fbpx

SOUDEUR

AVEC BRUCE MORRONI

Septembre 2019 | Musique et montage par Alex Andraos

Aujourd’hui, on rencontre Bruce Morroni, soudeur. Il nous parle de sa réalité, de son parcours et donne des conseils à ceux qui pourraient être intéressés par son domaine.

SOUDEUR

AVEC BRUCE MORRONI

Aimy :

Bonjour et bienvenue aux Portraits professionnels, le balado où l’on tente de clarifier différentes professions du marché du travail. Aujourd’hui, on rencontre Bruce Morroni, soudeur. Il nous parle de sa réalité, de son parcours et donne des conseils à ceux qui pourraient être intéressés par son domaine. Bruce Morroni, bonjour.

Bruce :

Bonjour.

Aimy :

Tu vas bien?

Bruce :

Oui, très bien, merci.

Aimy :

On se rencontre aujourd’hui pour parler de ton métier. Veux-tu nous dire ce que tu fais?

Bruce :

Dans le fond, je suis soudeur. Ça s’appelle occupation, qu’on appelle sur la CCQ, dans la construction. Je fais des pieux de fondation pour des projets commerciaux, le plus souvent. Mais, ça peut être résidentiel, résidentiel lourd, par exemple, condos, résidences. Mais, en ce moment, c’est beaucoup les ponts et les grands complexes.

Aimy :

Tu me dis, donc, tu es soudeur et tu fais des pieux.

Bruce :

Oui.

Aimy :

C’est quoi un pieu?

Bruce :

Un pieu, c’est un tube à gros cylindre, de métal. Sept pouces, neuf pouces, quatorze pouces, ça peut aller très gros. Ça va aller, avant de faire une fondation, vu qu’on a des sols qui bougent beaucoup au Québec, on va aller mettre un peu des pattes dans le sol, à cette fondation-là. On va planter à des endroits les plus importants, les endroits X, on va aller planter des pieux pour aller chercher le solide dans le sol. Ça peut peut être 120 pieds, 60 pieds, ça dépend vraiment de ce sol-là. Ensuite, on va les remplir de béton et les gars de coffrage qui vont arriver après pour faire la fondation, eux, ils vont s’attacher après ça. C’est comme une table qui est dans le sol, pour le plancher.

Aimy :

C’est comme d’aller attacher dans le sol ce qui va être construit par après.

Bruce :

Si on fait juste pour faire une fondation, un plancher, quand ça va se mettre à bouger, tout va craquer. Donc, au moins, à des endroits X, importants, s’il y a une cage d’escalier ou d’ascenseur, s’il y a un garage, ils font des plans en sorte qu’à ces endroits-là ça va être plus solide dans le sol. Dans le fond, on les soude pour faire les longueurs parce qu’on a juste 40 pieds. S’il faut mettre 120, il faut les souder l’un par-dessus l’autre et les planter au sol.

Aimy :

Fait que tu vas souder ces espèces de tuyaux-là l’un à l’autre?

Bruce :

Oui, c’est une machine qui les met par-dessus et nous on le soude et après ça, c’est un marteau, un gros marteau qui va le planter dans le sol jusqu’à temps qu’il touche sa solidité. Après, on passe à l’autre.

Aimy :

Super intéressant. Quand tu rencontres quelqu’un pour la première fois et que tu lui dis : Salut, je m’appelle Bruce et je suis un soudeur, c’est quoi la vision que les gens peuvent avoir de ce que tu fais?

Bruce :

C’est sûr que soudeur, c’est tellement vaste. Tu peux faire de l’automobile, tu peux faire, ce dans quoi j’ai commencé, de l’ornemental, des balcons, tout ce qui est les escaliers en colimaçon. Ils peuvent faire dans l’alimentaire…

Aimy :

Dans l’alimentaire?

Bruce :

Oui, par exemple, quand le lait ou tous les produits alimentaires doivent passer dans des cylindres de stainless, il faut des soudeurs spéciaux pour ne pas que ce soit contaminé.

Aimy :

Fait que tu irais à l’intérieur de la cuve pour souder?

Bruce :

À l’intérieur, ou pour faire les tuyaux qui relient ces cuves-là.

Aimy :

Tout le système.

Bruce :

Tout le système. Tu peux avoir du pipeline qu’on appelle, comme pour dans le Nord, pour le gaz, l’essence, le pétrole. C’est très vaste. Donc, si je dis juste soudeur, tu ne peux pas savoir vraiment ce que je fais.

Aimy :

Oui, comme si les gens avaient une vision un peu de toi avec le gros casque et des flammèches et c’est ça que tu fais.

Bruce :

C’est ça. Comme on voit dans les films, que des fois, en plus, quand tu fais ce métier-là, tu vois dans les films et tu te dis : Même si c’est un gars qui est en arrière juste pour dire qu’il soude, un figurant, tu te dis, il ne fait pas ça comme du monde. Mais les gens, c’est ce qu’ils voient, un casque pour souder. Mais ça peut être scaphandrier aussi, dans l’eau. Ce n’est pas tout le monde qui peut faire ça. Il faut être maître-plongeur avant d’être soudeur pour faire ça. C’est assez compliqué.

Aimy :

Même si on se dit : OK, c’est super simple, c’est le gars avec le casque et les flammèches, il y a une grande complicité quant aux différents types de projets.

Bruce :

Oui, exactement.

Aimy :

Qu’est-ce qui t’a amené à faire ça dans ta vie?

Bruce :

Dans le fond, ce qui est arrivé, j’étais bon à l’école, mais ça ne m’attirait vraiment pas. Donc, je n’ai pas fini mon secondaire. Tu peux toujours finir plus tard, mais quand tu vieillis tu commence à travailler. Là, tu y vas de soir, mais de soir, ils ne sont pas vraiment là pour toi. Donc, je travaillais dans des petites jobines puis ma mère est décédée. Avec le petit héritage que j’ai eu, je suis parti en voyage. C’est elle qui m’a montré un peu les voyages, la spiritualité et tout ça. Je me suis dit que j’allais faire ce qu’elle aimerait que je fasse. Je suis allé en voyage et quand je suis revenu, j’avais un but fixe de faire de l’argent. D’avoir un métier que je peux ramasser de l’argent vite et d’être plus manuel, plus autonome. Ma sœur, ma grande sœur avait un ami qui lui avait une shop de soudage. Il m’a un peu conseillé d’aller étudier là-dedans. Dans le fond, je savais que ça allait être plus ou moins payant, il ne fallait pas nécessairement une grande scolarité. Il fallait que je fasse un TDG juste pour rentrer dans l’école de soudage. C’est ça qui m’a amené un peu. C’était pour faire de l’argent vite et j’avais un contact aussi, ça m’a comme aidé.

Aimy :

Ça répondait à tes exigences et en même temps, il y a quelqu’un qui t’a un peu ouvert la porte.

Bruce :

J’avais deux amis qui étaient là-dedans et qui venaient de finir l’école, ou il y en avait un qui était encore à l’école et un qui venait de finir. Donc, ils m’en ont parlé. C’est vraiment plus parce que j’en ai entendu parler. Sinon, j’aurais peut-être plus été dans la construction, un métier manuel, mais dans d’autre chose.

Aimy :

Il y avait comme une familiarité. On t’en a parlé un petit peu, c’était un peu connu, je fais tenter ma chance, je vais essayer ça.

Bruce :

C’est ça.

Aimy :

OK. Est-ce que, depuis le début, dans ta carrière de soudeur, tu as toujours fait ce que tu fais maintenant?

Bruce :

Je dirais que non. Surtout qu’en construction, l’hiver, on travaille plus ou moins. Il y a quand même, des fois, des chantiers, des jobs. Mais, on travaille plus ou moins, tu es porté à faire, quelqu’un qui fait son sous-sol, je vais aller t’aider. Mon ancien beau-père est électricien donc, j’allais travailler pour lui. Je faisais d’autre chose, mais dans les quatre années où j’ai été soudeur, c’était ça, je n’ai pas débarqué, entre-temps, de ça.

Aimy :

Peux-tu nous donner des exemples de projets sur lesquels tu as travaillé?

Bruce :

Ma première job que j’ai eue, c’était de l’ornemental, c’était des balcons, escaliers, à Montréal. Maintenant, c’est rendu beaucoup les règles pour les balcons, tout ça, sont rendues assez importantes.

Aimy :

Mettons, la Ville va dire pour que les balcons soient sécuritaires à Montréal, on les veut comme ça.

Bruce :

Comme ça, à telle hauteur, quatre pouces entre les barreaux pour les enfants. Sauf qu’il y a beaucoup de rues à Montréal, de petites rues comme St-Denis, les maisons, on voit souvent des escaliers qui tournent un peu. Ils sont proches du trottoir, ils ne sont pas conformes, mais sinon l’escalier arriverait dans la rue. Donc, eux ils ne peuvent pas avoir quelque chose sur mesure que tu as à la quincaillerie et il faut que tu le fasse faire par quelqu’un. C’est un métier qui se perd de plus en plus parce que maintenant, les gens ont beaucoup des balcons en aluminium et tu peux acheter ça déjà tout fait chez Home Dépot, Réno Dépôt. Donc, de payer le double pour un balcon en acier qui va peut-être rouiller, il va durer un peu plus longtemps, mais il faut que tu le repeintures. Ça se perd beaucoup comme métier et ce n’était pas beaucoup payant. Quand tu sors de l’école, c’est plus ou moins payant. Par après, je suis allé dans une compagnie plus grosse qui faisait du custom à travers le monde. Ils ont fait beaucoup de structures pour les olympiques, les olympiques de Sotchi, ils ont fait aussi Beijing et là, on faisait un théâtre, des étages où il y aura des bancs dans un théâtre, à Chicago. Pendant que j’étais là, aussi, on a fait un char de parade avec Optimus Prime qui s’ouvre et se ferme, au Japon. Il paraît que ça fait deux-trois ans et à tous les soirs ils font un petit show avec, au Japon. À chaque soir, il rouvre et ferme.

Aimy :

C’est cool!

Bruce :

Ça, c’était bien.

Aimy :

Fait que, toi, tu me parles de ces projets-là, les jeux olympiques, le Japon, Chicago. Mais, toi, tu n’allais pas sur place? Tu faisais des morceaux ici?

Bruce :

Je n’ai pas eu la chance d’y aller, mais oui, ils envoyaient des gens.

Aimy :

Certains de tes collègues y allaient.

Bruce :

C’est ça. C’est sûr que, souvent, ils envoyaient les mêmes parce que c’est des gens qui sont habitués d’y aller. Ils ont plus d’expérience, aussi, dans la compagnie. Des fois, ça me tentait d’y aller. Mais, des fois, quand les travailleurs revenaient, j’avais bien fait de ne pas y aller.

Aimy :

Il y a des plus et des moins dans chaque situation.

Bruce :

Par exemple, à Beijing, il fallait qu’ils travaillent avec des Chinois, leur dire quoi faire. Il n’y en a pas vraiment qui parlent anglais.

Aimy :

La communication est difficile.

Bruce :

Oui, c’est ça. Finalement, tu arrives là-bas, puis ce qu’on avait bâti était crochu à cause du bateau et ça ne marchait plus sur place. Alors, tu peux rester là longtemps. Tu peux rester là-bas deux, trois mois.

Aimy :

À essayer de corriger les trucs comme ça. Donc, là, ce que tu me nommes, c’est que tu as fait de l’ornemental, tu as travaillé là-dessus qu’on pourrait qualifier quasiment d’événementiel?

Bruce :

Oui, du custom d’événement.

Aimy :

Et ensuite?

Bruce : Ensuite, j’avais mis, la construction, quand tu es soudeur, ce n’est pas un métier reconnu par la construction. C’est une occupation. Donc, souvent, ce qui est bien, si tu es charpentier, électricien, plombier, que tu as des vraies cartes de métier reconnu, tu peux quand même aller faire des tests de soudage et avoir ta carte de soudure. Donc, tu peux être soudeur et charpentier. Tandis que moi, j’ai fait mon cours de soudeur, mais il n’y a pas de cartes après qui viennent. Il faudrait passer quand même tes tests. Donc, moi, j’ai le désavantage de je ne peux pas être charpentier à part si je travaille pour un employeur qui me fait reconnaître des heures. C’est plus compliqué. Donc, là, j’avais, ils appellent un bassin. Donc, moi, c’est manœuvre, mais ce que j’ai d’un peu plus qu’un manœuvre normal, c’est que j’ai mes cartes de soudage. Souvent, ils vont t’engager pour que tu fasses toute la job de manœuvre, mais ils savent que, lorsqu’ils ont besoin de toi pour que tu soudes, tu peux souder. Puis, il y a le salaire, aussi. Le salaire est plus gros que manœuvre normal.

Aimy :

Fait qu’il va y avoir un échelon qui va être au-dessus.

Bruce :

Oui. C’est ça qui est bizarre. Il y a un salaire de soudeur, mais le métier n’est pas reconnu.

Aimy :

Là, on rentre un peu dans la logistique de comment la construction place ses métiers, hein? Mais de ce que tu me décris, on comprend qu’il y a un bassin. C’est comme un pool et tout le monde applique là-dedans, je mets mon nom puis quand ils ont besoin de quelqu’un, ils checkent pour voir c’est quoi les qualifications et ils vont prendre celui qui a ce qu’il faut.

Bruce :

Oui. C’est ça.

Aimy :

Puis, ce que tu me dis, c’est que la soudure, comme elle ne nécessite pas de cartes de chantier, ce n’est pas reconnu comme d’autres métiers. C’est une occupation, mais comme tu as fait ta formation, tu as un petit plus dans le monde des manœuvres.

Bruce :

Oui. C’est sûr qu’il faut quand même que tu aies des, à tous les deux ans, il faut que je passe des tests de soudage.

Aimy :

Comme pour te faire requalifier encore une fois?

Bruce :

Oui, c’est vraiment pour… C’est sûr que, des fois, je trouve ça… Je comprends si ça fait deux ans que tu n’as pas travaillé, ils veulent te refresh un peu. Mais, quand tu travailles tout le temps, ça devrait être reconnu par ton employeur qui dit : oui, il a travaillé tant d’heures. Mais eux, ils veulent s’assurer. Ça a l’ait vraiment important, la soudure, mais c’est pas reconnu comme un métier. C’est ce que je trouve vraiment spécial. Tous les procédés, là c’est sûr que je vais peut-être parler un peu du chinois, mais que ce soit SMAW, que ce soit au fil, tous les procédés différents de soudage, tu as besoin pour ça d’une carte.

Aimy :

Les procédés, pour clarifier un peu, c’est les façons de faire?

Bruce :

Les procédés, c’est la machine avec laquelle tu vas souder. Il y a une machine, sur la construction, ça va beaucoup être une baguette qu’on met dans un fusil, un gun. Cette baguette-là, quand elle soude, elle… Comment dire… Quand tu soudes, elle diminue, elle diminue, jusqu’à temps que tu doives la changer. Tu as un autre procédé que c’est un fil, c’est une bobine, c’est un fil qui sort constamment. Tu en as un autre que tu fais juste chauffer avec un petit rayon un peu électrique et avec ton autre main, tu vas aller déposer des gouttes. Un peu comme on voit pour les vélos, les voitures. Tous ces procédés-là, il faut que tu aies fait les tests, les examens pour tous les procédés.

Aimy :

Pour prouver que je suis capable de faire celui-là, celui-là, celui-là.

Bruce :

C’est ça. Souvent, ça sert à rien que tu ailles chercher quelque chose qui n’est pas dans ton métier parce que ça peut être cher. Si tu coules, tu paies pareil. Il faut que tu repasses. C’est quatre positions, à plat, horizontale… Si tu veux tous les procédés…

Aimy :

Physiquement, là, tu me dis, à plat, à l’horizontale?

Bruce :

Oui. Ils vont nous donner une plaque. Il faut que tu soudes la plaque à plat. Ensuite, ils vont la mettre à l’horizontale.

Aimy :

OK. Ta plaque est à plat. Comment est-ce que moi je me positionne pour que la soudure fonctionne quand même, même si, mettons, la soudure est au-dessus de ma tête?

Bruce :

Exactement. Donc, moi, quand j’ai commencé dans la construction, ça faisait longtemps que je n’avais pas utilisé ce procédé-là et quand je suis allé passer mon examen, j’ai joué safe. J’ai juste pris les deux premières positions parce que je savais qu’au plafond, je n’allais sûrement pas l’avoir. C’est à peu près 160/200$ par position. Ma compagnie me le rembourse, mais si je le coule, elle ne me le rembourse pas. Tous les procédés, ça va te coûter au-dessus de 3000$ aux deux ans. Tu es mieux d’y aller au besoin. Le bassin, il y a des années que ça peut prendre deux ans avant qu’il ouvre. Ça peut prendre sept mois, huit mois, ça dépend vraiment de la demande de main d’œuvre.

Aimy :

Quand tu dis que le bassin ouvre, c’est à dire qu’on va piger dans les candidats pour embaucher de nouvelles personnes?

Bruce :

Oui, c’est ça. Tu mets ton nom. Moi, j’ai été chanceux. Le syndicat que j’ai fait affaire avec, avant même que je le choisisse, avant même que je sois dans la construction, ils m’ont mis dans le bassin. C’est moi qui est censé d’appeler ou de m’informer, mais le bassin peut ouvrir pendant six heures, puis fermer. Moi, le gars, mon délégué syndical, il m’a appelé la journée même et il m’a dit : Est-ce que tu as encore une compagnie qui te garantit 150 heures? Il faut que tu aies quelqu’un. Parce que je peux dire, oui, je veux être dans le bassin, mais il n’y a personne qui veut m’engager pour m’essayer, je vais perdre ma place. Donc, lui a fait en sorte que la compagnie me donne 150 heures, que je tombe dans le bassin. J’avais été un peu chanceux parce que j’avais mis mon nom dans le bassin, le bassin venait juste d’ouvrir et ça faisait deux ans qu’il n’avait pas ouvert.

Aimy :

Tu es bien tombé.

Bruce :

Tu prends la chance et finalement, sept mois plus tard, il avait ouvert encore. C’est pour ça que j’étais parti de la compagnie qui faisait du custom, pour prendre ma chance.

Aimy :

Pour tenter ta chance.

Bruce :

Oui.

Aimy :

Toute cette logistique-là, j’ai l’impression qu’il faut vraiment être dans le domaine pour savoir le bassin, le conseiller syndical, représentant syndical, tout ça. Ça, est-ce que c’est des choses dont on vous parle pendant la formation en soudure?

Bruce :

Plus ou moins. C’est assez bref. Eux, ils vont vraiment nous préparer pour les shops, on dirait, les usines. Aussi, avant tu avais le soudage-montage que ça s’appelle. Avant, tu avais un an et demi, soudage et un an et demi, montage. Là, ils ont compressé ça en un an et demi pour les deux. Donc, en un an et demi, tu n’as pas le temps d’essayer tout ce que je t’ai dit, tous les procédés, de vraiment te perfectionner. Tu vas comme savoir les bases de tout, au lieu de quelqu’un qui arrive dans une usine et qui n’a jamais touché au soudage de sa vie.

Aimy :

C’est comme en travaillant que les gens vont venir à améliorer leurs compétences.

Bruce :

Oui, c’est ça. Tu peux faire quinze ans dans la même usine. Tu vas changer de compagnie avec un nouveau procédé, ça ne veut pas dire que tu vas être bon même si ça fait quinze ans que tu es soudeur.

Aimy :

Tu vas avoir à réapprendre quelque chose de nouveau.

Bruce :

Bien oui.

Aimy :

Comment tu dirais à quelqu’un qui commence dans le domaine et qui est curieux quant à la construction et tout, comment tu dirais qu’il pourrait aller chercher toute cette information que tu es en train de nous décrire maintenant?

Bruce :

C’est sûr qu’il doit y avoir beaucoup de professeurs qui le savent. Il y a en a beaucoup qui ont eu leur propre compagnie, qui ont fait de tout. J’avais un professeur qui avait soudé des voiliers. Il avait été scaphandrier. Il a tout fait. C’est sûr que tu dois aller chercher ton information. J’imagine par internet aussi, mais souvent, les sites gouvernementaux sont un peu durs.

Aimy :

Donc, même si on ne me l’explique pas de façon explicite pendant mon cours, il y a quand même des ressources autour de moi. Va poser des questions, va chercher l’information.

Bruce :

Sinon, tu peux quand même juste appeler un syndicat. Même si tu n’es pas un employé de la construction.

Aimy :

Même si tu n’es pas membre.

Bruce :

Tu fais juste appeler un syndicat et lui, il peut répondre à toutes tes questions. C’est un peu leur travail, aussi, d’informer. Car, c’est quelque chose qui manque.

Aimy :

C’est comme des points d’information, des centres d’information.

Bruce :

Mais, faut le savoir.

Aimy :

Faut le savoir. Qu’est-ce que tu dirais que ça prend pour être un bon soudeur?

Bruce :

Pour être un bon soudeur, c’est sûr qu’il faut être très attentif. Si tu as des collègues qui te donnent des trucs, parce que c’est assez dur. Même moi, je te dirais qu’il y a beaucoup de choses que je dois apprendre. Si ça fait longtemps que tu n’en a pas fait, tu reprends vite. Mais, c’est des notions, c’est des tâches, chaque position, tu dois changer ta façon de te placer, chaque procédé aussi. C’est toi qui met ton voltage, ton ampérage, donc tu dois te rappeler l’épaisseur de ton matériel. C’est assez compliqué, donc si tu es quelqu’un qui doit prendre des notes ou quelqu’un qui a besoin de pratique, de le faire. Moi, il m’est arrivé, des fois, de pratiquer. C’est vraiment d’être attentif, d’être minutieux et il faut que tu aimes ça. Parce que si tu n’aimes pas ça…

Aimy :

Ça va être long. Donc, il faut que tu aimes ça, il faut que tu sois attentif, il faut que tu sois minutieux, mais j’entends aussi comme une espèce de, tu as besoin, quand même, d’organiser. Tu dis, si tu es quelqu’un qui a tout ça dans ta mémoire, tant mieux. Mais, si tu es quelqu’un qui prend des notes, aies tes notes. Si c’est toi qui place ton ampérage et ton voltage, il faut pouvoir placer ces données-là à quelque part. C’est ce que j’entends?

Bruce :

Oui. Quand j’étais à la compagnie de custom, on changeait beaucoup d’épaisseur de matériel, on changeait beaucoup alors on devait constamment jouer avec notre machine, puis on avait des plans faits vraiment par des dessinateurs. Ça te tient souvent à revoir tes notes et à revoir tes façons de faire. Par exemple, toute la construction, on soude souvent la même chose, donc ma machine, j’y touche quasiment jamais.

Aimy :

Tu fais ton setup une fois.

Bruce :

C’est ça, fait que ça ne t’aide pas à te rappeler. Par exemple, quand je vais retourner faire mes, je vais aller remettre à jour mes cartes, je dois encore, même si ça fait trois fois que je les fais, je dois m’informer quel ampérage je dois mettre. Moi, je suis quelqu’un qui oublie beaucoup. Je dois noter, je dois m’informer. J’ai toujours, pas une crainte, mais une petite inconfiance à quelque part.

Aimy :

Fait que, toujours s’assurer de faire la bonne affaire.

Bruce :

Oui.

Aimy :

Un souci du détail, un souci d’avoir l’information juste, d’avoir les bonnes données et il faut trouver ça le fun, tu me disais, il faut aimer ça.

Bruce :

Oui, il faut quand même aimer ça car c’est un métier où tu es tout le temps sale. Vendredi, il a plu toute la journée et je travaillais dehors. Tu peux être dans la bouette, tu respires de la boucane, tu es sale. Si tu n’aimes pas ça, c’est sûr que tu vas y aller de reculons. C’est un métier qui est quand même demandant.

Aimy :

Si on prend ton cas à toi, qu’est-ce que tu aimes le plus de ta job?

Bruce :

Ce que j’aime le plus, c’est que je suis toujours dehors. Ça, c’est cool. C’est sûr que s’il pleut… Si tu as une bonne équipe, c’est important aussi. On a une super belle équipe, vendredi, ça chantait, ça riait. On s’entraide tous et au lieu de se dire : je travaille dehors, il pleut, je suis tout mouillé, tu es avec d’autres personnes, tu n’es pas tout seul là-dedans.

Aimy :

Il y a une grosse camaraderie.

Bruce :

Oui, c’est ça. Souvent, c’est que tu vas aimer ton métier, mais c’est les gens avec qui tu travailles. Les gens qui ont plus d’autorité un peu, ils vont te faire faire la job qu’ils ne veulent pas faire. Moi, j’ai la chance d’avoir une bonne équipe. Il faut quand même trouver, il ne faut pas avoir peur aussi de changer, de s’informer ou d’aller ailleurs. Dans les métiers de la construction, là, il n’y a personne que je connaisse dans la construction que ça fait trente ans, vingt ans, quinze ans qu’ils ont été dans la même compagnie. Ça va changer beaucoup. Des fois, il y en a une où il va y avoir moins de job, moins de contrats. Ça se connaît tous.

Aimy :

Alors, ça se peut de bouger pour être plus confortable, bouger pour être avec une gang que tu aimes plus?

Bruce :

Oui, il ne faut pas avoir peur de faire ça. Puis, ce que j’aime, aussi, c’est que c’est valorisant. Quand le pont va être construit, je vais pouvoir dire : j’ai fait partie de ça. C’est valorisant et c’est un métier dont tu peux te servir toi-même. Tu peux faire des meubles, tu peux faire des trailers. Tu peux créer. C’est un peu artistique, pareil, si tu t’en sers pour toi.

Aimy :

Concrètement, tu pourrais faire des trucs pour toi-même, par toi-même.

Bruce :

Oui, on voit souvent des structures d’art toutes spéciales, mais c’est tout soudé, ça. J’ai fait un foyer chez nous, dans ma cour. Un foyer de six pieds. Ça m’a coûté 120$ à l’école et ça vaut à peu près 700$. Ça m’a pris vingt-trois heures, mais j’étais à l’école, j’étais tout seul. Aujourd’hui, ce serait plus facile, mais quand je mets des bûches, c’est moi qui l’a fait.

Aimy :

Il y a comme une fierté. Il y a quelque chose de valorisant dans le fait d’avoir créé quelque chose de concret.

Bruce :

Oui.

Aimy :

Qu’est-ce que tu aimes le moins, dans ta job?

Bruce :

Ce que j’aime le moins, c’est sûr que, oui, c’est physique. Très, très physique. Je ne suis pas vieux, mais je vois déjà pourquoi les travailleurs de la construction prennent leur retraite tôt. C’est très demandant et c’est tout le temps du métal. C’est tout le temps lourd. Quand il pleut, c’est glissant. C’est sûr que tu es tout le temps sale. J’ai acheté une nouvelle voiture et j’essaie de faire attention. Tu n’es pas toujours confortable, dépendamment de ce que tu dois souder. Tu ne peux pas toujours bouger l’objet, c’est toi qui doit tourner autour. Donc, ça se peut que tu sois couché dans la bouette, par terre. S’il pleut, tu peux avoir des petits chocs électriques parce que tes gants sont mouillés. Toutes ces petites choses-là, mais ce n’est pas assez pour me faire détester ça.

Aimy :

C’est des petits points que tu notes, mais tu continues ce que tu fais pareil.

Bruce :

Tu finis par, pas t’habituer, mais tu finis par le savoir. Les chocs, la pluie, quand tu es rendu là-dedans…

Aimy :

C’est du connu.

Bruce :

Oui, c’est ça.

Aimy :

Si tu avais une espèce de, si on essayais de projeter dans l’avenir, si on essayais de voir, à ton avis, dans les cinq, dix, quinze, vingt prochaines années, comment tu penses que ton métier va évoluer?

Bruce :

C’est sûr que, dépendamment comme je disais tantôt, du domaine de soudage, comme, par exemple, l’ornemental, de plus en plus c’est forgeron, de plus en plus, ça se perd. Mais, pour la construction, ou tout ce qui est automobile, tout ce qui est alimentaire, ça va durer longtemps. C’est le métal, la Tour Eiffel, elle est encore là et ça fait je ne sais pas comment… Oui, ça rouille, mais avec un bon entretien, ça dure des années et des années. Tous les buildings sont faits en métal, les voitures, les meubles, les ponts. C’est sûr qu’il ne manquera pas de job. C’est un métier qui va durer encore très longtemps. Ce que j’espère, c’est que les procédés de soudage continuent de s’améliorer. C’est sûr que les choses ne sont pas parfaites encore. On fait quand même fusionner des métaux ensemble.

Aimy :

À la base, on parle de soudure depuis le début, mais, simplement, c’est ça que tu fais. Tu fusionnes des métaux ensemble?

Bruce :

Oui.

Aimy :

C’est ça ton travail.

Bruce :

C’est ça.

Aimy :

Tu dis, on va continuer de le faire dans le futur, mais tu aimerais que les procédés s’améliorent avec la technologie?

Bruce :

On dirait que je dis ça pour que ça soit plus facile, ce n’est pas ça que je veux dire.

Aimy :

Mais, c’est à ça qu’elle sert un peu aussi, la technologie, non?

Bruce :

Oui, exactement. L’être humain, on fait tout en sorte qu’on se facilite la vie.

Aimy :

La règle de la paresse.

Bruce :

Exactement. Mais, non, c’est plus, aussi, pour les accidents. C’est impossible que la soudure que tu as faite, actuellement, craque. Ça dépend s’il fait très, très froid. Comme quand je travaillais au Nunavut, il fallait le préchauffer. Habituellement, ça va toujours craquer à côté parce que c’est plus fort. Les procédés de soudage qui s’améliorent. Peut-être aussi les façons de faire, tout ce qui est sécurité. On est jamais rendu trop sécuritaire. Des fois, on va chialer parce que ça nous encombre ou parce que ça nous ralentit. Mais, en même temps, quand tu commences à travailler dans le domaine, tout ce qui est construction, il y a des accidents. Mais, ça vaux-tu la peine? Il n’y a aucun salaire qui vaut la peine à ça. C’est sûr que j’espère toujours que ça s’améliore, mais c’est sûr que c’est un métier qui va encore être là très, très, très longtemps. J’en suis convaincu.

Aimy :

Dernière question dans cette grande série de questions, si tu rencontrais quelqu’un, demain matin, qui était intéressé par ton domaine? Quel conseil tu lui donnerait dès maintenant, pour pouvoir peut-être se rapprocher de ce souhait-là?

Bruce :

Je lui dirais beaucoup de s’informer avant parce que je dirais que, juste à l’école, à peu près la moitié, en général pratiquement la moitié de la classe avec qui tu vas commencer à la fin de ton un an et demi va être partie. Il y a beaucoup de gens qui arrivent là, justement qui ne sont pas assez informés, quand ils voient c’est quoi vraiment le métier. Il a fallu que je réapprenne Pythagore, cosinus, les mathématiques. Il y en a que, finalement, ils trouvent ça peut-être trop ou…

Aimy :

Trop mathématique?

Bruce :

Trop de trucs à retenir, à étudier. Quand on soude à l’intérieur, on a des manteaux de cuir, il fait chaud. Ce n’est peut-être pas ce que les gens pensaient. Donc, de beaucoup s’informer là-dessus et de prendre des bonnes ressources. Moi, quand je suis arrivé à l’école, ils nous montrent ça comme si c’était le meilleur métier, que tu vas faire de l’argent. Tout le monde à qui tu parles, je suis soudeur : tu dois faire de l’argent? Quand je suis sorti de l’école, je faisais quatorze piastres de l’heure dans une petite shop à 35 heures. Je ne faisais pas beaucoup. Il y a peut-être des gens qu’après la première année, deuxième année qu’ils sont sortis de l’école : bien là, ce n’est pas assez payant pour ce que je fais. Ils quittent. C’est un métier où il y a beaucoup de gens qui quittent parce que c’est demandant, c’est minutieux, c’est salissant. Donc, de vraiment s’informer le plus possible et d’essayer de trouver des gens qui font ce métier-là, que ce soit des amis, oncles, tantes. Je dis tantes, il y a des filles, aussi.

Aimy :

Il y en a? Tu en côtoies?

Bruce :

Oui, il y a beaucoup de filles. À l’école, il y en avait trois et dans la compagnie où j’étais, le custom, il y en avait, je pense, quatre, dont deux étaient dans les meilleures, très minutieuses. Les femmes, on le sait, très minutieuses. Elles, c’était, comme je disais tantôt, au stainless, avec la petite baguette. Donc, il ne faut pas que tu aies le shake, comme on dit. Il y en a une autre, super de belle fille et pourtant, quand elle avait son casque à souder. De plus en plus, il y en a. Sur la construction, moins. Je ne sais pas si c’est parce qu’il n’y en a peut-être juste pas dans le domaine, qui vont dans la construction. Il y en a de plus en plus et c’est bien parce que ce n’est pas juste un métier d’homme.

Aimy :

Il n’y a pas de métier d’homme et il n’y a pas de métier de femme.

Bruce :

Exactement.

Aimy :

Tu dirais, premier conseil, s’informer, s’informer, s’informer. Savoir dans quoi on s’embarque avant de s’engager là-dedans parce que ça implique des maths, parce que ça implique des détails, parce que c’est difficile physiquement, donc allez chercher cette information-là avant de vous lancer. Qu’est-ce que tu donnerais d’autre comme conseil?

Bruce :

Je donnerais aussi, moi je me suis un peu lancé là-dedans et je n’étais pas vraiment quelqu’un de manuel. Mon père est manuel, ma famille, tout ça. Je ne suis pas bon à l’école, je me suis dit ça va peut-être me rendre plus manuel, un et de deux, c’est sûr que tu fais de l’argent. Tu peux faire de l’argent dans ce métier-là sans avoir de grandes études. Je suis un peu allé à l’aveuglette. Par après, je faisais des métiers où je me disais : est-ce que je vais continuer à faire ça? Ça me tentes-tu? Donc, je changeais tout le temps. J’ai essayé ornemental, custom. C’est ça qui est bien aussi, c’est un métier où tu peux beaucoup changer et qui peut être très vaste. Après cinq ans, si tu ne veux plus faire ça, tu peux changer et aller dans l’automobile. C’est très vaste.

Aimy :

Tu n’es pas retourné à l’école, puis tu as un peu réinventé ta carrière pareil.

Bruce :

Exactement. C’est sûr que je dirais à la personne, si vraiment tu ne crois pas que tu es manuel et que tu n’as pas envie de forcer. Même moi, des fois, je me vois forcer et je ne pense pas que je vais faire ça toute ma vie. Mais en ce moment, j’aime ça et ça rapporte de l’argent pour si je veux voyager ou pour d’autre chose. Mais, c’est sûr que je ne me vois pas continuer au-delà de quarante ans couché das la bouette. Mais, si tu es quelqu’un de manuel et que tu as des contacts, aussi, que tu as quelqu’un qui veut t’engager déjà, comme moi j’ai eu, quelqu’un qui a une compagnie, quelqu’un qui a des projets et qui est déjà soudeur et qui veut t’avoir sous son aile, puis que tu penses aimer ça, oui, vas-y. C’est un an et demi, tu as ton cours, tu sais comment ça marche. Tu peux toujours t’en servir pour toi, plus tard. Tu n’as rien à perdre. Si on n’essaie pas…

Aimy :

Fait que de l’essayer.

Bruce :

Oui.

Aimy :

Bruce, ça été super intéressant, merci beaucoup.

Bruce :

Ça m’a fait plaisir. Merci à toi.

Aimy :

Merci à notre invité et merci à vous d’avoir écouté cet épisode des Portraits professionnels. Pour plus de détails sur cette profession, visitez notre site internet au www.saltoconseil.com.