PSYCHOLOGUE
AVEC NATHALIE BRASSARD
Mars 2020 | Musique et montage par Alex Andraos
Dans cet épisode, nous rencontrons Nathalie Brassard, psychologue. On discute avec elle de sa réalité en pratique privée, mais aussi de ce qui se passe en coulisses entre les rencontres.
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PSYCHOLOGUE
AVEC NATHALIE BRASSARD Aimy :Bonjour et bienvenue aux Portraits professionnels, le balado où l’on tente de clarifier différentes professions du marché du travail. Aujourd’hui, on rencontre Nathalie Brassard, psychologue. On discute avec elle de sa réalité en pratique privée, mais aussi de ce qui se passe en coulisses entre les rencontres. Nathalie Brassard, bonjour.
Nathalie :Allô.
Aimy :Tu vas bien?
Nathalie :Ça va bien. Toi?
Aimy :Ça va bien, merci. Alors, on se rencontre aujourd’hui pour parler de ton beau métier. Veux-tu nous dire qu’est-ce que tu fais?
Nathalie :Je suis psychologue.
Aimy :Tu es psychologue depuis combien de temps?
Nathalie :Depuis 2004. Alors, on est en 2019, ça fait ma quinzième année.
Aimy :Quinzième année en tant que psychologue?
Nathalie :Oui.
Aimy :J’aimerais commencer par te demander, il y a toute une espèce d’aura autour de ton métier. Quand on dit aux gens, je m’en vais voir une psy, on a tous une image de ce que ça peut être. Toi, quand tu rencontres quelqu’un pour la première fois, party de Noël, bonjour, je m’appelle Nathalie, qu’est-ce que tu fais dans la vie, je suis psychologue, quelle image tu penses que les gens ont de toi instantanément?
Nathalie :Les gens qui me côtoient ont du mal à faire le pont entre qui je suis dans la vie et ma profession. Les nouvelles personnes, il y a vraiment deux types de réaction. Les gens qui sont super curieux, ah wow, ça doit être intéressant puis, toutes sortes de perceptions, des fois justes, des fois pas. Ça dépend s’ils ont consulté eux-mêmes. Et tu as ceux qui sont très craintifs, tu vas m’analyser, qui vont surveiller tout ce qu’ils disent, qui ont super peur qu’on les transperce. Qu’on fasse du rayon-X de l’âme.
Aimy :Que tu voies des choses qu’eux ne voulaient pas présenter, en fait.
Nathalie :Oui, absolument. Ou que je les cerne, que je les saisisse mieux qu’eux-mêmes trop rapidement, quelque chose comme ça. Donc, ils vont être plus défensifs, ça peut arriver, quand même. Il y en a encore beaucoup qui considèrent que c’est pour les fous ou que c’est humiliant ou que c’est…
Aimy :Tu entends encore ça?
Nathalie :… dernier recours. Oui. Souvent, le conjoint ou la conjointe.
Aimy :Donc, le conjoint ou la conjointe de ta personne qui vient te consulter?
Nathalie :De la personne qui vient me consulter, ça peut arriver, ou des amis qui l’ont déconseillé ou des parents.
Aimy :Fait que je viens te voir, mais mon chum dit que c’est pour les fous et que dans le fond, je ne devrais pas venir perdre mon argent ici.
Nathalie :Tu peux plutôt te confier à moi, à la place, qui se sentent menacés que leur partenaire ait besoin de quelqu’un de neutre. Souvent, quand il y a ce genre de réflexion-là, c’est qu’il y a aussi une expérience par rapport à ça, pas agréable.
Aimy :J’en ai entendu une, histoire de psy, puis il n’était pas bon.
Nathalie :Puis il m’a scrapé, ou ça n’a pas marché, ou je ne sais pas, il m’a rejeté ou il ne m’a pas compris, je n’ai pas aimé ça.
Aimy :Ça n’a servi à rien.
Nathalie :Oui. Ce qui va arriver, aussi, c’est qu’il y a des gens pour qui c’est très menaçant de se remettre en question. C’est un peu ça qu’on s’en vient faire, ce qui n’est pas facile et qui demande beaucoup d’humilité. Donc, il y a des gens qui vont tout de suite être très défensifs à l’idée de faire ça. Souvent ils consultent moins et souvent ils créent plus de dommages aussi.
Aimy :Mais ça, c’est une autre histoire. Habituellement, les gens qui te consultent, les gens ils viennent te voir pourquoi?
Nathalie :Les gens vont aller consulter un psychologue pour toutes sortes de raisons. Moi, j’ai établi des intérêts cliniques avec lesquels je suis plus à l’aise, comme je suis en privé, c’est sûr que je reçois moins des gens en état de crise, ou en aigu, ou en crise suicidaire, ou moins des cas très lourds ou très amochés, ou avec beaucoup de trauma.
Aimy :Fait que tu as eu la chance dans ta carrière de faire comme une sélection de ta clientèle?
Nathalie :C’est une chance quand on est en privé. C’est sûr qu’on va avoir une clientèle, souvent, qui est plus fonctionnelle, qui travaille, qui a des assurances, qui est capable. Donc, ce n’est pas tous les types de psychologues qui vont rencontrer ces clientèles-là. Cela dit, moi, j’ai quand même touché à différentes clientèles avant de venir. Je voulais avoir une expérience plus large, pour ne pas être déconnectée non plus de la souffrance humaine puis être capable d’aider le plus de personnes possible. Mais, il y a une espèce d’écrémage qui se fait un peu naturellement, malheureusement, quand on est en privé comme moi. Donc, ça va amener plus des réflexions sur la croissance personnelle, sur l’épanouissement, des blocages, des conflits, de l’anxiété, de la dépression, des conflits en relation, mais pas nécessairement autre chose. Ça tourne souvent autour de ça, autour des relations, puis autour des questionnements personnels. Parfois, aussi, des gens qui viennent pour s’actualiser vont être plus curieux de poser des questions existentielles, ce qui va être dans mon approche. J’accueille cela avec grand plaisir parce que j’aime ça.
Aimy :Parce que tu trouves ça intéressant.
Nathalie :Oui.
Aimy :C’est quoi, par exemple, une question existentielle?
Nathalie :Qui suis-je? Où vis-je? Où vais-je? Donc, le sens de la vie.
Aimy :Donc, quelqu’un qui viendrait te voir pas parce que ça ne va pas bien, plus parce que j’ai envie de réfléchir.
Nathalie :Oui, parce que je veux comprendre c’est quoi le sens de ma vie ou je veux réfléchir sur la solitude existentielle, par exemple, puis comme c’est quelque chose avec quoi les thérapeutes on est exposés et si on est familiers avec ça, ça fait juste du bien d’avoir quelqu’un qui se pose les mêmes questions puis avec qui on peut discuter de ça, sans être un casseux de party qui veut se poser des questions sur la mort en plein milieu d’un 5 à 7.
Aimy :Fait qu’ici, je pourrais avoir un endroit où faire ça.
Nathalie :Oui.
Aimy :Si on prend l’exemple de la solitude existentielle, c’est quoi, ça?
Nathalie :La solitude existentielle, c’est un concept qui réfère au fait que, comme individu, on peut avoir le sentiment d’être proche des autres, mais on a quand même constamment l’impression d’être différent des autres. Dans cette différence-là, on peut se sentir lié ou on peut se sentir extrêmement seul constamment. On peut avoir ce sentiment-là, par exemple, en couple où, souvent, on est sur la même page, mais d’autres fois, où on ne se sent pas toujours compris, où on sent qu’on est loin de l’autre. Même quand on est en relation, ce que je veux dire, c’est qu’on peut se sentir seul. La solitude existentielle, ce que je veux dire, c’est un peu quelque chose qui est commun à toutes les personnes. On est toujours la seule personne dans notre expérience.
Aimy :À être nous-mêmes.
Nathalie :Oui, exactement, puis pour certaines personnes, ça va bien ça. Ça ne les préoccupe pas. Mais, il y en a d’autres que ça les dérange énormément, puis ils veulent comprendre et savoir quoi faire avec ça.
Aimy :Ils viennent te voir avec cette espèce de questionnement ou d’inconfort puis, de là, on explore?
Nathalie :On explore, on normalise aussi beaucoup. Il y a beaucoup de travail de normalisation, en psychothérapie.
Aimy :C’est quoi, normaliser?
Nathalie :Ou valider, c’est-à-dire, de se dire que c’est normal de se poser ces questions-là. C’est sûr que ce n’est pas populaire dans les partys, comme je disais tantôt, puis c’est pour ça qu’on a l’impression d’être un peu bizarre quand on se les pose parce qu’en général, on n’écrit pas ça sur notre statut Facebook : je me pose des questions existentielles. Mais, la plupart des gens vont se les poser plus ou moins régulièrement, puis…
Aimy :…Puis normaliser, c’est rappeler cette expérience humaine commune. En fait, de dire qu’on est plusieurs à se poser ces questions-là.
Nathalie :Que c’est normal puis que, si ça nous angoisse, ou si ça nous préoccupe ou si ça nous perturbe, on peut trouver des façons moins paralysantes de gérer ces questions-là ou de trouver des réponses, si on a besoin, même, parfois ça peut nous dire : va chercher des réponses. Puis, je dirais par rapport à tout ce qui est existentiel, je dirais que c’est beaucoup plus préoccupant en ce moment, ces questions-là. Ça l’a toujours été mais, du fait qu’il y a moins de religion imposée, maintenant. La religion répondait un peu à ces questions-là pour les gens.
Aimy :Parce qu’on avait une raison d’être.
Nathalie :Oui, une raison de vivre, un sens de la vie, un code moral, la vie après la mort, on savait ce qui se passait.
Aimy :C’était déjà tout dicté.
Nathalie :Pour plein de gens, il n’y avait pas tout à fait ces angoisses-là parce qu’ils savaient déjà un peu qu’il fallait qu’ils fassent le bien et ils savaient qu’après la mort, il y avait une autre vie. Mais, pour tous ceux qui n’ont pas ces réponses-là, ça peut vraiment amener beaucoup d’angoisse. Tu es un peu projeté dans une vie que tu ne comprends pas. Tu vis de la détresse, de la souffrance qui n’a pas de sens. C’est là où est-ce que c’est intéressant de pouvoir partager ces inquiétudes-là avec quelqu’un qui aime ça faire ça.
Aimy :Qui aime ça faire ça. Tu me disais, c’est des questions existentielles, ça fait partie de mon approche. Veux-tu nous décrire tu es de quelle approche?
Nathalie :Je suis d’approche humaniste-existentialiste. Donc, c’est basé, l’humanisme c’est plus, le mot le dit, c’est l’humain. Mais c’est surtout les relations et les émotions qui sont au cœur de cette approche-là. Existentialiste, c’est qu’on va aller beaucoup dans les questions et les préoccupations existentielles puis, aussi, toucher par la bande les stades de vie. Dans chaque stade de vie, quand on est à mi-parcours, on va plus se poser, par exemple, des questions typiques : ok, j’ai la moitié du chemin de fait puis c’est quoi l’autre bout qui me reste. Souvent, ça va être collé un peu à où est-ce qu’on est rendus dans la vie mais, cela dit, à seize ans ou à vingt ans, on peut quand même se poser ces questions-là très fort. Ça peut être, un peu, d’ailleurs, étourdissant de se les poser alors qu’on n’a le sentiment d’être le seul qui les pose.
Aimy :D’être tout seul là-dedans, peut-être.
Nathalie :Absolument.
Aimy :Tu me disais, c’est ton école de pensée parce qu’en fait, si on résume, il y a plusieurs écoles de pensée en psychologie et chacun des thérapeutes, chacun des psychologues, appartient à ces écoles de pensée là, un peu?
Nathalie :Bien il va prendre, souvent, en fonction de son expérience, de son bagage, qu’est-ce qui va le plus avec son parcours ou va s’orienter dans une approche plus qu’une autre. Mais, maintenant, il y a beaucoup de thérapeutes qui ont une pratique…
Aimy :Plus éclectique.
Nathalie :Oui, exactement. D’ailleurs, c’est mon cas aussi. Il n’y a pas que ces écoles-là. Mais qui vont prendre un peu de tout, dépendamment de ce qui est là. Si j’ai une personne anxieuse, c’est un très bon exemple, devant moi, puis que cette personne-là n’est pas capable d’être fonctionnelle, je vais utiliser énormément de techniques de la TCC, qui est la thérapie cognitivo-comportementale, où là on va s’attaquer aux symptômes, on va s’attaquer aux manifestations de l’anxiété. La thérapie cognitivo-comportementale, le mot le dit, si on le sait. Cognitivo, c’est pour les pensées et comportementale, c’est les comportements associés aux pensées. Donc, pour quelqu’un qui est dans cet état-là, très symptômatique, il faut la rendre fonctionnelle. On ne rentrera pas dans des questionnements existentiels avec cette personne-là, elle est paralysée, elle ne fonctionne plus.
Aimy :Si je parle de symptômes, par exemple, quelqu’un qui ferait des crises d’angoisse, des crises d’anxiété.
Nathalie :Exactement.
Aimy :Donc, on a ça à gérer avant de faire quoi que ce soit d’autre.
Nathalie :Et si on le fait parce que, parfois, lorsque ça va mieux, ces gens-là vont continuer leur petit bonhomme de chemin. Tu en as, il y a une personne, je ne vais pas nécessairement rentrer dans les cas, mais il y a quelques années, cette personne-là faisait des attaques de panique. Maintenant, elle n’en fait plus du tout, ensuite, on a eu l’espace. On a travaillé ensemble sur quelques années. Pas pendant quelques années, mais sur quelques années. Elle venait de temps en temps, puis au fil des rencontres, on a réussi à travailler sur l’anxiété en tant qu’émotions que je ne suis pas capable de gérer à ce moment-là. On a été capable d’aller un peu plus en humaniste, entre les émotions qui sont liées à l’anxiété.
Aimy :Il y a toute cette valse qui est possible, entre les approches.
Nathalie :Oui.
Aimy :Donc, cas par cas, à utiliser en fonction du besoin de la personne qui est devant toi.
Nathalie :Oui, puis là, j’entre. En aigu, en urgence, on va aller beaucoup en TCC, selon la demande, aussi, évidemment. Si quelqu’un est préoccupé par ses parents, ça se peut qu’on aille plus en psychodynamique ou en systémique pour comprendre ce qu’il vit et le résultat de son interaction avec son environnement. Là, on va aller plus vers le côté de la psychodynamique. Puis, il va y avoir des séances où l’on va mélanger tout ça sans même s’en rendre compte.
Aimy :En fait, pour les gens qui nous écoutent et qui ne sont pas toujours nécessairement au parfum des différentes approches, je mettrai un lien pour la clarification de c’est quoi, ces différentes approches-là. Mais, ce que j’entends, c’est que différents professionnels, qui se rapprochent de ces différentes écoles, peuvent aussi aller puiser dans les autres en fonction du besoin de la personne, mais c’est vraiment de mettre la table, d’aller vers ce qui est à faire pour tout de suite, pour pouvoir attendre des besoins et des questionnements peut-être un peu plus profonds. C’est un peu ça?
Nathalie :Oui. Quelqu’un qui va venir me voir va souvent avoir une connaissance de ce que je fais et va souvent avoir une demande spécifique par rapport au service que j’offre. Il va avoir soit lu ma page ou entendu parler de moi et de ce que je fais, surtout. Puis, une personne va aller voir ma collègue et va avoir lu sa description et cette description-là va lui parler davantage, va plus faire écho à comment elle perçoit sa vie intérieure, sa vie, ses problèmes. Aussi, c’est très important quand on choisit quelqu’un pour travailler en psychothérapie, c’est aussi bon pour le psy, à quelque part, mais c’est d’aller vers quelqu’un avec qui il y a déjà une résonance, avec qui on sent déjà qu’on va être compris rapidement et qu’on va parler la même langue, pas juste le français, mais au niveau des émotions, qu’on va se comprendre, c’est important.
Aimy :Oui, je lisais, à un moment donné, il faudrait que je retrouve, mais je lisais que l’un des premiers facteurs de réussite d’une psychothérapie, c’est le lien thérapeutique, donc le lien qu’on a avec le thérapeute.
Nathalie :Oui.
Aimy :Donc, c’est comme tabou de dire qu’on peut magasiner des êtres humains, mais ça se magasine.
Nathalie :Pour ça, oui. Absolument parce que, de toute façon, si on ne s’est pas senti confortable, on ne reviendra pas. Si on ne s’est pas senti compris ou écouté, ou accueilli, on ne reviendra pas. Ou si la personne a été trop proche et nous, ça nous déstabilise, on ne reviendra pas.
Aimy :Trop proche, comme trop vite?
Nathalie :Il y a des types qui sont peut-être plus inclusifs. Si, par exemple, on a une difficulté relationnelle, si on a de la difficulté à tolérer des gens proches parce qu’on a été blessés par des gens trop proches, bien un psychologue, un psychothérapeute qui serait trop proche, trop vite, ce serait…
Aimy :Pourquoi, trop proche?
Nathalie :Trop gentil, trop empathique, alors que pour nous, par exemple, on a été blessé. Je vous donne un exemple, quelqu’un s’est montré très, très proche et nous a trahis. Quelqu’un qu’on a reçu une note après, on lui devait des choses, ça a été vécu négativement ou on s’est fait avoir, ou il y a eu un coût associé à une proximité trop grande, on peut rester effrayé de ça. Un thérapeute qui arriverait trop tôt, qui ne le saurait pas, qui arriverait trop vite et si la personne est très mal à l’aise et qu’elle n’en aurait pas parlé, ça pourrait être un motif de cessation du traitement. Malheureusement, ce qui arrive souvent, c’est comme une danse et si on se pile sur les pieds, on va arrêter de danser. Le problème, c’est qu’une fois que les gens ont eu une mauvaise expérience, ils n’ont plus envie. Ils vont généraliser.
Aimy :Les psy sont comme ça, les psy sont comme ça.
Nathalie :Oui, je n’aime pas ça. Alors que, souvent, c’est juste avec cette personne-là que la danse ne s’est peut-être pas bien déroulée et ça nous apprend à nommer nos besoins et à peut-être considérer de magasiner une personne qui va peut-être plus fitter avec ce qu’on a vraiment besoin. Il ne faut pas s’arrêter, vraiment, à un insuccès. Il faut peut-être mieux préciser nos besoins quand ça arrive.
Aimy :Puis aller chercher ailleurs, si c’est nécessaire.
Nathalie :S’informer.
Aimy :Poursuivre sa recherche.
Nathalie :Oui.
Aimy :Là, on est physiquement, actuellement, dans ton bureau. Veux-tu nous dire, où est-ce qu’on est, c’est comment ici?
Nathalie :Ici, on est dans ma section privée. On est dans mon VIP, il n’y a personne qui vient ici ou très peu. De ce côté-ci, c’est vraiment l’endroit où je viens réfléchir, ou je fais mes notes. Donc, il y a un bureau, physiquement. Un bureau assis debout parce que je passe la majeure partie de la journée assise, donc, quand je fais des notes, j’aime être debout. Il y a un ordi, il y a un fauteuil, il y a de la lecture en masse, il y a des plantes. Ça, c’est mon petit coin, très lumineux. De l’autre côté, j’ai de la chance d’avoir un bureau qui est divisé en deux, c’est vraiment comme un petit salon. C’est ça que j’ai voulu reproduire comme ambiance, comme déco. Ce sont des fauteuils que je voulais confortables, ils ne sont pas si pires.
Aimy :Ils sont confortables (rire).
Nathalie :Ok. Puis c’est assez lumineux. C’est vraiment comme un salon. On arrive, on s’installe, on enlève les chaussures et on se met en petit bonhomme. Il y en a certains qui s’allongent, comme on voit typiquement, mais c’est assez rare.
Aimy :Qu’est-ce qui fait que tu as choisi une ambiance salon?
Nathalie :Dans ma façon de travailler, dans ce que je valorise le plus, c’est la relation et le contact humain. Tout ce qui est, on créée une relation, on se sent à l’aise. Moi, je veux vraiment que ce soit un espace sécuritaire où les gens vont d’abord être rassurés et avoir envie de se déposer. Assez pour être partants et avoir envie d’explorer qu’est-ce qui se passe. Si je n’arrive pas à créer un milieu sécuritaire, on ne réussira pas à travailler en confiance.
Aimy :Un salon, c’est ça. C’est cet endroit paddé où est-ce que je peux être en pantoufles.
Nathalie :Absolument. C’est tranquille, on prend un verre d’eau puis on jase. Des fois, j’offre un café, quand ça ne va vraiment pas.
Aimy :Ça ne va pas, prend un café (rire).
Nathalie :Une boisson chaude, quand ça ne va pas.
Aimy :Là, tu me décris un peu le set-up, comment c’est. Si je te demandais, cette fois-ci, le set-up de la structure d’une journée typique de travail, de quoi ça a l’air?
Nathalie :En privé, parce que j’ai fait d’autres expériences, ce n’est pas tout à fait comme ça. Moi, j’ai la chance de pouvoir faire mon horaire. Je suis une maman, aussi, à côté, fait que j’ai réussi à établir une pratique de jour seulement. Beaucoup de mes collègues vont travailler en soirée. Il y a quand même plus de demandes de consultation en soirée, ça va dépendre de notre rythme de vie à chacun.
Aimy :Comme tu disais tout à l’heure, tu as une clientèle qui travaille. Donc, s’ils travaillent, ils sont libres le soir, souvent.
Nathalie :Oui, mais j’ai de la chance avec ma clientèle. C’est une clientèle qui a une flexibilité et qui est capable de consulter en journée, puis quand ils l’ont moins, on trouve un moyen. Je fais des consultations à distance pas mal, j’en fais de plus en plus. Donc, la journée typique, j’arrive tôt. Je commence à neuf heures à travailler cliniquement, mais j’arrive vers huit heures, à peu près. Puis, je m’installe physiquement, mais aussi émotionnellement dans ce que je m’en vais faire. Premièrement, je sors du shift de maman. Des fois, c’est un peu stressant d’arriver au travail. Les matins, ce n’est pas toujours facile avec les enfants, d’être pressée, les matins pressés. Je ne veux pas partir ma journée dans cet esprit-là fait que je prends le temps de me déposer. J’ouvre mon ordi parce que c’est là que j’ai toutes les notes, maintenant. Avant, j’avais juste ça papier, mais maintenant, j’ai tout dans l’ordi. Puis je prends connaissance de qui est là aujourd’hui. J’essaie, maintenant, de juste faire ça à chaque matin. Avant, je gardais beaucoup en tête les situations de clients. J’y pensais beaucoup en dehors, puis je me suis rendue compte que, pour l’hygiène mentale, c’était mieux de séparer les choses. Donc, je prends connaissance, au petit matin, de qui est là. Je le sais souvent, quand même et où on en est, surtout. Je revois la note de la dernière fois.
Aimy :Le matin, tu revois toutes tes notes?
Nathalie :Je revois les trois premiers. Admettons que, ce matin, j’ai un bloc de trois, je vais relire les notes, la dernière note de chacun, pour savoir où on est rendu. Dans la note, c’est souvent très peu compliqué. Je résume grosso modo de quoi on a parlé et ce qu’on s’est dit qu’on allait faire, si jamais ça a eu lieu, s’il y a des éléments importants que je ne veux pas oublier et qu’on a dit qu’on allait aborder ensemble, je revois ça pour que, lorsque la personne rentre, si c’est ça qui est encore à l’ordre du jour, qu’on reprenne où on était rendu et que je ne sois pas toujours perdue à demander.
Aimy :C’était quoi, déjà?
Nathalie :Comme c’est très important pour moi, ce n’est pas juste important que la personne sente que c’est important pour moi, que la personne soit importante pour moi et qu’elle le sache et qu’elle le sente. Je prends vraiment le temps de me replonger dans son histoire pour que ça vienne rapidement. Ce qui est intéressant, à force de faire ce métier-là, c’est qu’on développe une mémoire phénoménale de toutes les histoires. Il y a des personnes qui reviennent me voir cinq ans plus tard et je suis encore capable de raconter plein de choses. C’est comme si j’avais enregistré la série télé de leur vie…
Aimy :C’est comme si tu avais vu le film et là tu portais tel chandail et je m’en rappelle.
Nathalie :Absolument. Quand la personne arrive, je ne me souviens pas toujours de son histoire, mais quand elle s’assoit, c’est comme si je reconnais l’épisode précédent et je sais exactement où je suis rendue, puis je me rappelle de tous les détails. C’est le fun, ça va vite dans ce temps-là. La personne n’a pas toujours besoin de me dire : ça c’est mon conjoint et ça c’est mon chat qui est décédé en 2012. Je ne me souviens pas de 2012, mais je me souviens du chat. Donc, je reviens à la journée typique. Donc, je vais faire des séances d’une cinquantaine de minutes avec une petite pause entre chacune pour pouvoir me déposer et être disponible pour la prochaine personne. Je vais faire une note, aussi, rapidement, qui conclut chaque séance. Après la séance, la personne quitte et je vais écrire tout de suite où on est rendus tout de suite pour ne pas l’oublier.
Aimy :À chaud.
Nathalie :Oui, je le fais tout de suite. Ce que j’ai envie de faire parce que c’est tout neuf et avant de plonger dans l’histoire de la prochaine personne, j’aime mieux compléter la précédente pour ne pas que ça se promène, que ça reste ouvert, que je pense encore à l’autre.
Aimy :Fait que tu vas clore avec la note. Tu vas te garder un petit moment pour te déposer.
Nathalie :Oui.
Aimy :Ça, ça a l’air de quoi, se déposer?
Nathalie :Ça peut prendre juste deux secondes. C’est juste, mentalement, je prends une respiration, je vais aller à la salle de bain. Je suis timée aux heures. Je vais faire une petite pause, je prends ma petite gorgée d’eau, puis je vais penser à la prochaine personne qui s’en vient, me remettre un peu dedans.
Aimy :Et c’est reparti.
Nathalie :Oui, ça ne me prend pas grand-chose, maintenant. Au début, ça me demandait un peu plus de discipline parce que c’était plus anxiogène, un petit peu. Chaque rencontre m’amenait un petit stress, un petit thrill.
Aimy :Un peu comme : qu’est-ce que ça va être aujourd’hui?
Nathalie :Qu’est-ce qui va arriver. Je suis incertaine. Mais, maintenant, ça roule.
Aimy :C’est comme une gymnastique mentale et maintenant, tu es réchauffée.
Nathalie :Oui. Je n’ai pas besoin de faire quelque chose en particulier. Ça opère tout seul. Si, par contre, quelqu’un me stresse beaucoup, que ça a été plus tendu avec cette personne-là, le travail est plus difficile et c’est quelqu’un qui vient plus me chercher. Moi, c’est des gens qui vont être plus hostiles. Donc, ils sont hostiles à moi, ils remettent en question tout le temps et te challengent. Il faut beaucoup que je mette de côté ma propre réaction à moi, alors ça demande un peu plus de gymnastique. Là, je vais être probablement plus stressée, alors je risque de faire un peu de danse de Saint-Guy avant que la personne arrive. Pour sortir le stress, je vais me mettre à bouger, à faire un peu n’importe quoi, comme si j’allais m’entraîner. Ok, go, on y va. Après ça, le stress est descendu et la magie opère.
Aimy :La magie opère. Là, tu verrais ton bloc de trois personnes. Tu as une pause, tu lunches.
Nathalie :Je vais dîner, oui. Je reprends.
Aimy :Là, tu as trois autres personnes et ta journée est complète.
Nathalie :Oui.
Aimy :Tout ce qui va être le autour. Trouver ta clientèle, booker tes rendez-vous, j’annule ma place, Nathalie, ça rentre où dans ta vie?
Nathalie :Là, j’ai parlé plus de la portion clinique. Une grosse journée, ça peut être six personnes. J’ai très peu de place, à ce moment-là, pour toute la gestion à côté. Mais, j’ai souvent des gens qui annulent ou des trous, des espaces. J’ai des journées à cinq ou à quatre avec un trou entre les deux. Ça, c’est le fun parce que là, j’ai vraiment le temps de faire autre chose. Les autres choses, c’est justement ça, de la comptabilité, entre autres. Il faut faire de la gestion d’horaire.
Aimy :On ne le voit pas, mais Nathalie me fait une belle face. Ça a l’air d’être ta tâche préférée.
Nathalie :(Rire). Mais, je haïs pas ça, je haïs pas ça. C’est juste que je ne ferais pas ça tout le temps, juste compter et compter ce qui s’est passé, avec des chiffres. Ça permet de savoir où on est rendu. Quand même, quand on est en pratique privée, toi, tu le sais aussi, il y a quand même toute une partie, ça ne paraît pas quand la personne vient s’asseoir ici, mais le fauteuil, il a fallu que je le paye, il a fallu que je le magasine, que je l’achète. Il a fallu que je trouve un espace, un bureau que je dois payer. Je dois payer pour de la publicité. Bon, mon linge, je ne rentre pas ça là-dedans. Je dois acheter des boîtes de mouchoirs en quantité industrielle et je dois planifier cet achat-là. Aussi drôle que cela puisse paraître, il y a quand même toute une portion comptable de laquelle on n’a pas nécessairement connaissance quand on travaille dans une entreprise qui est déjà formée. On arrive dans le local, s’assoit, on travaille, puis on est parti. L’ordi sur lequel je mets mes notes et le logiciel que j’ai acheté, que j’ai appris et que j’ai configuré pour faire mes notes, il fallait que je l’achète quelque part. Dans les frais que les gens vont débourser, on peut trouver parfois que c’est un peu élevé, les honoraires, mais ça inclut tout ça. J’ai un taux horaire, puis le reste, ça permet de payer le local, ça permet de payer la pub, l’ordi, les autres choses. Parfois, aussi, les formations pour que je reste à jour. Je vais peut-être en reparler plus tard. Donc, il y a ça, dans l’à-côté. Il y a toute la logistique de l’horaire, de la prise de rendez-vous, de retourner les appels ou les courriels, maintenant, plus. Recontacter les gens qui voulaient être en stand-by s’il y avait une annulation, je vais faire ça. Parfois, étrangement, j’ai cinquante minutes et dix minutes pour faire tout ça. Mais souvent, je vais avoir le temps aussi de faire une couple de retours aussi, entre les deux. Donc, la note, se déposer, passer à l’autre, un petit appel.
Aimy :Si tu regardes cette logistique d’autour , vraiment, la consultation, est-ce que tu serais capable de me le chiffrer en pourcentage?
Nathalie :De temps?
Aimy :Dans une semaine de travail, mettons.
Nathalie :Je vais inclure l’autre affaire qui serait la troisième tâche principale, c’est de rester informée sur tout, se mettre à jour, puis faire beaucoup de recherche au niveau clinique. Ça, je vais le faire quand il y a du temps de libre et parfois, je vais dégager vraiment du temps expressément pour ça. Je vais garder une demi-journée pour faire une lecture, par exemple, parce que je veux répondre à une question de quelqu’un et que je trouve ça important et que j’ai plus accès rapidement à la réponse qu’elle, je vais aller lire là-dessus. Fait que les deux choses qui ne sont pas cliniques, donc, toute la gestion puis la recherche, la formation, l’auto-formation, je dirais que c’est peut-être un bon tiers certain, parfois la moitié. En fait, si j’ai des petites semaines, je vais vraiment, je vais continuer à faire le même nombre d’heures. Donc, si j’ai quinze personnes cette semaine et que j’en travaille à peu près, trente, les quinze autres heures, je vais les consacrer à ça. Si j’ai une grosse semaine à vingt-cinq personnes, là je vais faire beaucoup moins d’auto-formation et je reporterai ma comptabilité à une semaine plus petite.
Aimy :Ça va se balancer d’une semaine à une autre.
Nathalie :Absolument.
Aimy :Est-ce que tu aimerais nous raconter un peu ton parcours? Qu’est-ce qui fait que tu es aujourd’hui psychologue depuis 2004?
Nathalie :Depuis 2004, mais ça a commencé beaucoup plus tôt que ça. Oui, je peux t’expliquer ce qui a fait que j’ai décidé, quand j’ai eu l’appel.
Aimy :L’appel!
Nathalie :Oui, l’appel. J’ai eu l’appel quand j’ai eu quinze ans. C’est assez précis, en fait, il y a un moment très précis où il y avait une amie qui venait de vivre quelque chose de vraiment épouvantable. Elle avait perdu son petit copain, qui était mort devant elle. Il s’était noyé, en fait. Elle avait trouvé ça vraiment très difficile. Elle était revenue dans le groupe d’amis et tout le monde était mal à l’aise. Personne ne lui parlait parce qu’ils savaient ce qu’elle avait vécu. Elle était toute seule dans le coin et elle était très triste. Moi, je suis allée la voir puis je lui ai demandé comment elle se sentait. Je lui disais : Tu dois trouver ça épouvantable de revenir et tout le monde fait semblant. Elle avait été vraiment touchée de cela. Elle m’avait raconté et je lui ai posé des questions. J’étais vraiment intéressée de savoir qu’est-ce qu’elle vivait. J’essayais juste d’imaginer ce qu’elle avait vécu et juste le fait que je fasse ce geste-là, ça l’avait beaucoup touchée et elle m’avait dit : Tu ferais vraiment une bonne psy, toi. Puis j’avais dit : Ah bien oui, c’est vrai. Peut-être, c’est le fun, j’aimerais ça. J’ai aimé ça faire ça, ça m’a touchée de faire ça, tout le monde était touché, dans mon histoire. Donc, à ce moment-là, à quinze ans, j’étais en secondaire trois, ça me donnais le temps de regarder comment ça marche. J’étais déjà vraiment curieuse, depuis toujours, de tout. D’essayer de comprendre, les conflits autour, les disputes, je me posais beaucoup de questions existentielles, à cet âge-là. Puis, j’étais aussi peu consciente, mais c’est venu plus tard, j’étais fascinée à quel point les gens ne parlaient pas de ça, ne se posaient pas ces questions-là et que les adultes avaient l’air un peu d’ignorer ça, qu’on se pose des questions, qu’on souffre. Ça m’a donné le goût, moi, vu qu’il n’y avait pas vraiment d’adulte qui était là pour dire : Je comprends ce qui se passe, ça s’appelle comme ça et ce que tu vis en ce moment, c’est de l’anxiété liée à l’école. Par rapport à mon vécu, mais par rapport à mes amis aussi. Personne ne donnait d’explication, alors je me suis mise à chercher. En cherchant, je trouvais et en trouvant des réponses, mes amis venaient me demander : Nathalie, pourquoi ça? Pourquoi je me sens de même, tu penses.
Aimy :C’était quoi, chercher? Qu’est-ce que tu cherchais?
Nathalie :Bien, je cherchais des mots. Je cherchais des mots sur : Ah, je n’arrive pas à dormir, c’est quoi ça? C’est de l’insomnie. Ah, de l’insomnie, c’est quoi ça? C’est souvent lié à de l’anxiété. Ah, tiens, tiens, c’est quoi ça de l’anxiété? De l’anxiété, c’est quand tu as peur que quelque chose… Ah ok! J’ai peur tout le temps, comment ça je ne dors pas? Moi j’avais vécu aussi des choses qui avaient été difficiles et à l’époque, les parents n’étaient pas nécessairement outillés. Ils faisaient des changements et c’est comme ça que ça se passait. Il n’y avait pas, pas dans toutes les familles, évidemment. Il y en a que c’était pire et d’autres où c’était moins pire, que c’était mieux fait. Mais, dans le cas de ma famille, on expliquait très peu les changements. Il fallait trouver nos réponses. Disons que les réponses ne venaient pas des adultes.
Aimy :Tu avais déjà ce réflexe-là, d’aller chercher.
Nathalie :Donc, il fallait y aller. Puis, en y allant, je me suis rendue compte que, quand une amie vivait ça, je disais : Ah! Moi, je sais c’est quoi. Je suis allée chercher là-dessus. En faisant ça, j’ai vraiment découvert le plaisir de faire des expériences et de me servir des affaires douloureuses ou apeurantes, tout ça pour aider les autres. Ça, j’ai capoté, j’ai fait : Oh wow! Il faut que je fasse ça dans la vie, c’est trop trippant. J’ai mal à quelque part, j’essaie de comprendre, je soigne ça ou je trouve de l’aide, ou je trouve de la lecture, ça me fait du bien et là j’aide d’autres personnes avec ça. C’est tu pas assez trippant? Je me suis mise à carburer à faire ça. Ça n’a pas été trop long qu’on venait quand même souvent me demander conseil, c’est super valorisant, tu es kid puis, je n’étais pas nécessairement une personne populaire parce que j’étais bizarre, un peu. Je me posais des questions et j’étais un peu différente. Je ne faisais pas partie des groupes facilement parce que je remettais les choses en questions, mais on venait souvent me chercher pour se confier ou pour parler, ou pour poser des questions. Quand je ne savais pas la réponse, soit j’allais chercher, soit je faisais juste dire : Je n’ai pas la réponse, mais ça ne doit pas être facile. Juste ça, c’était assez. Suite à ça, j’ai continué de faire ça avec des amis, de trouver ça valorisant. Je me suis informée sur les programmes. J’étais bonne à l’école, ça aide. En étant bonne à l’école, ce n’était pas compliqué de faire le profil scolaire. Je pouvais faire les sciences et quand j’ai vu math intégrales sur ma feuille, j’ai changé d’idée. Je suis allée faire sciences humaines parce que les cours me parlaient plus, de toute façon. Je suis allée faire le cégep en sciences humaines et ensuite, ça a été quand même assez facile, mon parcours scolaire. Je suis rentrée boursière, alors j’ai fait mon bac et toute ma maîtrise avec des bourses. Parce que j’aimais beaucoup ça et que je savais où est-ce que je m’en allais, ça sortait un petit peu du lot. En sciences humaines, quelqu’un qui aime ça et qui se donne à fond, qui trippe dans ses cours, ce n’est pas long que ça se démarque. Il n’y e avait pas tant que ça dans ma cohorte. Quand on aime ça, qu’on est passionné et qu’on a des bonnes notes, on est encouragé à faire des études. On m’a donné des bourses pour continuer et ça a été la même chose au bac. Pour moi, je faisais partie de la classe grand-père pour devenir psychologue, c’est-à-dire qu’il restait quelques années où est-ce qu’on pouvait porter le titre de psychologue seulement avec une maîtrise. Donc, moi j’ai complété ma maîtrise et j’ai fait partie des dernières cohortes qui pouvaient. Ensuite, ils ont aboli la maîtrise complètement, pour le doctorat de quatre ans, à la place. C’est deux années de plus, maintenant.
Aimy :Ça a été ton parcours. Est-ce que tu as vécu des expériences, est-ce que tu as fait des trucs pour valider ton choix. Est-ce que tu as fait du bénévolat, des emplois étudiants en lien avec la relation d’aide?
Nathalie :Non, pas tant.
Aimy :C’était vraiment personnel?
Nathalie :Ça s’est vraiment installé socialement, comme je le disais, dans mon environnement social, puis dans mes intérêts. C’était un parcours très seule avec beaucoup de questions. À un moment donné, au cégep, j’avais déjà l’idée d’être psychologue et là, j’ai goûté à la philo et à la littérature. Je me suis dit : Ça serait le fun, mais j’ai le goût de manger dans la vie et d’aider les gens. Je suis revenue vers la psycho et j’ai adoré les cours de psycho, aussi. J’ai capoté bien raide. C’est un parcours beaucoup plus seule. J’ai connu le premier psychologue, j’étais en stage. Je savais que ça existait, mais je n’en avais jamais vu.
Aimy :C’est intéressant. Tu me dis que c’est un parcours très seule et on imagine les psychologues qui aiment les humains, qui veulent être avec d’autres humains. Pourtant, toi tu as vécu cela un peu seule, comment tu te l’expliques?
Nathalie :La plupart des psy, ce ne sont pas, on pourra le demander et peut-être que des collègues ne seront pas d’accord, on n’a pas souvent le même parcours mais l’histoire va souvent se ressembler. Ce pourquoi, d’ailleurs, il y a une grosse réputation sur le fait que les psychologues sont des gens poqués qui sont allés se guérir. Ce n’est pas tout à fait faux parce que souvent, les gens ont eu des traumatismes comme tout le monde, mais ils ont cherché une façon de les transcender en se soignant eux et en allant aider les autres avec ça, avec leur expérience. Ce n’est pas rare, ce profil-là et des psy qui ont navigué dans une solitude, ce n’est pas rare non plus et qu’ils ont trouvé à travers l’aide une façon d’être utile et de connecter avec les autres. C’est pas si peu commun que ça. C’est vrai que ça demande un amour des autres, mais ça vient avec, c’est comme une façon de se placer. Souvent, quand on regarde dans l’historique, de toute façon, des gens qui vont faire ce travail-là, ils ont déjà une tendance à se placer comme ça dans la relation, à aider.
Aimy :Dans ce rôle-là.
Nathalie :À venir s’occuper des besoins des autres et à se valoriser par ça, à avoir un peu moins d’espace pour les larmes. Ça se fait quand même en arrière-plan.
Aimy :Très intéressant. Qu’est-ce que tu dirais qui est le plus grand défi que tu rencontres au quotidien?
Nathalie :Il y en a quelques-uns. De vouloir aider beaucoup et d’y arriver pas tant que ça, donc c’est d’arriver à travailler nos propres limites. Qu’est-ce qu’on peut faire pour chaque personne, mais la quantité de personne, en ce moment, c’est un défi pour moi parce que j’ai quand même une bonne demande et j’aurais envie d’aider tout le monde. J’aime tellement ça, ce qui peut se passer, c’est tellement nourrissant et c’est tellement le fun que j’aurais envie d’en faire plus, mais si je veux rester équilibrée, il faut que je balance ça. Donc, un de mes défis, c’est que j’arrive bien maintenant, mais qui est vraiment un ajustement continuel, c’est de garder une super bonne hygiène de vie pour être égale.
Aimy :Ça, ça veut dire, au quotidien, durant ma semaine, je m’organise pour dormir, manger, m’entraîner, voir des gens que j’aime?
Nathalie :C’est ça. Pour être égale, pour être pleinement disponible, ça veut dire je vais me coucher tôt, ça veut dire je vais être assez disciplinée. Ce n’est pas difficile à faire parce que c’est sensé. Mais, ça demande souvent des ajustements. Si j’ai une fête un mercredi soir et qu’il y a de l’alcool, bien je n’en prendrai pas parce que ça va m’influencer le lendemain et je le sentirais. Pas parce que je vais me priver de quelque chose, mais je vais sentir que je suis un peu moins dedans et que j’ai moins envie de voir cette personne-là parce que je suis fatiguée. Ce n’est pas de sa faute, c’est parce que j’ai pris un verre la veille fait que je ne le fais pas. Donc, c’est ça. C’est vraiment de garder un équilibre et de concentrer dans les moments où je veux vraiment être disponible, j’aime ça donner le plus possible à chaque personne qui est là et que ce soit le plus égal possible. Au début de la pratique, ça demande beaucoup, chaque entrevue est très demandante. C’est une énergie que je compare à aller s’entraîner en salle. J’ai chaud, je suis concentrée. À la cinquième ou à la sixième, je peux avoir un certain essoufflement. C’est très, très demandant. En ce moment, c’est plus relax. J’ai une clientèle que je connais depuis longtemps, aussi.
Aimy :C’est l’expérience?
Nathalie :C’est l’expérience et la clientèle. Il y a beaucoup de gens que je connais depuis longtemps, fait que c’est moins challengeant. J’ai moins peur que la personne se fâche, en partant. Le lien est établi. Moi aussi, je suis rassurée dans la relation que, si jamais on ne se comprend pas, on va trouver une façon. La relation est bidirectionnelle, même si ça ne paraît pas. Moi, je gagne autant que la personne, même si ça ne paraît pas non plus. Au début, dans la pratique, on veut vraiment être bon, on veut bien comprendre la personne, on veut être efficace, on veut l’aider rapidement alors on se demande énormément de présence et de disponibilité. Ça n’a pas changé, maintenant, mais la pression est diminuée un petit peu. Je me mettais beaucoup plus de pression que le client lui-même. J’ai ramené ça un peu plus proche de ce que le client, le client me permet beaucoup plus d’erreurs que nous-mêmes, d’essais et d’erreurs qu’on se le permet. Ça baisse un peu la vigilance, sans en perdre tout à fait.
Aimy :Ça maintient ton énergie.
Nathalie :Ça fait que l’énergie est plus égale, dans la journée. On a moins besoin de grosse discipline pour tenir le coup.
Aimy :Ça se fait un peu plus naturellement.
Nathalie :L’autre gros défi, c’est de rester tout le temps. J’aurais envie de lire toute ma bibliothèque et j’en ai d’autres en suspens parce que j’ai d’autres rôles dans la vie qui font en sorte que, dans mes heures libres, il n’y en a pas, comment dire. Mais, s’il y en avait, j’aimerais ça lire plus de psycho, mais j’ai moins le temps. Je ne lis pas ou quand je lis, je lis un livre mais j’en ai sept en attente. Ça, c’est l’un des défis, on aimerait en faire plus, mais on est limité, en fait.
Aimy :Aimer en faire plus, dans les deux sens. Tant au niveau des clients, que de l’auto-formation. Et à l’opposé, qu’est-ce qui est le plus valorisant pour toi, au travail? Tu m’en as parlé peut-être déjà?
Nathalie :Oui, j’en ai parlé un peu, mais j’insisterais sur le fait que toutes les expériences de vie sont utiles quand on fait ce métier-là. Ça devient une manière d’être. Ce sentir utile et aidant, c’est facile à comprendre, c’est quelque chose qui est valorisant pour la plupart des gens qui font ça. Mais, une chose qu’on voit peu, c’est le fait qu’on apprend constamment et que c’est un cadeau. La personne qui vient s’asseoir ne s’en rend peut-être pas compte et elle est souvent très reconnaissante quand ça va bien, moins quand ça va moins bien (rire), mais pour le thérapeute, il y a quelque chose de bidirectionnel. C’est vraiment nourrissant et enrichissant. C’est un privilège d’être assis là, d’avoir accès à la confiance de la personne, que la personne nous fasse confiance et de la voir évoluer c’est magique, ce qui se passe quand on arrive à faire ça. On apprend, aussi, à aider d’autres personnes à travers le vécu de chaque personne. C’est comme exponentiel.
Aimy :C’est ça. Si quelqu’un te décrit, par exemple, quelle forme l’anxiété prend chez elle, il est possible que tu saisisses plus vite la personne suivante, son anxiété elle est comment?
Nathalie :Oui et que je puisse faire des parallèle : J’ai déjà entendu parler de ça ou j’ai déjà eu vent de cette expérience-là. Je peux dire : Certaines personnes vont le vivre de telle manière et d’autres, d’une autre manière. Ça aide à valider. Je peux aussi puiser dans le bassin des expériences pour aider les autres.
Aimy :Cette espèce d’aplomb dont tu me parlais, du fait que ton énergie est plus facile à maintenir maintenant, on parlait d’expérience, c’est ça aussi?
Nathalie :C’est ça, oui. J’ai moins besoin de penser à la technique où à ce que je suis en train de faire. J’enseigne beaucoup, aussi, donc je montre beaucoup ce qui est en train de se passer.
Aimy :Quand tu dis que tu enseignes?
Nathalie :Je suis en train de parler avec la personne, avec toi, par exemple, et là je t’explique ce que je suis en train de faire en même temps que je suis en train de le faire. Là, ce que je viens de faire, je viens de montrer telle chose et là, je te montre comment le faire dans ta vie. Tu peux utiliser ça de telle manière, dans ta vie.
Aimy :Par mimétisme, le client pourrait… C’est comme un laboratoire humain. Si je suis capable de le faire avec Nathalie dans le bureau, peut-être que je serais capable dans la vie aussi.
Nathalie :Oui. Là, tu viens de te sentir comme ça avec moi. Regarde ce qu’on a fait, regarde ce que j’ai fait, comment ça s’est passé. Puis là, la personne, ah oui! Ah il faudrait que je fasse ça avec mon chum! Et ils repartent.
Aimy :OK. Qu’est-ce que tu dirais qu’il faut pour être une bonne psychologue?
Nathalie :Ça prend, ça c’est moi qui le dis, les collègues vont dire autre chose, peut-être, c’est collé beaucoup sur moi aussi et sur ma personne. Tu m’aurais demandé ça plus jeune et la première réponse n’aurait pas été ce que je vais te dire maintenant. La première réponse aurait été de l’ouverture et de la curiosité. C’est toujours aussi important, mais maintenant, l’affaire la plus importante pour moi, c’est l’humilité. L’humilité, ça permet de se placer dans une position où on n’est pas l’expert de l’autre. C’est l’autre qui est l’expert de lui-même. Je compare souvent ce que je fais comme un casse-tête. Moi, je suis bonne en casse-tête, mais ce n’est pas moi qui a les morceaux. La personne arrive avec les morceaux du casse-tête. On sait que ça va donner à peu près un petit chat, mais on ne sait pas dans quel ordre ça va donner le petit chat. Des fois, je dis : Ah tiens! On va mettre ce morceau-là. Regarde ce qu’on a fait, on a fait des contours. Puis là, la personne, tranquillement, trouve les moyens, puis comprend ce qui se passe et reprend ses morceaux de casse-tête. Elle repart avec son casse-tête, mais plus défini, jusqu’à ce qu’on arrive à faire un bout de chat ensemble. Puis après ça, elle est capable de faire d’autres casse-têtes, de petits chats et de petits chiens.
Aimy :Dans le fond, toi, tu es comme l’experte du processus et la personne est l’experte en elle-même.
Nathalie :C’est ça. Elle arrive et elle a plein de morceaux mélangés. J’ai ça, ça m’arrive, je me sens de même, je ne comprends pas ça. Là, je fais : Ah oui! Un beau défi. Un casse-tête, moi, j’aime ça. Je prends les morceaux de casse-tête et je lui montre : Ils n’ont pas l’air reliés entre eux, mais check bien, ça donne un petit chat. Là, on va trouver comment faire le petit chat ensemble. L’humilité, je reviens à ta question, la personne détient la clé. La personne arrive avec les morceaux, ce n’est pas moi l’experte de son expérience, c’est elle. Ça arrive souvent, je le fais moi-même, c’est pour ça que j’ai besoin de travailler ça et de me le rappeler, souvent, la personne arrive et je dis : Ah ça doit être ça! Et je l’enligne là-dessus. Mais, si moi je reste enlignée sur ce que moi je pense qui est son expérience, tout ce qui n’a pas rapport avec ça, je vais comme trouver ça comme des valeurs insignifiantes juste pour confirmer ma petite hypothèse sur sa personne…
Aimy :Et aller sur un chemin qui n’est pas là…
Nathalie :Je pourrais me tromper, je pourrais vraiment me tromper. La personne pourrait être déçue, pourrait me croire et elle pourrait se tromper aussi. Ça fait en sorte qu’on reste très peu ouvert à d’autre chose ou à quelque chose de plus créatif.
Aimy :C’est comme quand tu me parlais tantôt d’ouverture et de curiosité, c’est là que ça s’enligne un peu hein?
Nathalie :Oui.
Aimy :En restant curieux quant au réel vécu de la personne, tu évites un peu ce piège de te croire toi en échappant des éléments.
Nathalie :En experte, comme si j’étais celle qui comprenait mieux la problématique de l’autre et puis, il y a beaucoup de choses qui se ressemblent d’une personne à l’autre. Il y a deux effets déroutants : on a tous besoin d’être unique, mais en même temps on a besoin de ressembler aux autres, ça nous rassure. C’est tentant de dire : Oui, tu ressembles aux autres. Les autres, qui ont tel ou tel profil, il font comme ça comme toi, puis c’est pour ça. Dans ce temps-là, on n’entend plus les oui mais moi, il y a quelque chose qui accroche. Oui, il y a quelque chose qui accroche, mais ça doit être parce que tu es un peu… Puis là, on revient à notre hypothèse.
Aimy :Qu’on a balayée…
Nathalie :qu’on n’a pas écoutée. On n’est pas resté ouvert à ce qui est là et quand on reste ouvert, ça se pourrait qu’on sorte complètement de notre beau petit cadre. Ça se pourrait qu’on aille ailleurs. Mais, c’est pas nous qui…
Aimy :Parce que ce n’est pas toujours sur papier…
Nathalie :Non, puis c’est bien valorisant d’avoir fait une analyse sur quelqu’un, mais encore faut-il que cette personne-là ça lui convienne, que ce soit ça puis qu’elle, ça lui serve. Que ça fitte.
Aimy :On parle comme d’un challenge, encore, au quotidien. De rester allumée quand tu as cette possibilité là que je me trompe. Puis que c’est la personne qui le sait, puis que mon travail à moi, c’est de l’aider à le découvrir.
Nathalie :C’est ça. J’émets des hypothèses, je peux diriger vers certaines pistes, mais je ne peux pas dire c’est ça puis ne pas écouter que ce n’est pas ça.
Aimy :Fait que de rester allumée quant à ça.
Nathalie :Oui.
Aimy :Dernière question de notre grande série de questions, quel conseil est-ce que tu donnerais à quelqu’un qui aimerait exercer ton métier?
Nathalie :Je donnerais des conseils plus personnels selon la personne, mais c’est sûr que pour faire ce métier, il faut prendre soin de soi, beaucoup. Je recommanderais, mais tu vois, comme dans mon parcours, je te disais que c’était allé beaucoup tout seul, mais je recommanderais à la personne d’apprendre à se connaître, mais ça ne veut pas nécessairement dire de faire une thérapie à vingt ans. Ça peut être par toutes sortes de moyens, mais il faut vraiment se remettre en question régulièrement. Il faut être à l’affût de ce qui se passe à l’intérieur.
Aimy :Comment on fait ça, tu penses?
Nathalie :Je pense qu’il y a des gens qui, spontanément sont toujours comme ça. Un conseil, c’est que quelqu’un qui ne le serait pas, je lui dirais peut-être de ne pas aller faire de la psychothérapie clinique, mais d’aller faire autre chose dans laquelle il serait sûrement excellent. Il faut beaucoup se remettre en question.
Aimy :Comme s’il fallait vraiment avoir ce réflexe, de soi-même, de se remettre en question.
Nathalie :Oui parce qu’on veut l’enseigner à l’autre. Fait qu’il faut être capable de se faire dire : Hé la psy, tu es dans le champ, là! Puis d’être capable de dire : Tu as raison, je me suis trompée.
Aimy :Si je ne suis pas capable de jouer du violon…
Nathalie :Je ne peux pas faire ça, je ne peux pas demander à l’autre de se remettre en question. Oui, il faut connaître nos forces, nos limites, faut s’explorer, faut s’informer, ne serait-ce que pour être capable de valider, aussi, pour avoir de l’empathie. Ce n’est pas un gage d’empathie, mais pour avoir de l’empathie il faut être capable de se mettre dans la peau de l’autre et pour se mettre dans la peau de l’autre, il faut se remettre en question. Il faut être en train de réfléchir, il faut savoir c’est quoi être dans sa propre peau, pour commencer et comment on peut se sentir quand on est dans une situation douloureuse ou difficile, pour être capable. Sans nécessairement dire j’ai essayé de me suicider fait que je suis capable d’aider quelqu’un qui s’est suicidé, mais je suis capable de comprendre ce que c’est que d’être dans une détresse à un point tel où j’ai un sentiment d’impasse où je pense que la seule façon de m’en sortir, c’est ça. Si je suis capable de me connecter sur cette souffrance-là, je suis capable d’aller chercher l’autre aussi dans cette impasse-là.
Aimy :C’est vraiment un lieu d’observation, hein? De ne pas juste voguer à travers sa vie et de s’arrêter de temps en temps et de dire qu’est-ce qui se passe maintenant et qui suis-je dans ce moment-là?
Nathalie :Tout le temps. C’est comme si on essaie d’être finalement le plus souvent conscient, au panneau de contrôle, finalement. On revient au panneau de contrôle. Je viens de naviguer de telle façon, je viens d’aller à bâbord, à tribord, j’ai viré de bord, je suis revenue, mais c’est moi qui pilote mon navire.
Aimy :Fait que c’est toi puis toi qui t’observe.
Nathalie :Oui, beaucoup et qui apprend à l’autre à le faire. Pour durer, au niveau des conseils, il faut s’équilibrer beaucoup parce qu’on ne peut pas juste donner à sens unique. Les gens s’épuisent à faire ça.
Aimy :Puis, c’est quoi, s’équilibrer?
Nathalie :Il faut que ce soit balancé. Tout le monde trouve sa propre façon de le faire, mais personne ne peut juste donner et ne rien recevoir. Par exemple, on va voir certains psychologues qui vont s’épuiser parce qu’ils vont aller faire beaucoup de trauma et eux-mêmes on peut-être vécu un parcours de traumatismes puis se sentent vraiment valorisés de faire ça. À un moment donné, on appelle ça un trauma vicariant, on entend tellement des histoires d’horreur qu’on a de la difficulté, un peu comme la personne qui vient de vivre le trauma, à trouver des belles choses, de l’espoir dans la vie. Ça peut même colorer la santé mentale de la personne qui est exposée constamment au trauma. Donc, cette personne-là pourrait diminuer, par exemple, le nombre de personnes qu’elle voit et faire je ne sais pas quoi pour s’équilibrer. Ça peut être du yoga, ça peut être du sport, une vie de famille bien remplie, des projets à côté. Mais juste pour balancer un peu extrêmement dur.
Aimy :Ça ne peut pas être dark tout le temps.
Nathalie :Non. C’est qu’à un moment donné, il va y avoir une usure. Puis, dernière chose, c’est que, d’ailleurs ça vaut pour moi autant que pour tout le monde qui aimerait faire ça et même dans la vie en général, c’est que, quand on a de bons conseils à donner aux autres on peut commencer à les écouter aussi. On peut dire : Ah! Mais ce conseil-là, je l’ai donné à telle ou telle personne et il serait bon pour moi aussi en ce moment pour moi.
Aimy :Être capable de s’observer et de s’attribuer les bons conseils au regard de ce qu’on aura vu.
Nathalie :Ça peut apporter de l’humilité, ça. Des fois, on donne de bons conseils puis finalement nous, quand c’est notre tour, on n’est pas capable ou on n’y arrive pas. On peut mieux comprendre que les gens trouvent ça difficile ou qu’il y ait des résistances si on essaie de faire la même chose et que finalement, on rencontre des embûches.
Aimy :Nathalie, ça a été super intéressant.
Nathalie :C’est le fun, j’ai aimé ça.
Aimy :Good! Si les gens voudraient en apprendre plus sur toi et sur ta pratique, où est-ce qu’ils pourraient trouver l’information?
Nathalie :J’ai un site internet. J’imagine que tu vas diffuser. Sur la profession, j’invite les gens à aller voir le site de l’Ordre des psychologues.
Aimy :Qu’on va joindre aussi.
Nathalie :Beaucoup, beaucoup d’info là-dessus, sur c’est quoi la psychothérapie, comment on fait pour être psychologue aussi, ce qui est normal. Ça peut être bon aussi pour les gens de savoir qu’est-ce qui est normal en psychothérapie et qu’est-ce qui l’est moins, juste pour être protégé aussi. Il y a des expériences variées e psychothérapie, fait qu’il faut aller où est-ce qu’on est à l’aise.
Aimy :Il faut aller voir à quelle porte on irait cogner. Merci, Nathalie. Merci à notre invitée et merci à vous d’avoir écouté cet épisode des Portraits professionnels. Pour plus de détail sur cette profession, visitez notre site internet au www.saltoconseil.com.