LinkedIn je pense que c’est mon meilleur moyen de voir qu’est-ce que je fais, puis je partage ma recherche, je partage des trucs intéressants là-dessus là.

Aimy :

Excellent, donc on vérifie tout ça. Merci David!

David :

Hey merci Aimy!

Aimy :

Merci à notre invité et merci à vous d’avoir écouté cet épisode des portraits professionnels. Pour plus de détails sur cette profession, visitez notre site Internet au www.saltoconseils.com