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ENTREPRENEURE SOCIALE

AVEC CATHERINE LÉGARÉ

Avril 2022 | Musique et montage par Alex Andraos

On rencontre aujourd’hui Catherine Légaré, entrepreneure sociale et présidente des plateformes de mentorat Academos et Élo. Nous discutons de son parcours en psychologie, du baccalauréat au doctorat, de la quête d’impact de l’entrepreneuriat social, de la pertinence du mentorat pour les jeunes et les moins jeunes et de la posture de couteau-suisse qu’elle adopte pour jongler avec les mandats variés de son quotidien.

Entrepreneure sociale

AVEC CATHERINE LÉGARÉ

Aimy :

Bonjour et bienvenue aux portraits professionnels, le balado où on tente de clarifier différentes professions du marché du travail. On rencontre aujourd’hui Catherine Légaré, entrepreneure sociale et présidente des plateformes de mentorat Academos et Élo. Nous discutons de son parcours en psychologie, du BACC au doctorat, de la quête d’impact de l’entrepreneuriat social, de la pertinence du mentorat pour les jeunes et les moins jeunes et de la posture de couteau-suisse qu’elle adopte pour jongler avec les mandats variés de son quotidien. Catherine Légaré, bonjour!

Catherine :

Bonjour!

Aimy :

Tu vas bien?

Catherine:

Oui je vais bien merci.

Aimy :

Alors, on se rencontre aujourd’hui pour discuter de ce que tu fais au travail. Veux-tu nous dire pour commencer ton titre?

Catherine :

Oui bien je me décrirais comme entrepreneure.

Aimy :

Hmmm mmm, entrepreneure! Alors qu’est-ce que tu entreprends?

Catherine:

En fait je suis une entrepreneure sociale pour être plus précise. Alors tout ce qui touche mon entrepreneuriat a rapport à avoir un impact sur la communauté. J’ai deux entreprises, une qui est un organisme à but non lucratif qu’on appelle communément un OBNL, donc ça s’appelle Academos. Dans ce cas-là, j’interviens en persévérance scolaire auprès des jeunes. On fait du mentorat pour aider les jeunes dans leur choix de carrière. Alors on est une équipe d’une vingtaine de personnes et on des services partout au Québec. Alors ça c’est ma première implication comme entrepreneure. Ma deuxième depuis… Ça, ça fait vingt ans dans l’OBNL. Ma deuxième implication est dans une entreprise privée que j’ai co-fondée avec une autre femme qui s’appelle Lyne Maurier. Toujours dans le domaine du mentorat, mais cette fois-ci c’est une entreprise privée et on œuvre dans les milieux de travail pour offrir du mentorat aux gens qui veulent se développer professionnellement et tout ça. Donc voilà ce que je fais comme entrepreneure.

Aimy :

Excellent! Ça fait que les deux entreprises, donc les deux organisations, ont comme mission le mentorat. Est-ce que tu pourrais nous décrire un peu plus en détails qu’est-ce que ça implique le mentorat, tant chez un jeune que chez un professionnel.

Catherine:

Oui! Je peux te décrire ça, je vais essayer de le faire simplement. En fait, probablement que les gens qui nous écoutent ont soit été mentores ou mentorés dans leur vie puis ils ne le savent pas. Le mentorat c’est une relation d’apprentissage où quand on est mentoré on est en contact avec une personne qui a plus d’expérience que nous, qui est passé par là avant nous comme on dit, puis qui va nous aider à progresser, à apprendre, à développer de nouvelles compétences, à devenir la personne qu’on veut devenir à l’aide de ce qu’elle a vécu elle-même. Un mentor va être souvent plus âgé, il va avoir plus d’expérience. Il va avoir fait des choses semblables avant nous. Donc pour les jeunes, par exemple nous ce qu’on fait chez Academos, bien c’est que les jeunes entre 14 et 30 ans peuvent être jumelés avec des gens qui font toutes sortes de métiers et professions, et apprendre de ces personnes-là. Donc si je veux devenir policier ou policière, bien je pourrais être en contact avec quelqu’un qui pratique ce métier-là, lui poser des questions sur comment ce sont passées les études, comme se passe l’entrée dans le monde du travail, est-ce que c’est vrai que c’est dur de travailler la nuit?… Qu’est-ce que je dois développer pour réussir dans ce métier-là, etc. Donc il y a une relation qui s’établit à travers ça puis ça permet, ça permet aux jeunes d’avoir plus confiance en leurs capacités de réussir un métier ou une profession. Ça peut permettre de confirmer que c’est bien ce qu’on veut faire. Ça peut également, quand ça dure, aider à réussir son entrée dans la profession. Alors ça c’est du côté jeunes. Chez les adultes, souvent bien les adultes vont vouloir progresser dans leur carrière, aller chercher une promotion, par exemple, s’insérer dans un nouvel emploi. Chaque entreprise a sa structure organisationnelle par exemple, donc on peut avoir un mentor pour progresser là-dedans. On peut vouloir relever des défis tu sais. Par exemple, aller chercher un poste de leadership, de gestion, donc on peut vouloir avoir quelqu’un qui nous accompagne parce qu’il est déjà passé par là. Donc c’est vraiment une relation qui est fantastique. Quand je dis que les gens souvent ils en ont eu dans leur vie… bien souvent quand on y pense ; avec la définition que je viens de donner ; bien on peut penser à un enseignant qui nous a très inspiré, un animateur ou une animatrice scoute (rires), qu’on s’est dit : « Wow, j’aimerais ça être comme cette personne-là plus tard! ». C’est toutefois important qu’il y ait une vraie relation. C’est une différence avec une idole, par exemple. Quand on est jeune, il y a souvent des personnes qui nous inspirent, mais qu’on ne connait pas. Dans le cas du mentorat, bien on connait la personne. Cette personne-là peut nous conseiller, peut nous donner des défis, peut nous poser de très bonnes questions qui nous font réfléchir alors c’est important. Tu sais il y a à la fois la notion d’être un modèle et à la fois la notion d’être vraiment en relation avec une personne.

Aimy :

Puis c’est à travers ce lien-là que l’apprentissage se fait.

Catherine:

Oui tout à fait, tu sais, à travers ce que le mentor va partager de son expérience, à travers ce que le mentoré va essayer aussi parce que quand on a quelqu’un qui nous fait sentir qu’on est capable ou qui nous raconte comment il a fait telle chose ou telle chose, bien des fois ça nous donne le goût d’essayer nous autres aussi, puis on se développe à travers ça là, forcément.

Aimy :

Peux-tu nous décrire ton parcours académique, qui t’a mené jusqu’à où tu es aujourd’hui?

Catherine:

Oui! Alors, bien j’ai fait mon secondaire comme tout le monde, après ça bien au secondaire en fait j’avais… je voulais soit… j’avais comme trois choix là! Je voulais aller en éducation, en histoire parce que je suis une passionnée d’histoire ou j’ai découvert la psycho par une conférence qu’il y avait eu à l’école, je pense en quatrième ou en cinquième secondaire. Une psychologue qui était venue nous parler de son travail. J’avais comme un point commun, pas avec l’histoire, mais entre l’éducation et la psycho c’était vraiment la volonté de faire une différence, d’aider les autres. C’est pour ça que je suis entrepreneure sociale ; On pourra peut-être en reparler tout à l’heure par rapport à l’entrepreneuriat plus régulier disons! Donc après ça, bien j’avais vraiment comme objectif de devenir psychologue, alors j‘ai fait un DEC en sciences humaines, puis après ça je me suis embarquée dans le parcours universitaire de la psychologie qui demande un doctorat pour la pratique professionnelle, donc j’ai fait un baccalauréat. Je n’avais pas été acceptée au départ! Pour les personnes qui se disent : « Ah il faut être super bon à l’école » et tout ça, j’avais été mise sur la liste d’attente et j’ai appris genre trois jours avant la rentrée scolaire que j’étais admise dans le programme, alors j’ai dû me désinscrire d’un autre programme où je m’étais inscrite. Donc j’ai fait mon BACC, après ça j’ai fait ma maîtrise. Il y avait encore une maîtrise professionnelle à l’époque où j’ai fait mes études, puis après j’ai tout de même fait un PHD en psychologie.

Aimy :

Donc effectivement ce n’est pas nécessairement un parcours traditionnel vers le monde de la gestion puis de l’entrepreneuriat, mais avant d’aller voir tout ça, je serais curieuse de voir : Pourquoi la psycho? Qu’est-ce qui était attirant pour toi là-dedans?

Catherine:

Ce qui était attirant dans la psycho pour moi, bien il y avait comme je le disais tout à l’heure la volonté de contribuer, d’aider. Depuis que je suis jeune j’ai fait du bénévolat dans ma communauté, soit à travers les scouts, quand j’étais ado j’étais dans le club Octogone qui est comme le Club optimiste junior, alors il y avait beaucoup de corvées là-dedans, d’implication sociale. Puis je voyais le bien que ça pouvait faire et j’étais nourrie par ça, donc je trouvais que la psycho ça pouvait m’amener à avoir un impact de ce genre-là professionnellement. Je n’ai pas précisé tout à l’heure, mais j’ai fait à la maîtrise et au doctorat, j’étais en psychologie en éducation. J’ai rapidement vu pendant mon BACC tout de même que je n’étais pas très faite pour la pratique privée en bureau, puis être toute seule. Je suis une fille de gang, alors là bien je serais allée soit en psychologie organisationnelle ou en éducation, et comme j’ai vraiment un grand intérêt sur la jeunesse, bien je suis allée en psychologie en éducation. Il y avait ça… il y a la notion d’impact, puis l’autre chose c’est que j’étais et je suis toujours fascinée par l’être humain tu sais. Qu’est-ce qui nous motive? Qu’est-ce qui fait qu’il y a des gens qui avancent plus vite que d’autres dans la vie? Qu’est-ce qui fait qu’on apprend? Qu’est-ce qui fait qu’on n’apprend pas? Tu sais il y a toujours le positif et le négatif de chaque chose! Qu’est-ce qui fait qu’il y a des gens qui ont des comportements moraux, d’autres moins? Tout ça continue de me fasciner encore aujourd’hui, mais je voulais étudier ça! Tu sais j’ai toujours été intéressée tout le long de mes études par l’objet de mes études.

Aimy :

Ça fait que tu as quand même fait une grande ligne droite là! J’ai fait mon secondaire, mon cégep, mon BACC, ma maîtrise, mon PHD.

Catherine:

Ouais!

Aimy :

Je suis curieuse d’ailleurs, ton PHD, c’était quoi ton sujet de recherche?

Catherine:

Bien c’était sur le mentorat! C’est là que j’ai eu la piqûre du mentorat!

Aimy :

OK, OK! Donc tu as fait ta recherche sur le mentorat. Qu’est-ce qui a inspiré ce choix-là?

Catherine:

Bien ce sont des concours de circonstance en fait. J’étais à l’Université de Montréal, c’est là que j’ai fait mon BACC et ma maîtrise, puis pour mon travail dirigé pour ma maîtrise, en fait j’ai toujours été un peu geek aussi, alors quand j’ai fait… au cours de mes études, on regardait beaucoup en psychologie, en éducation, tout ce qui est en lien avec la réussite scolaire, c’est quoi les meilleurs moyens d’apprendre, les obstacles à l’apprentissage et tout ça, et on était à la fin des années 90 donc il commençait à y avoir des initiatives à l’aide des technologies, surtout aux États-Unis là, moins ici. Bien je suis comme tombée là-dedans et j’avais fait un travail dirigé à la fin de ma maîtrise sur l’apprentissage collaboratif à l’aide des technologies de l’information et je m’étais dit : « Wow, je vais aller faire un doctorat, il faut que j’expérimente quelque chose comme ça ici au Québec », tu sais! Probablement que si je n’avais pas été avec un profil aussi académique, j’aurais peut-être parti une startup à ce moment-là, mais là je l’ai fait plus dans le cadre d’un projet d’études puis le doctorat permet de toute façon d’expérimenter. Le but c’est de faire une découverte ou d’amener une innovation, quelque chose comme ça. Alors là je suis allée à l’UQAM travailler avec Jacques Lajoie qui travaillait déjà avec les technologies au département de psycho, puis là bien je me cherchais un milieu d’expérimentation, mais ça coûte cher là faire un milieu d’expérimentation où il doit y avoir de la technologie que les jeunes utilisent, tout ça! Ça fait qu’il a fallu que je me trouve un milieu où il y avait déjà cet équipement-là et ça a adonné que je donnais des cours d’Internet et d’informatique au Cégep Bois-de-Boulogne à des gens de cinquante ans et plus. Ça s’appelait Internet poivre et sel à l’époque. Ça n’existe plus maintenant. Et bien on m’a approché pour m’occuper d’un projet de tutorat où on utiliserait ces personnes-là qui venaient au cours pour aider de manière académique nos étudiants à Bois-de-Boulogne.

Aimy :

Donc une espèce d’échange de services de contacts en tout cas.

Catherine:

C’est ça, mais plus au plan scolaire tu sais! Et là il y avait une subvention avec et tout ça, donc c’était ma patronne Michèle Ouimette à ce moment-là qui m’avait comme recrutée pour m’occuper de ce projet-là, sauf qu’en bonne chercheuse j’ai essayé de voir, est-ce que je pourrais arrimer tout ça ensemble. J’ai commencé par sonder les étudiants puis il s’est avéré que de travailler du scolaire avec des aînés ça les intéressait peu, par contre de parler de choix de carrière ça les intéressait beaucoup. Alors là j’ai convaincu mon directeur de recherche que je pouvais arrimer ce projet-là qui était très concret, où il y avait comme du financement pour que tout le monde puisse être équipé et tout ça, puis que je puisse expérimenter comme ça. Ça fait que tu sais j’ai comme… aujourd’hui je suis encore comme ça, j’ai été comme opportuniste dans mon choix. Je me suis évitée d’avoir monté tout un contexte d’expérimentation pour utiliser une situation qui était déjà réelle et je n’avais aucun indice à ce moment-là que ça deviendrait un organisme éventuellement et que ça serait toujours là vingt ans plus tard!

Aimy :

C’est vraiment parti d’une occasion que tu as saisie, puis ça a grandi et c’est devenu autre chose!

Catherine:

Exactement! C’est ça, puis là bien c’est quand je me suis mise… parce qu’au début ce n’était pas du mentorat, ce projet-là je l’ai fait pivoter vers le mentorat puis là je suis tombée là-dedans, tu sais. J’ai découvert vraiment qu’il y avait de la recherche déjà là-dessus, qu’il y avait des impacts déjà démontrés, qu’il y avait des liens très très grands avec des théories en psychologie qu’on a au niveau de l’actualisation, soit au niveau même du développement des personnes. Donc ça m’a vraiment fascinée puis je voyais tout le potentiel. Ce qui m’intéressait c’était de voir… parce que tu sais là c’était de mon point de vue de chercheure, mais quand j’ai commencé à lire sur le sujet, puis on parle beaucoup de biais dans notre société aujourd’hui, un des gros biais qu’il y avait sur le mentorat c’est que c’était une affaire d’homme blanc, d’homme blanc qui réussissait déjà et qui était dans des hautes sphères d’entreprises…

Aimy :

Un peu comme dans le cliché de : « Je vais monter en grade, je vais avoir une promotion! ».

Catherine:

Exactement! Et là je me suis dit : « Mais là mon dieu, c’est tellement puissant comme relation! Comment est-ce qu’on fait pour démocratiser ça, pour rendre ça accessible, pour que plus de gens puissent y avoir accès? ». Puis là je suis tombée dans d’autres courants de recherche où il y avait déjà des gens avant moi qui avaient commencé à regarder comment est-ce qu’on peut travailler par exemple avec des populations afro-américaines, du mentorat pour qu’il y ait plus de leaders, ou de femmes. Et là bien je suis tombée dans les jeunes, puis j’ai vu tout ce qu’on pouvait faire. À cette époque-là, les technologies commençaient à entrer dans nos vies et je me disais : « Wow, il faut qu’on profite de ce moyen de communication-là », qui était le courriel à l’époque. Après il y a eu les médias sociaux qui sont arrivés dans nos vies et tout ça, et on utilise toujours les technologies aujourd’hui et chez Academos et chez Élo, pour faire du mentorat plus facilement.

Aimy :

Puis elle reste un moyen, encore une fois, de démocratiser l’accès!

Catherine:

Tellement, tellement! Bien oui! Et de le rendre accessible parce que, comme chez Élo à la fin juin on travaille avec le gouvernement du Canada, Affaires mondiales du Canada. Ils accompagnent des entrepreneurs qui développent leurs entreprises ailleurs dans le monde. Ils ont un programme de mentorat où des entrepreneurs qui ont réussi par exemple à exporter leurs modèles d’affaires à Dubaï, à Singapour, etc., ces entrepreneurs-là vont accompagner d’autres entrepreneurs qui souhaitent faire la même chose et sans la technologie, ce mentorat-là ne peut pas exister. Alors là je suis super contente de contribuer à ça, de faire en sorte qu’il y a des entrepreneurs qui prennent des risques énormes d’exporter ailleurs, bien que ces gens-là puissent être accompagnés par quelqu’un qui l’a fait il y a trois ans, il y a cinq ans, il y a dix ans!

Aimy :

Puis ça, vous arrivez à faire ça à travers la plateforme d’Élo.

Catherine:

À travers la plateforme d’Élo, oui!

Aimy :

Excellent! Ok donc je reviens à l’histoire. On était rendues à ton projet de recherche. Tu te rends compte qu’il y a déjà de la recherche là-dessus, qu’il y a déjà des écrits, il y a déjà des gens qui ont tiré des conclusions. Tu essayes de l’appliquer à ta propre recherche. Tu finis l’école.

Catherine:

Oui!

Aimy :

Est-ce que j’ai sauté une étape?

Catherine:

Je finis l’école tard. Non non, bien je commence à travailler en même temps (rires).

Aimy :

Tu travailles dans quel domaine au départ?

Catherine:

En fait, c’est ça, là moi avec mon diplôme, l’issue normalement c’est d’aller psychologue dans une école. C’est ce que les gens font! Ou bien… donc j’ai essayé ça dans mes stages, mais ce n’était vraiment pas pour moi. C’est un milieu où il y a beaucoup de normes, où ce n’est pas toi qui décides de ce que tu fais dans ta journée tant que ça, parce qu’il y a des services qui sont attendus et qui doivent être rendus, il y a un contexte avec des paramètres budgétaires, avec des attentes. Alors j’ai eu une grande déception de voir que ce n’était pas pour moi. J’ai essayé un peu le bureau privé, la clinique, puis là bien je suis revenue à me dire : « Je vais trouver ça long d’être seule », en quelque part. C’est sûr qu’on voit des clients, mais j’avais besoin d’une vie de groupe ou d’équipe. Donc je me suis organisée pour que ce qui me passionnait… ah puis j’aurais pu être chercheure bien entendu (rires) parce que j’avais un PHD en recherche et intervention, mais la recherche finalement ne m’intéressait pas tant. J’aimais beaucoup les aspects de découvertes, d’innovation, d’impact dans la recherche, mais tous les autres aspects qui sont plus solitaires, de rédaction, d’analyse de données, puis le contexte universitaire, je ne me sentais pas si bien que ça dedans. Alors là il me restait mon projet Academos qui suscitait de plus en plus d’intérêt, donc je me suis organisée pour trouver d’autre financement puis pour que ça continue.

Aimy :

Ça fait qu’Academos avait déjà son nom depuis ta recherche.

Catherine:

Ah depuis le début en fait ce n’est même pas moi qui l’ai choisi. La subvention qui avait été demandée au Cégep Bois-de-Boulogne avait déjà un nom de projet, puis ce nom-là a été gardé.

Aimy :

Excellent!

Catherine:

Academos ça réfère au jardin à Athènes où Platon avait bâti son académie.

Aimy :

On est encore à l’apprentissage d’un humain à l’autre, hein?

Catherine:

Tout à fait, ça réfère à ça. Alors là bien je me suis arrangée pour pouvoir travailler là et faire grandir ce projet-là qui suscitait de l’intérêt à la fois auprès des jeunes… on avait des enseignants qui commençaient à vouloir l’utiliser en classe pour compléter ce qui se fait en orientation professionnelle ou en information scolaire à l’école. Après je n’ai jamais lâché de travailler là en fait. Ça a commencé par un emploi à temps partiel puis c’est devenu assez rapidement un emploi à temps plein. Là il a fallu que je m’entoure d’une équipe assez rapidement aussi là.

Aimy :

Alors tu dis : « Bien j’y tenais à ce projet-là puis j’y voyais de l’avenir, donc je me suis organisée pour aller chercher des fonds et le faire avancer. » Ça fait qu’on va revenir à l’entrepreneuriat social dans un moment, mais il y a souvent cette question-là hein? Qu’est-ce que je fais là? Je vends mon vélo? Qu’est-ce que je fais pour aller chercher des sous pour mettre sur pied quelque chose, pour que ça commence à rouler? Dans ton cas, ça a été quoi les initiatives?

Catherine:

En fait moi, jusque là là, je ne sais même pas que je suis entrepreneure et je n’ai pas cette perspective-là dans ma tête, tu sais.

Aimy :

Parce que tu as comme la vision de : J’aime ce que je fais, je veux que ça continue.

Catherine:

C’est juste ça (rires)! Et ça marche, il y a du monde qui en bénéficient et il y a du monde qui en veulent.

Aimy :

Donc ça fait sens!

Catherine:

Donc il faut que je réponde à ça parce que ça fait du sens, c’est pertinent dans la société et je travaille toujours au Cégep Bois-de-Boulogne donc je suis plus dans une perspective de projet à l’intérieur d’une organisation plus que dans un projet d’entrepreneuriat. Bien pour moi au départ ça a été des subventions, tu sais ça a été juste avec ça au départ qu’on a financé le projet, donc subventions auprès du Gouvernement du Québec, du Gouvernement du Canada.

Aimy :

Tu leur écris, tu dis c’est quoi ton projet, tu vends le projet puis tu espères qu’on finance un morceau.

Catherine:

Oui, puis tu essaies d’avoir des rencontres aussi, ce qui est toujours important. Ce n’est pas facile à avoir. Là je rentre un peu dans l’entrepreneuriat parce que ça demande des habiletés entrepreneuriales et il y a beaucoup de jobs qui demandent des habiletés entrepreneuriales, mais oui! C’est d’user de persuasion. Ce qui était vraiment cool avec ma formation aussi c’est que j’avais développé une super bonne capacité à aller chercher un bon argumentaire, des données probantes. J’avais pris l’habitude d’évaluer ce qu’on faisait, donc ça a été vraiment un atout pour aller chercher du financement.

Aimy :

Donc ce n’était pas juste « crois-moi parce que je te dis que c’est cool », j’ai toutes les preuves là.

Catherine:

Exactement, c’est ça, c’est ça. Alors c’est comme ça que ça s’est fait, mais à mesure que ça a grossi là il a fallu aller chercher des sources de financement encore plus importantes, puis éventuellement on a diversifié le financement. Aujourd’hui on a toujours le soutien gouvernemental, au gouvernement du Québec entre autres dans le cadre de la stratégie action jeunesse depuis 2006. Ça, ça nous a vraiment permis d’amener Academos partout au Québec, c’était ça notre mandat, mais maintenant bien on génère nos revenus, certains revenus aussi par des activités qu’on fait. On a des partenaires aussi dans le milieu privé là, souvent les OBNL c’est un combo de moyens de financement, donc on a des entreprises privées qui nous soutiennent, on a des fondations privées aussi qui nous soutiennent, mais c’est un peu la même démarche avec tous ces gens-là. Il faut les convaincre, il faut les embarquer. Tu sais il y a les données, montrer que ça marche, mais il faut toujours ; puis ça c’est vrai pour n’importe quel entrepreneur quand on cherche du financement ; il faut vendre un peu de rêve aussi là. Dans notre cas c’est l’impact qu’on a.

Aimy :

Puis j’imagine aussi renouveler constamment la pertinence, hein? Prouver que c’est encore bon ce qu’on fait.

Catherine:

Bien oui, constamment, puis de continuer à évoluer. Tu sais, je pense que l’innovation c’est un aspect super important dans l’entrepreneuriat.

Aimy :

Est-ce que tu pourrais aussi nous parler de la naissance d’Élo?

Catherine:

Oui! Élo, là je le savais déjà que j’étais entrepreneure (rires), ça fait que ça c’était passé un peu différemment parce que chez Academos il y a un jour où je me suis levée un matin puis je me suis dit « Hey, je suis entrepreneure moi! ».

Aimy :

Comme ça un matin en te réveillant!

Catherine:

Bien peut-être pas là, mais il y a eu un moment donné où il y a eu un déclic où j’ai fait comme le lien que je n’étais plus une chercheure, je n’étais pas juste une porteuse de projet, mais j’étais une entrepreneure, puis il fallait que j’agisse comme tel aussi.

Aimy :

Est-ce que tu la cherchais cette identité-là? Est-ce que tu te demandais OK je suis qui, je fais quoi? Ou est-ce que d’un coup tu t’es dit : « Bien, ça ressemble à ce monde-là, là ».

Catherine:

Non c’est ça, je ne me demande pas ces affaires-là!

Aimy :

Trop occupée?

Catherine:

Ouais peut-être, ou ce n’est pas important les étiquettes, mais c’est ça. Je me suis rendue compte à un moment donné que j’étais beaucoup plus entourée d’entrepreneurs que de psys ou de chercheurs ou même de gens en OBNL. Ça fait que c’est là que j’ai réalisé que j’étais entrepreneure et que j’étais en train de diriger quelque chose, mais ça a été important quand même ce déclic-là, parce que j’ai changé de posture après, en me disant qu’il y a des choses que je devais travailler, par exemple les employés pouvaient avoir des attentes à mon égard parce que je devais avoir une posture entrepreneuriale et ça a permis d’aller chercher d’autres sortes de financement aussi et de développer l’OBNL autrement.

Aimy :

C’est ça tu as bougé autrement à partir de là.

Catherine:

C’est ça! Pour Élo bien c’est encore une question d’opportunité, en fait la meilleure façon d’entreprendre c’est ça, c’est de répondre à un besoin. Quand on essaie d’entreprendre quelque chose qui nous intéresse nous et qui n’intéresse personne, je pense que ça ne marche pas! Alors quand on identifie un besoin dans la société, dans la communauté ou peu importe, ça nous amène de la pertinence et ça facilite grandement l’entrepreneuriat. Ça fait que dans le cas d’Élo, ce qui est arrivé c’est que vers 2015, 2016, je ne sais pas trop, on a eu plusieurs partenaires d’Academos du privé qui nous disaient : « Ah, mais votre application est super intéressante, on a un programme de mentorat à l’interne chez nous, c’est géré à la mitaine. Avez-vous pensé à utiliser votre technologie pour les milieux adultes aussi? » Ça fait qu’on se faisait dire ça une fois, deux fois, trois fois… (rires).

Aimy :

Il y a un besoin.

Catherine:

Il y a un besoin. C’est là qu’on s’est dit : « Ah peut-être qu’on devrait le faire » et il y avait un projet derrière ça aussi de peut-être aller chercher une autonomie financière pour Academos aussi, parce qu’on s’est dit : « Si le projet auprès d’entreprises privées, entre autres, fait significativement de l’argent, bien on pourrait dédier notre responsabilité sociale à la cause Academos et à la persévérance scolaire des jeunes et ça ferait en sorte qu’il y aurait une autonomie aussi dans l’OBNL. » Parce que quand on a du financement qui vient du gouvernement, d’entreprises, etc., bien c’est toujours contractuel hein? Et il y a des attentes, alors il y a des projets qu’on n’arrive pas à faire parce qu’on ne les finance pas.

Aimy :

Il y a un certain risque aussi! Je veux dire, une subvention pourrait disparaitre.

Catherine:

Pourrait disparaitre oui, tout à fait. C’est déjà arrivé d’ailleurs (rires). Alors c’est comme ça que c’est né Élo, puis là on a fait une entente avec Academos pour séparer les marchés, etc. Il y a eu plein d’affaires à régler puis en 2018 on a lancé Élo sous un autre format, puis là bien je suis encore en apprentissage de ce que c’est être un entrepreneur dans le milieu privé parce que ça fait trois ans puis il y a eu une pandémie pendant un an et demi là-dessus, mais c’est très différent que de diriger un OBNL par exemple.

Aimy :

Ça m’amène en fait à la prochaine question. Tu as un peu en fait les deux chapeaux, hein? Tu es une entrepreneure sociale dans ta mission, mais tu as un morceau d’entrepreneuriat qui est très pur, quand on regarde Élo entre autres.

Catherine:

Ouais!

Aimy :

Comment est-ce que tu distinguerais l’entrepreneuriat classique de l’entrepreneuriat social?

Catherine:

Bien l’entrepreneuriat social comme il est souvent défini, c’est que la mission de l’organisation va être très claire au départ sur un impact qu’on va aller chercher. Donc ce n’est pas juste par exemple de répondre à un besoin de marché. C’est vraiment… il y a une notion d’impact sur l’environnement, l’éducation, la santé, peu importe là. Même qu’il y en a qui vont le relier aux… là je ne me souviens plus combien il y en a là, s’il y en a 15 ou 17 ; ce sont les objectifs de l’ONU sur l’impact ; donc ça fait partie intégrante de ta mission et il y a comme des valeurs qui vont avec, donc tu ne vas pas aller chercher des contrats qui contreviendraient à tes valeurs, des choses comme ça, mais ça ne veut pas dire du tout que tu ne fais pas d’argent ou que tu n’as pas un objectif de rentabilité, etc.

Aimy :

Ce sont deux choses distinctes.

Catherine:

Mais ce qui prime devrait être l’impact que tu vas chercher, puis tes services ou ton produit devraient être développés dans ce sens-là. Normalement tu as comme toutes sortes de valeurs qui vont aller autour : Si tu te dis entrepreneur social, même si c’est en éducation, bien à côté de ça tu vas avoir dans ton entreprise des politiques d’achat qui vont être responsables. Tu sais, il va y avoir de rattaché à ça une plus grande responsabilité d’entreprise aussi.

Aimy :

Il y a comme un souhait de cohérence dans tout ça là.

Catherine:

C’est ça! Donc les entrepreneurs sociaux vont souvent démarrer des OBNL, ils vont démarrer aussi ce qu’on appelle des entreprises en économie sociale, ou il y en a qui vont démarrer des entreprises plus classiques, mais avec une très très forte volonté d’avoir un impact sur la société ou la planète ou peu importe.

Aimy :

Cette notion clef là de l’impact au départ!

Catherine:

Super important! Donc ça veut dire que c’est ça, il y a des choses qui se retrouvent un peu exclues tu sais. Si ton projet d’entrepreneuriat c’est de la mécanique automobile puis que tu démarres une entreprise de mécanique automobile, s’il n’y a pas quelque chose qui a rapport à un impact social à travers ça bien c’est plus de l’entrepreneuriat classique.

Aimy :

Exact! En fait, tu me répondras dans ce qui fait le plus de sens pour toi, mais qu’est-ce que tu dirais qui sont les grandes forces ou les grandes compétences ou aptitudes qu’on devrait avoir pour être ou une bonne entrepreneure sociale ou une bonne entrepreneure en général? Tu me diras ce qui fait sens pour toi.

Catherine:

Ouais je pense que c’est un peu les mêmes en fait!

Aimy :

Ouais hein!

Catherine:

Oh la la… je suis encore en train de l’apprendre (rires) je dirais qu’une chose qui est une qualité, dans les qualités là, il y a vraiment la curiosité qui m’apparait très très importante. Je parlais d’opportunisme tout à l’heure, mais un entrepreneur doit être toujours curieux, parce que ton entreprise va se développer en fonction de comment tu peux voir des opportunités d’affaires ou des façons de développer ton produit. D’avoir un peu du flair, là! Des fois je dis la citation là… C’était le père de Wayne Gretzky qui avait dit de son fils « Il est bon parce qu’il ne s’en va pas où la rondelle est, il s’en va où elle va être », tu sais. Puis être un entrepreneur qui réussit bien il y a beaucoup de ça là-dedans. Puis on l’a vu dans la pandémie, hein! Les entrepreneurs qui ont eu ce flair, qui ont réussi à se revirer de bord comme on dit, bien… Ça fait que ça, ça va beaucoup aller avec la curiosité, puis je le mettrais de manière plus large. La curiosité, tu sais, des fois l’idée d’un nouveau service ou d’un nouveau procédé dans ton travail va venir d’une exposition que tu es allé voir au musée, il va venir d’un podcast que tu as écouté dans un domaine complètement différent. Ça fait qu’il faut vraiment… Tu sais pour innover, pour faire sa place, pour rester puis pour avoir de l’impact, peut-être encore plus en entrepreneuriat social, il faut avoir cette curiosité-là puis être capable de connecter des affaires.

Aimy :

Oui il y a toujours cette notion de : « On ne sait pas ce qu’on ne sait pas », hein? Donc si je n’ai jamais été exposé à quelque chose, aucune chance que j’aille une idée dans ce coin-là.

Catherine:

Tout à fait! Puis après bien il faut… il faut bien s’entourer, ça c’est quelque chose qui m’apparait vraiment essentiel en entrepreneuriat. Il ne faut pas avoir peur d’aller chercher des gens qui sont meilleurs que soi dans certaines choses parce que c’est vraiment en équipe qu’on est plus fort en entrepreneuriat. Puis il y a toute la notion de risque que je trouve importante, puis que j’apprivoise encore, mais l’entrepreneuriat là c’est intimement lié à la prise de risque. Je ne connais pas d’entrepreneur qui ne prennent pas de risques là, ça ne va pas ensemble. Alors ça c’est pour un profil comme moi, qui était académique puis pour se rendre au doctorat, tu n’en prends pas tant de risques, parce qu’il faut que tu ailles, en tout cas en psychologie… Mon chum faisait toujours la blague de m’appeler “Straighty Student”, parce que ça prend des A partout pour rentrer au doctorat, mais il n’y en a pas de prise de risque là-dedans. Tu étudies, tu étudies, tu étudies. Il faut que tu donnes toujours les bonnes réponses. Alors pour moi ça, ça a été un gros apprentissage, mais finalement j’aime ça! J’avais une personnalité peut-être comme ça, mais il ne faut pas avoir peur d’essayer des choses, puis il y a tout le temps des choses qui ne marchent pas. Donc je dirais que ça c’est… pour moi en tout cas ça m’apparait autant sinon même plus important que d’être capable de comprendre un bilan financier, tu sais.

Aimy :

Il y a quelque chose d’intéressant dans comment tu décris la prise de risque, tu dis : « Il y a toujours des choses qui ne marchent pas », donc j’entends comme une certaine humilité aussi : Je vais prendre des risques, puis des fois je vais me planter puis ça fait partie de mon travail.

Catherine:

Ah oui tout à fait! Puis je parle de prise de risque là, mais ce n’est pas de dire : « Je vais tout miser, je vais tout miser mon cash sur telle affaire », tu sais comme on voit déjà dans les films. C’est de la petite prise de risque au quotidien bien souvent.

Aimy :

Puis ça peut être aussi petit que : J’ai essayé de démarrer un projet, ça n’a pas fonctionné. J’ai embauché quelqu’un, ce n’était pas la bonne personne. Ça fait partie de tout ça là.

Catherine:

Ah ça peut être même plus petit que ça (rires)! Ça peut être comme là nous, on fait énormément de publicité en ligne, donc ça peut être : On va faire une page Web pour publiciser notre nouveau service de telle chose, on ne va pas valider dix fois. On va mettre ce qu’on pense, on va voir comment ça réagit, puis s’il n’y a pas assez de monde qui clique sur « Acheter », on va changer des affaires dedans, tu sais! Alors en entrepreneuriat, tout bouge tout le temps alors il faut… Ce n’est pas nécessairement de gros risques.

Aimy :

C’est comme si j’entends un gros lien entre le risque puis juste le fait d’essayer.

Catherine:

C’est l’essai-erreur, c’est ça. Puis des fois bien il y a de plus gros risques. Tu sais des fois il faut, il faut. Si on a la conviction que quelque chose peut marcher, bien là il faut miser peut-être pas le tout pour le tout, mais il faut être capable, il faut être capable de se dire comme : « OK, on met de l’argent là-dessus, on le risque parce qu’on pense que ça va marcher ».

Aimy :

Alors ça ce sont de belles forces que tu m’as nommées ici, puis si on regarde à l’opposé, tu m’as nommé certain des challenges puis des défis qu’il peut y avoir en lien là avec l’entrepreneuriat. Qu’est-ce que tu nommerais d’autre comme défis qu’on peut rencontrer un peu au quotidien?

Catherine:

(Rires). Au quotidien dans les défis c’est… Le plus grand défi je trouve, c’est qu’il faut un peu être comme un couteau suisse là, à moins d’être rendu un entrepreneur peut-être d’une grosse compagnie là, je ne connais pas ça, où il y a comme beaucoup de gens qui travaillent avec toi, je pense qu’entre autres au Québec l’entrepreneuriat c’est surtout de la PME. Donc ça risque d’être la réalité de la plupart des gens qui vont se retrouver en entrepreneuriat. C’est ça, il faut être un couteau suisse. Sans être bon dans tout là, il faut être capable de comprendre un peu tout et être capable de faire un peu de tout, quitte à aller chercher de l’aide très précise pour s’épauler là-dessus, mais ça c’est un défi parce que… Non pas seulement d’être capable de faire tout, mais c’est au plan aussi dans ta tête, là. Tu sais, comme là ce matin je fais un podcast, après je retourne au bureau, puis j’ai mon suivi hebdomadaire avec notre adjointe administrative, donc elle, elle va me parler de choses : OK là il y a telle lettre qu’on a reçu, il y a telle réponse à donner, il y a un employé qui arrive, on a deux stagiaires qui arrivent. Comment on organise leur formation? Auront-elles des clefs pour le bureau? Quels ordinateurs auront-elles? Après j’ai un autre rendez-vous ; C’est en marketing. Notre campagne ne fonctionne pas admettons. Qu’est-ce qu’on fait? Est-ce qu’on investit plus d’argent? Alors ton cerveau il est constamment en train de se replacer dans des thématiques.

Aimy :

Je dois être capable, c’est ça, de jongler entre la promotion, les opérations, quelqu’un qui cogne à la porte de mon bureau qui est en larmes… Tout ça, ça se peut!

Catherine:

Tout ça, ça se peut! Puis après que la personne soit en larmes, bien ça se peut que “Woup, woup, woup!” il y a un zoom avec un investisseur. Alors là je dois me mettre en mode promotion! Tout va bien! Alors je pense que la plupart des entrepreneurs se reconnaîtront là en ce moment dans ce que je dis.

Aimy :

Dans la jonglerie.

Catherine:

Exactement! Puis donc, ça je trouve que c’est un défi important et transiger avec l’ambiguïté, avec l’incertitude… tu ne le sais pas de qu’est-ce que ton entreprise aura l’air… tu sais, tu te fais des plans, puis tu ne sais pas de ce qu’au l’air ton entreprise l’année prochaine! Là on a eu une pandémie. Est-ce qu’il va y avoir autre chose qui va bouleverser d’autres secteurs d’activités? Il y a tout le temps de l’imprévisibilité, puis tu es au front, tu es un peu seul. Tu es un peu seul hein dans tout ça. Ça fait que là, bien, c’est l’fun comme entrepreneur d’avoir des mentors aussi (rires) pour bien s’entourer. Je dirais que c’est beaucoup ça les défis en entrepreneuriat, puis toujours la responsabilité qu’ultimement, les décisions difficiles elles reviennent à l’entrepreneur. Tu sais alors le nombre de décisions que tu prends par jour quand tu es entrepreneur c’est assez fou… Plus que je n’aurais jamais pensé, que j’aurais pris autant de décisions dans une journée ; des très petites là en général ; mais en très grand nombre, puis de très grandes aussi.

Aimy :

C’est drôle hein, dans ce que tu me décris là les très petites et les très grandes, c’est comme si tu es la première ligne puis tu es la dernière ligne aussi!

Catherine:

En PME c’est ce qui se passe! C’est ça.

Aimy :

Je parlais avec une policière un jour, puis ça me fait penser à ça, qui me disait : Moi je suis la dernière ligne. Quand on m’appelle, il n’y a plus d’autres solutions. Je ne vais pas appeler l’armée là! Il reste juste moi. Ça fait qu’il faut que moi je le règle, puis j’entends un petit peu ça dans ce que tu me décris hein?

Catherine:

Ouais il y a de ça! Mais je ne serais jamais policière (rires).

Aimy :

Deux choses bien différentes!

Catherine:

Deux choses très très très différentes oui!

Aimy :

Donc là on parle des défis. Un peu à l’opposé ou à côté, qu’est-ce que tu nommerais comme étant le plus valorisant ou nourrissant dans ce que tu fais au quotidien?

Catherine:

Bien la première chose, comme je suis une entrepreneure sociale, c’est l’impact. Tu sais des fois quand je n’ai pas une bonne journée (rire) je vais voir des témoignages de jeunes, ou je vais carrément… Tu sais on a la chance d’avoir une plateforme là, on peut voir des conversations des jeunes et des mentors et tout ça. Quand je vois l’impact qu’on peut avoir sur la société, sur un jeune ou sur une personne au travail qui était peut-être désengagée, qui n’avait pas de sentiment d’appartenance dans son milieu de travail, puis que là elle a maintenant envie de contribuer tu sais parce qu’elle a eu un mentor, ça c’est ma gratification. C’est d’ailleurs ce qui fait que je me lève le matin, c’est ma raison! Puis en éducation particulièrement tu sais, je pense qu’on peut changer le monde avec ça là, comme Nelson Mandela. Voilà! Sinon ce que je trouve vraiment l’fun, c’est ce qu’on arrive à accomplir en équipe, puis de voir aussi quand on a des idées, de les mener à bien. C’est ça! Ça je trouve ça très grisant de pouvoir réaliser des projets en équipe, de faire plus que si j’étais seule, d’avoir cette camaraderie aussi, parce que c’est un lieu social aussi le travail hein? Donc c’est un peu tout ça je trouve qui est intéressant, puis comme entrepreneure je parlais du couteau-suisse qui est un défi tout à l’heure, pour moi c’est vraiment un avantage parce que je suis une personne très curieuse, touche à tout, alors jamais je ne pense à ma retraite dans mes journées, tu sais (rires)! Je commence à être à l’âge où le monde des fois en parle déjà depuis un bout! J’ai quarante-sept ans ça fait que… mais jamais jamais je ne pense à ça, tu sais mes journées… : « Oups! Il est 5 heures! » (rires). Alors c’est une vie palpitante être entrepreneure. Des fois tu brailles aussi, tu ne dors pas la nuit, mais c’est une vie palpitante avec plein de projets. Puis l’autre chose je pense qui est commune chez les entrepreneurs, c’est d’aller… d’être en maîtrise entre guillemets des projets que tu fais, des décisions que tu prends, de là où tu mènes tous ces projets-là. Donc ça c’est vraiment vraiment l’fun! C’est une grosse responsabilité, mais c’est vraiment vraiment l’fun!

Aimy :

Ça rapporte aussi! Comment est-ce que tu penses que ton domaine va évoluer dans les 10, 15, 20 prochaines années? Quand je dis ton domaine, je te pose une double question en fait. Je suis curieuse quant au mentorat, comment tu penses que ça ça va avancer, mais aussi quant à l’entrepreneuriat social.

Catherine:

Ouais! Pour le mentorat, en ce moment je trouve qu’on est dans un moment charnière de transition. Pendant longtemps si je pense surtout au mentorat en entreprise, on a été dans des initiatives de mentorat qui étaient très normées, où on cadrait les choses. Les gens comme mentors et mentorés avaient des rôles bien définis. On parlait… on parle de programmes de mentorat, donc il y a un début, il y a une fin, on crée des cohortes. Tout ça est assez, pour moi, rigide et statique. Là ce qu’on va poindre en ce moment ; puis c’est beaucoup grâce à l’arrivée des technologies aussi dans nos vies ; c’est bien plus de fluidité, tu sais! Puis il y a aussi toutes les questions de diversité et inclusion là qui s’en viennent dans ce domaine-là et qui amène le mentorat à bouger de programme très précis pour répondre à des objectifs et à des clientèles précises… et on s’en va vers des entreprises qui vont développer des cultures de mentorat. Donc moi ça ça me fait vraiment tripper là, parce que c’est ce que j’ai fait chez Academos en fait, c’est d’amener la communauté et de se dire : Moi je suis policière ou moi je suis hygiéniste dentaire ou je suis enseignant, je peux aider un jeune! J’ai une contribution possible. Bien dans les entreprises le mentorat il ne se passait pas comme ça. On identifiait des personnes comme mentorées, on identifiait des personnes comme mentors et c’était assez rigide. Là moi mon rêve ; puis je vois qu’il y a d’autre monde qui pense comme moi aussi ; c’est de dire comme : N’importe qui peut être mentor, n’importe qui peut être mentoré. On va encadrer les gens, on va leur dire c’est quoi la nature de cette relation-là, c’est quoi les écueils possibles, comment ça devrait se passer, mais pourquoi on ne profite pas du savoir de tout le monde puis des expériences et expertises de tous? Surtout dans des contextes en plus qui deviennent multi-ethniques, multi-background, etc. Nos cultures organisationnelles pourraient grandement profiter de mentorat avec ça là.

Aimy :

Cette idée d’amener le mentorat à ne pas juste être : « Bien, tu veux avoir une promotion, tu veux monter », mais peut-être aussi quand on parle de diversité et inclusion, j’entends : « Peut-être que je ne suis pas bien au travail, bien le mentorat il peut servir aussi à se maintenir. »

Catherine:

Tellement! C’est ça! Comment je trouve du sens, comment je développe du sens?

Aimy :

Comment je développer mon engagement, comment je te le dis mon savoir que moi j’ai puis que peut-être que tu as besoin d’entendre…

Catherine:

Exact! Ça fait que le mentorat peut donner un coup de pouce, puis là vraiment en lien avec ce qui se passe maintenant tu sais dans les milieux de travail là on commence à parler de travail hybride, de non-retour en présentiel, bien le mentorat là il peut grandement servir à mieux intégrer, mieux transmettre la culture organisationnelle de gens qui vont rester majoritairement ou en totalité en télétravail. Ça te fait un point d’attache dans l’entreprise.

Aimy :

Comment je garde mon lien, là!

Catherine:

Ouais! Donc là quand je parlais d’opportunités tout à l’heure, quand je parlais d’être à l’affut, d’être curieux, curieuse, bien c’est de voir justement comment tout ça peut évoluer pour servir les personnes et les organisations. Ça c’est pour le mentorat je dirais! Puis moi je veux vraiment pousser la technologie aussi là pour aider les meilleures affaires, les meilleurs jumelages possibles, aider aux apprentissages, coacher les mentors et les mentorés dans leur façon d’être! Je pense qu’il y a plein de choses qu’on peut faire avec la technologie, peut-être même avec l’intelligence artificielle de ce côté-là. Pour l’entrepreneuriat, “my god”, ça va dépendre beaucoup des domaines, mais je pense que l’entrepreneuriat… Il y a 10 ans quand j’ai fait « Ah, je suis une entrepreneure sociale! », il n’y avait pas beaucoup de monde qui parlait de ça. Je pense qu’avec les nouvelles générations qui arrivent entre autres…

Aimy :

C’est plus sur le radar.

Catherine:

Oui c’est plus sur le radar, puis je trouve que les jeunes entrepreneurs ils considèrent beaucoup plus cet aspect-là dans leurs projets entrepreneurials, dans leur désir d’entreprendre, puis ça je trouve ça réjouissant parce que ça veut dire qu’on va créer des entreprises qui vont être pertinentes, tu sais! Puis on a tellement de défis de toutes sortes!

Aimy :

La planète est en feu, le monde est injuste, il faudrait qu’on fasse quelque chose!

Catherine:

Voilà. Ça fait qu’on a besoin de gens qui vont avoir de bonnes idées, qui vont vouloir travailler en équipe. L’entrepreneuriat aussi je trouve… On a eu longtemps l’idée du “self-made man” puis de l’entrepreneur qui réussit seule et tout ça. En ce moment, je trouve que dans les communautés entrepreneuriales, il y a énormément de mentorat, d’entraide, de projets inter-entreprises. Ça c’est trippant parce que quand tu combines deux missions ensemble par exemple, tu peux créer quelque chose de complètement nouveau! Tu peux être capable de répondre à un défi ou à un besoin que ni l’une ni l’autre des entreprises aurait été capable, tu sais… Ça fait que ça je trouve que ce sont des tendances en ce moment qui sont bien intéressantes, puis d’après moi ça va durer.

Aimy :

Dernière question dans la grande série de questions : Si tu rencontrais quelqu’un qui te disait « Catherine c’est vraiment cool ce que tu fais, j’aimerais ça me rapprocher de ton domaine ou de ce que tu fais. », quels conseils est-ce que tu donnerais à cette personne-là?

Catherine:

Entoure-toi! C’est le premier conseil vraiment. Va te chercher des mentors, parle à des gens, parle à différentes personnes! Parle à des gens qui travaillent déjà dans le domaine où tu voudrais démarrer un projet ou une entreprise. Peut-être que tu vas voir que tu n’as pas besoin de démarrer quelque chose de nouveau, puis que tu vas pouvoir te joindre à un mouvement qui est déjà existant. Peut-être que tu vas apprendre sur des erreurs à ne pas faire, sur des opportunités qui existent en ce moment, puis tu vas te développer un réseau dans ton domaine en même temps. Entoure-toi d’entrepreneurs qui ont déjà fait ce que tu as à faire, que ce soit dans le privé, dans l’OBNL, même si ce n’est pas spécifiquement sur la même thématique que toi. Puis entoure-toi très très proche de toi de gens pour travailler à ta mission concrètement au quotidien, que ce soit des cofondateurs, que ce soit des employés si tu as les moyens de payer, mais… Vraiment, de démarrer quelque chose seul, de un tu vas bien trop lentement, de deux tu es tout seul, tu portes tout le poids de ça sur toi, donc c’est vraiment le conseil numéro un.

Aimy :

D’être des bêtes sociales même au travail.

Catherine:

Ah oui, tellement!

Aimy :

OK, dernière étape : Les questions en rafales. Es-tu prête?

Catherine:

Oui! Rafale!

Aimy :

En un mot ou deux, le travail c’est…?

Catherine:

C’est un moyen de réaliser sa mission de vie.

Aimy :

L’école, c’est…?

Catherine:

C’est deux affaires. C’est une occasion incroyable, ça devrait être une occasion incroyable d’apprendre plein d’affaires puis d’expérimenter plein de choses, puis malheureusement c’est bien souvent un passage obligé.

Aimy :

La carrière, c’est…?

Catherine:

Je ne sais pas.

Aimy :

La conciliation travail-vie, c’est…?

Catherine:

Pour un entrepreneur, c’est compliqué (rires).

Aimy :

Très bonne réponse!

Catherine:

Allo Octave! C’est mon garçon (rires)!

Aimy :

Salut Octave!

Catherine:

Mais je réussis là, c’est ça. Ouais, il me voit travailler là, en même temps ça lui montre que… Je suis super contente d’être une entrepreneure femme, on en n’a pas parlé, puis là je sais que je ne suis pas dans les « une à deux réponses » là, mais…

Aimy :

Mais c’est pertinent, je t’écoute.

Catherine:

Je trouve ça… en plus je suis la maman d’un garçon, j’ai juste un enfant, puis je trouve ça vraiment l’fun que mon garçon voit sa maman entrepreneure et qu’il voit que c’est réalisable, mais je ne suis pas une “super-woman” là, encore là il faut s’entourer.

Aimy :

Mais c’est intéressant ce que tu dis là. Les choses peuvent être difficiles et réalisables en même temps.

Catherine:

Oui oui. Tu sais, souvent il faut ses devoirs, puis si je n’ai pas fini mes trucs de la journée je m’installe à côté de lui avec mon ordi, puis c’est comme ça qu’on concilie. Pour lui ça fait partie de sa vie, en fait les enfants s’adaptent un peu à tout, mais c’est important néanmoins, ça prend de la présence de qualité. Il faut que je sois là, mais c’est ça je pense que c’est conciliable, mais c’est un peu plus complexe.

Aimy :

Une balle de plus à jongler!

Catherine:

Exactement!

Aimy :

Être une adulte, c’est…?

Catherine:

C’est vraiment l’fun! Je trouve que on peut, on a enfin comme la possibilité de prendre des décisions puis de faire ce qu’on veut. On peut tellement continuer à apprendre toute notre vie adulte! On a aussi un cerveau qui ; là c’est la psy qui parle ; on a un cerveau qui nous donne des capacités à jongler autant avec des concepts abstraits que des choses très très concrètes. Mon dieu, tout est possible quand on est adulte! Moi je trouve ça trippant.

Aimy :

Donc si on garde cette image-là, mais qu’on va vers jeune adulte : On termine la rencontre, on éteint les micros, tu quittes le studio et tu croises Catherine quand elle avait 20 ans. Quels conseils est-ce que tu lui donnerais?

Catherine:

Ah mon dieu! Je lui dirais de ne pas lâcher son bénévolat, de continuer à s’impliquer, parce que malheureusement à cause de mes études j’ai tout focussé là-dessus. Puis je lui dirais de s’amuser plus, je pense (rires). Bon j’étais dans un contexte différent, mais je pense que je lui dirais d’essayer plus de choses. En fait, j’essaie plus de choses maintenant que quand j’avais cet âge-là.

Aimy :

Donc ça serait ça, de commencer dès là!

Catherine:

Oui!

Aimy :

Catherine ça a été super intéressant. Merci beaucoup!

Catherine:

Ça m’a vraiment fait plaisir!

Aimy :

Merci à notre invitée et merci à vous d’avoir écouté cet épisode des portraits professionnels. Pour plus de détails sur cette profession, visitez notre site Internet au www.saltoconseil.com.