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GÉNIE DE LA PRODUCTION / PILOTE DE DRONE

AVEC MARIE-ROSE BOULOS

Février 2021 | Musique et montage par Alex Andraos

Marie-Rose Boulos travaille en génie de la production et pour effectuer certaines de ses tâches, elle a obtenu la certification de pilote de drone. Dans cet épisode, elle nous décrit son quotidien aussi varié qu’innovateur, elle nous parle de l’importance primordiale du savoir-être dans un univers a priori scientifique et nous décrit sa vision de l’évolution de son domaine dans les années à venir.

GÉNIE DE LA PRODUCTION / PILOTE DE DRONE

AVEC MARIE-ROSE BOULOS

Aimy :

Bonjour et bienvenue aux Portraits professionnels, le balado où l’on tente de clarifier différentes professions du marché du travail. Marie-Rose Boulos travaille en génie de la production et pour effectuer certaines de ses tâches, elle a obtenu la certification de pilote de drone. Dans cet épisode, elle nous décrit son quotidien aussi varié qu’innovateur, elle nous parle de l’importance primordiale du savoir-être dans un univers a priori scientifique et nous décrit sa vision de l’évolution de son domaine dans les années à venir. Marie-Rose Boulos, bonjour.

Marie-Rose :

Bonjour.

Aimy :

Tu vas bien?

Marie-Rose :

Très bien. Toi?

Aimy :

Ça va bien, merci. Alors, on se rencontre aujourd’hui pour parler de ce que tu fais comme travail. Veux-tu nous dire quelle est ton occupation?

Marie-Rose :

Je travaille comme coordonnatrice de production pour CRH Canada.

Aimy :

OK. Fait que, coordonnatrice de production pour CRH Canada, c’est quoi CRH Canada?

Marie-Rose :

CRH Canada, c’est une entreprise qui est spécialisée dans les matériaux de construction. Pour ma part, moi je travaille dans la division Demix Agrégats. Donc, c’est eux qui s’occupent de fournir tous les agrégats, si tu veux, la pierre concassée, broyée, tout ça, qui va servir pour faire la fabrication de produits de béton ou de produits de fondation.

Aimy :

OK. Fait que, concrètement, tu travailles dans une carrière, c’est ça?

Marie-Rose :

Concrètement, oui. Mais, dans le fond, la plupart du temps, je ne suis pas physiquement dans une carrière, mais tout ce qui a rapport un peu à mon travail concerne la carrière.

Aimy :

OK. Fait que, à la base, tu es ingénieure?

Marie-Rose :

Ingénieure de formation, oui. J’ai fait un bac en génie chimique.

Aimy :

OK. Parfait. Je sais qu’à travers ton travail, tu utilises aussi un outil particulier. Veux-tu nous dire ce que tu fais, entre autres.

Marie-Rose :

Oui. Je trouve ça vraiment cool. Donc, c’est un drone. Donc, j’utilise un drone pour le cadre de mon travail. J’ai dû faire la certification de pilote de drone avancée pour pouvoir l’utiliser pour des usages commercial, entre autre pour la carrière. On s’en sert pour beaucoup d’applications, mais je te dirais qu’essentiellement, ce qu’on fait, on va s’en servir pour évaluer le volume de piles qu’on a pour vraiment essayer de contrôler nos inventaires, puis on va aussi faire le survol de la carrière pour voir un peu son évolution. Donc, comment on l’exploite et tout ça. Sinon, on a dû concevoir une rampe d’accès ou quelque chose comme ça pour les camions, bien on va pouvoir évaluer un peu plus les distances, les hauteurs et tout ça. Donc, c’est vraiment plus facile pour la gestion au day to day de la carrière, d’utiliser le drone.

Aimy :

Là, c’est vraiment un peu, c’est un peu spécial. Donc, de formation, tu es ingénieure, génie chimique, tu travailles dans une carrière, mais quand tu te présentes, là admettons, Noël s’en vient bientôt, tu te présentes : Bonjour, moi c’est Marie-Rose, je fais du génie de la production et je suis pilote de drone, les gens qu’est-ce qu’ils imaginent que tu fais de tes journées?

Marie-Rose :

Souvent, les gens, ils vont penser que je ne fais que du bureau. Souvent, même que souvent, justement, dans les partys et que je dis que je suis ingénieure, il y a des gens qui sont surpris parce qu’ils ont déjà une vision pré-faite de ce que c’est, un ingénieur.

Aimy :

C’est quoi, un ingénieur cliché?

Marie-Rose :

Bien, je dirais que le cliché, c’est quelqu’un qui est très sérieux, très analytique, quelqu’un qui se prend lui-même très au sérieux, alors que, dans mon emploi, c’est pas du tout ça parce que pour être ingénieur, en fait, pour avoir vraiment le poste que j’occupe, il faut être capable de sortir beaucoup de sa zone de confort. Donc, oui on fait du bureau, il y a des travaux qui sont plus analytiques, mais il y a beaucoup de travaux d’équipe et il faut être capable de travailler avec des gens qui n’ont pas du tout la même formation que nous et qui n’ont pas non plus les mêmes enjeux que nous. Donc, on doit travailler, par exemple, avec le département de droit ou d’environnement ou des gens de la production. Ça peut être directement avec des opérateurs ou avec des superviseurs d’usine. Ils ont tous des enjeux différents et il faut être capable de s’exprimer avec ces gens-là puis de travailler en équipe avec eux et de s’assurer qu’on a leur collaboration. Moi, dans le cadre de mon emploi, le volet amélioration continue, il est vraiment là. Mais, je n’ai pas d’employé à charge, donc je n’ai pas d’autorité sur aucun employé. Je suis perçue comme un cadre, mais je n’ai pas vraiment…

Aimy :

Tu n’es pas responsable d’eux directement.

Marie-Rose :

Exactement.

Aimy :

Fait que toute cette notion d’interdisciplinarité dont tu me parlais, elle est vraiment, elle fait partie prenante de ton quotidien. Fait que c’est, ok, je ne suis pas responsable de ces gens, mais il faut que je veille à communiquer avec toutes ces personnes pour mener à bien mon travail?

Marie-Rose :

Exactement. Donc, le côté interpersonnel est critique pour mon travail parce que, si on commence à faire du zèle ou si on n’est pas capables de travailler en équipe ou de s’assurer de la collaboration de certains employés, ça vient freiner directement mon travail. L’une des clés pour mon travail, c’est un peu d’être sympathique, d’être capable d’avoir vraiment de l’entregent, d’être capable de s’assurer d’avoir la collaboration de ces gens-là parce que mon travail en dépend. C’est vraiment une clé. Donc, quand je dis aux gens, je suis ingénieure de formation, souvent on va dire, bien non, tu n’as pas l’air d’avoir la personnalité pour ça. Mais, justement, pour le cadre de mon travail, j’ai en plein la personnalité pour ça parce que, oui il faut qu’on soit analytique, mais il faut qu’on ait un volet humain assez développé pour être capable de travailler en équipe avec tous ces gens-là, puis s’assurer de la collaboration de tous ces gens-là pour mener à terme certains projets.

Aimy :

OK. Fait que les gens vont peut-être avoir une vision un peu plus stiff de la réalité. Toi, tu dis qu’il faut être flexible, qu’il faut être capable de jaser avec les gens, qu’il faut être capable de les amener à vouloir collaborer avec nous, vouloir nous suivre dans nos projets, dans nos idées. Puis, en même temps, tu as quand même le côté funky qui est plus rare, d’être pilote de drone. Ça, quand tu nommes ça, les gens, ils pensent que tu fais quoi?

Marie-Rose :

Souvent, les gens vont penser que je vais avoir une manette et que je vais faire une manœuvre vraiment spectaculaire avec un drone et tout ça. Il y a souvent, aussi, la joke de tu es pilote, mais tu es pas vraiment pilote et mettons, s’il y a un problème dans l’avion…

Aimy :

… tu peux pas vraiment nous aider là.

Marie-Rose :

C’est ça. Il y a toujours ces jokes-là, mais mis à part ça, les gens s’imaginent qu’on va faire des manœuvres vraiment spectaculaires alors que ce n’est pas ça. Dans la vie de tous les jours, de pilote de drone pour des carrières, il faut surtout qu’on soit conscient des réglementations, de ce que je peux faire, de ce que je ne peux pas faire et le volet sécurité est vraiment important. C’est sûr qu’un drone ça reste que c’est la technologie et ça peut faillir. Il peut y avoir des échappées, le drone peut avoir une défaillance. C’est vraiment d’être capable de dire je suis tout le temps sur le qui-vive un peu, qu’est-ce qui se passe si jamais ça marche pas. Exemple, à un moment donné, j’avais fait un vol de drone, tout se passait bien, le ciel était clair. La carrière était vide cette journée-là parce que je suis allée un samedi. Tout se passait bien et j’ai décollé le drone, puis en même temps, je ne l’avais pas vu, mais il y a eu un gros amas d’oiseaux, je ne sais pas quelle sorte.

Aimy :

Une grosse volée d’oiseaux.

Marie-Rose :

Il devait y avoir au moins 400, quelque chose comme ça. Le ciel était recouvert mais, moi, je ne pouvais pas voler le drone pendant qu’il y a des oiseaux comme ça. Donc, il faut être capable de dire ok, c’est quoi mes procédures d’atterrissage d’urgence, qu’est-ce que je dois faire pour vraiment m’assurer que je ne vais pas blesser un oiseau, mais tu ne sais pas, aussi, comment l’animal va réagir avec ton drone. Il peut décider de l’attaquer ou quoi que ce soit, puis c’est quand même assez dispendieux aussi, ce genre d’instrument-là. C’est vraiment d’avoir le réflexe de dire, non je ne l’ai pas vu, mais il faut vraiment atterrir d’urgence. Si j’ai une échappée, bien il faut être capable de lire les cartes d’aviation et de dire, l’aérodrome le plus proche est là, est-ce qu’il y a un risque?

Aimy :

C’est quoi une échappée?

Marie-Rose :

Une échappée, c’est quand ton drone ne fait pas le circuit que tu lui as demandé de faire.

Aimy :

Tu le programmes à l’avance?

Marie-Rose :

Je le programme à l’avance, puis il va faire un certain circuit, un certain quadrillage. Mais, même avec les drones qu’on utilise avec des manettes et qu’on pilote vraiment nous-mêmes parce que j’ai la formation aussi pour le faire, ça peut arriver que le drone va partir en ligne droite et que tu perdes un peu les contrôles. Donc, lui il va y aller et il faut que tu saches comment évaluer ton drone, habituellement, sa vitesse maximale est de tant, donc avec le vent, il devrait se rendre à telle vitesse. Il est présentement à telle hauteur, donc, normalement, il devrait s’écraser à tel endroit. Donc, il faut être capable de calculer ça assez rapidement et d’être capable de déchiffrer une carte d’aviation assez rapidement pour savoir en cas d’urgence, il y a énormément de probabilités qu’il s’écrase à tel endroit et donc d’avertir les autorités si possible que ces gens-là s’éloignent. Ou sinon, de dire si je vole à tel endroit et que je ne suis pas loin de tel aérodrome, bien qu’est-ce qui peut arriver? Est-ce qu’il y a une probabilité qu’il percute un avion qui vole à basse altitude? C’est vraiment de s’assurer que je ne mets personne en danger. C’est aussi de s’assurer que je fais un vol, il peut y avoir des travailleurs qui vont être là. Donc, c’est de s’assurer que je ne mets pas ces travailleurs à risque, si jamais mon drone s’écrase parce que, veut veut pas, c’est des hélices qui tournent quand même assez rapidement puis il y a des gens qui peuvent être blessés quand même sérieusement. C’est vraiment la plus grande mentalité qu’on doit garder en tête qu’on ne veut pas blesser personne et qu’on veut s’assurer que le vol va bien se faire, donc dans les paramètres que j’ai besoin. Puis, c’est d’être capable aussi de contrôler ça dans l’horaire parce qu’un drone, on ne peut pas le voler n’importe quand. C’est d’être capable de regarder la météo et d’ajuster mon horaire avec tout ça.

Aimy :

Là tu me parlais du fait que c’est un travail qui te demande de travailler en équipe, c’est un travail qui te demande d’être créative, que c’est un travail qui te demande de ne pas nécessairement être assise à ton ordinateur à ton bureau, que c’est un travail qui te demande de piloter un drone fait que si tu me parlais, un peu compte tenu de tout ça, de ton quotidien? De quoi ça pourrait avoir l’air une journée typique?

Marie-Rose :

C’est ça qui est intéressant de mon emploi, c’est que des journées typiques, il n’y en a pas tant que ça. L’une des choses que j’apprécie le plus de mon travail, c’est que j’ai peu de journées qui se ressemblent vraiment. Chaque jour est différent, l’enjeu est différent, puis c’est normal parce qu’on travaille avec l’exploitation d’une carrière qui avance et évolue, et on doit évoluer notre travail en fonction de l’évolution de cette carrière-là.

Aimy :

Si je fais une top vulgarisation, pour quelqu’un qui n’aurait jamais vu une carrière, on parle d’un géant trou là? Quand tu dis qu’il y a une évolution de la carrière, c’est qu’à chaque jour on a continué de l’exploiter, on a continué de creuser puis la géométrie de tout ça est en train de varier. C’est un peu ça que tu me dis?

Marie-Rose :

Heu, non, pas juste ça parce que c’est vraiment très délicat. Souvent, on va dire bien oui, c’est vraiment simple ce que tu fais, on prend de la garnotte, on l’écrase, ça donne de la garnotte écrasée et tout le monde est content. Mais, c’est vraiment beaucoup plus complexe que ça. Premièrement, parce qu’il n’y a jamais aucune usine, si on s’arrête juste à l’usine, qui est parfaite, qui est très très bien conçue, que tous les équipements sont neufs. C’est vraiment, toutes les usines sont toujours un peu raboutées. C’est vraiment, il y a des équipements qui sont neufs, qui sont très performants. D’autres, qui sont plus vieillissants. Il faut être capable de contrôler tout ça puis de voir, ma performance d’usine ressemble à quoi et qu’est-ce qui est un peu le bottle neck, le goulot d’étranglement de mon usine. Donc, tout le contrôle de la performance de l’usine qui est dans le fameux trou, il faut être capable de la contrôler, de la comprendre et d’ajuster les équipements en fonction de la production optimale qu’on veut faire.

Aimy :

C’est comme si tu me dis qu’il faut être capable de veiller à l’adéquation entre ce qu’on extrait et ce qu’on est capable de traiter?

Marie-Rose :

Exactement. Il y a ça, mais c’est aussi le fait que c’est une trou, mais c’est un trou à ciel ouvert. Donc, ça aussi, c’est un facteur de sécurité, puis c’est un facteur aussi qu’il faut prendre quand on fait de la production, qu’on n’a pas ailleurs. Contrairement à une usine qui est à l’intérieur de quatre murs, bien nous c’est à ciel ouvert. On est à la merci des intempéries. Une journée qu’il va pleuvoir, ou il va neiger, ou il va faire très très sec ou très très chaud, nos équipements ne vont pas réagir pareil. Puis c’est la même chose aussi avec la qualité de la mine. Des agrégats qui sont très très humides, qui sont imbibés d’eau, ne vont pas réagir pareil dans un cycle de tamisage que si le matériel était sec. Là, il y a plus, il peut arriver, mettons que les instruments vont être plus sales, qu’il va y avoir plus de colmatage, à ce moment-là c’est des arrêts qu’on doit contrôler. Juste ça, c’est un défi qui est important. Le fait, aussi, de devoir gérer l’eau parce que, oui, on est un trou, mais qu’est-ce que l’eau fait, elle va aller chercher le point le plus bas. Donc, tout le système de pompage, il faut s’assurer qu’on a un pompage efficace, que la carrière ne sera pas inondée parce qu’on est tout le temps un peu en-dessous du niveau de la terre. Il y a tout le volet de l’instrumentation, il y a tout le volet de l’environnement là, où il faut s’assurer que l’eau qu’on rejette elle correspond aux normes qu’on a besoin d’atteindre. C’est de s’assurer de tout ça en plus de s’assurer de l’évolution parce que la roche qu’il y a dans la carrière va changer aussi. C’est pas juste un palier de roche qui est pareil. La géologie qui est changeante parce que notre matière première, elle vient directement de la nature donc on n’a pas vraiment un pallier qui est tout à fait droit, qui est tout à fait beau. Il faut être capable de suivre tout ça et de composer avec l’agrégat qui doit changer. Mettons, on a des paliers de roches qui ont des caractéristiques qui sont plus intéressantes, qui vont être à plus grande valeur ajoutée, mais ces caractéristiques-là vont être changeantes si je varie mettons le pourcentage de ce que j’ai comme type de pierre, mon type de pierre va changer mais ma demande va peut-être rester la même. Donc, comment je vais faire pour composer avec ça? Il faut être capable de travailler avec les gens de la production, les gens de la qualité, les gens de l’environnement, le département juridique. Il faut travailler avec tous ces gens-là.

Aimy :

C’est comme si, faire du génie de la production comme tu le fais, c’est d’être capable de jongler avec toutes ces variables-là en même temps.

Marie-Rose :

Exactement.

Aimy :

Tu me dis, donc, les journées typiques, il y en a très peu parce qu’il y a tellement de variables qu’à tous les jours, c’est un dossier différent qui peut aboutir sur ton bureau. C’est ça que je comprends?

Marie-Rose :

Exactement.

Aimy :

Donc, si on essayait plutôt que de regarder une journée typique de quoi ça aurait l’air, son on essayait de voir, plutôt, c’est quoi les divers dossiers? Tu m’as dit les trucs comme la sécurité, tu m’as dit des trucs comme la production pure et dure, à quelle vitesse on est capables faire telle affaire. Tu m’as dit des trucs comme tenir compte vraiment de la météo puis de son impact, de l’accumulation d’eau. Si on essayait de faire comme des grands chapeaux, des grands regroupements de tâches que tu pourrais avoir, ça ressemblerait à quoi?

Marie-Rose :

Bien un grand regroupement de tâches que j’ai, ça serait le plan stratégique. Nous, on a un certain carnet de commandes à respecter et il faut être capables de répondre à ça.

Aimy :

Ça, ça veut dire que vous avez des clients qui vous disent, ok, j’aimerais, là je dis n’importe quoi là, mais j’aimerais tant de tonnes de ce minerai, mettons.

Marie-Rose :

Hum, hum. Oui, exactement, ils vont dire : « Je veux tant de tonnes de tel produit ». Mais là, nous on doit s’organiser pour être capables de le produire au courant de l’année, mais on a une liste de produits qui est très différente et en même temps, on produit pas nécessairement le ratio qu’on veut. Nous, on fabrique pas des toasters là. Moi, quand je produis un produit, si on me dit : « Je veux un produit entre cinq et dix millimètres », nécessairement, je vais devoir produire un produit qui va être entre zéro et cinq parce que ça va de soi, si tu veux que j’élimine certaines granulométries, bien je vais les retrouver ailleurs. Donc, ça serait d’essayer de voir c’est quoi le meilleur set up d’usine. C’est quoi la meilleure combinaison de planification de la production qu’on peut faire pour être sûrs de satisfaire la majorité de nos clients. Mais, en même temps, d’être capable aussi à respecter ma capacité d’usine. Ça, c’est un volet qui est assez important et ça a été un projet sur lequel j’avais travaillé. Un exemple concret, c’est que avant, mon gestionnaire, lui il pouvait s’asseoir pendant deux jours puis regarder sur son ordinateur qu’elles sont les possibilités possibles pour que je réponde à la majorité des demandes. Mais, il n’y en n’a pas de scénario parfait. Donc, il va un peu avec son expérience, son feeling, essai-erreur, mais ça peut être très très long. Moi, ce que j’ai conçu, j’ai conçu un fichier Excel assez simple, mais avec beaucoup d’équations, beaucoup d’inconnues. On parle de 1500 équations avec 500 inconnues, alors on s’entende que c’est un ordinateur qui fait ça. Puis, moi, ce que j’ai fait, c’est que j’ai vraiment mis de façon numérique les équations qu’il faut faire, les liens, les équations qu’il faut suivre, les set up d’usine qu’il faut avoir, les ratios qu’on sortirait, puis avec les demandes qu’on a des ventes, ça serait quoi le meilleur scénario. Puis d’être capables de simuler plusieurs scénarios en même temps, on arrive à un résultat en 30 secondes au lieu de deux jours de travail par un gestionnaire. C’est vraiment une belle amélioration. Oui, c’est de l’amélioration continue, mais c’est aussi de s’assurer qu’on va remplir les demandes du plan stratégique.

Aimy :

Ce volet-là, plan stratégique, si j’essaie de tout vulgariser tout ça là, on a client A, B, C, D, E, F, G qui veulent chacun un truc différent, un produit différent, une quantité différente, une particularité du produit différente. Puis là, comme tu me dis, on ne fabrique pas des toasters, on creuse et ça nous donne des trucs, mais on n’est pas toujours exactement certains d’à quel rythme on va pouvoir produire ce qu’on nous demande, dans ce qu’on extrait puis dans ce qu’on peut ensuite traiter dans l’usine, hein? Ce que tu m’expliques, avec le fichier Excel magique que tu as créé, c’est qu’on est en mesure d’établir différents scénarios quant à si je fais ça, il arriverait ça et si je fais ça, il arriverait ça compte tenu de toutes ces variables dont on a parlé plus tôt.

Marie-Rose :

Exactement, de la géologie qui serait changeante, de la variabilité aussi de la demande qu’on a parce qu’on n’a pas toutes les tonnes à sortir en même temps et ce n’est pas non plus égal durant l’année. Donc, il faut être capables de se dire, OK ce produit-là, je vais devoir en faire un peu plus à chaque semaine parce que finalement, je vais avoir, je ne sais pas, je dis n’importe quoi, 500 000 tonnes qui va sortir, mais juste ce mois-ci. Il faut être capable de s’y prendre à l’avance parce qu’avec ma capacité d’usine, je ne serais peut-être pas capable de me mettre là-dessus deux semaines avant. Donc, c’est d’avoir une certaine vision à long terme, compte tenu de la géologie qui est changeante, compte tenu de la météo, compte tenu aussi de nos statistiques de production. Donc, juste ça, c’est un volet à part.

Aimy :

Donc, toute l’idée du plan stratégique, c’est vraiment comme un géant casse-tête.

Marie-Rose :

C’est un géant casse-tête, en effet.

Aimy :

Fait que c’est vraiment ça compte tenu de ça compte tenu de ça, compte tenu de ça combien je pense que je pourrais ou combien est-ce que je pense pouvoir?

Marie-Rose :

Exactement et c’est quelque chose qui est très vivant parce que c’est de la projection qu’on fait là. Donc, on dit qu’on va avoir des contrats normalement de tant de nombre de tonnes, mais ça peut changer au courant du temps. Mais, ça peut changer au courant su temps et il faut être capable de s’adapter assez rapidement et de changer son fusil d’épaule. Donc, si on est le genre de personne qui aime des plans très établis et qu’on déroge jamais, cet emploi-là n’est pas fait pour nous, c’est définitif parce qu’on est tout le temps en constant changement. Donc, oui, il y a ce volet-là qui est très important. Il y a le volet de la production pure et dure encore une fois, de l’optimisation de certains équipements, de comprendre le pourquoi du comment. Des fois, on va collaborer dans certaines réunions, aussi, quand ils doivent faire la sélection de nouveaux équipements, d’être capable de définir moi pour être performant, il me faut une capacité de tant. Il faut que je sois capable de faire tel produit, telle chose, c’est d’être capable de vulgariser tout ça puis de l’amener.

Aimy :

C’est comme si tu revêts un peu un chapeau, tu as un rôle-conseil important hein? Oui, la planification stratégique, mais aussi dans l’acquisition d’équipement. Comme je sais que d’habitude on a besoin de créer telle affaire, on a besoin de produire telle affaire, je sais que telle machine serait meilleure que telle autre machine parce qu’elle peut faire telle affaire. On est un peu là?

Marie-Rose:

Un peu oui. On est dans le conseil de ce qu’on pourrait donner. J’ai aussi un gros volet qui est la gestion des délais et ça aussi, ça c’est la petite touche Marie-Rose là dans mon travail, c’est que j’essaie le plus possible de vulgariser et de faire des fichiers qui sont rapides, qui sont vraiment plus faciles à utiliser pour la plupart des gens. Il y a eu le fichier du plan stratégique, mais il y a aussi un fichier que j’ai fait qui est plus sur le traitement des délais. Avant, puis c’est pas surprenant, tu sais on est souvent surpris parce qu’on se dit en 2019, tout le monde travaille à la fine pointe de la technologie et c’est rarement le cas et ce n’est pas une question de budget. C’est juste que des fois, on ne s’est pas attardé à ce détail-là qui est finalement, quand on commence dans une entreprise, on se rend compte que c’est vraiment quelque chose qui est un irritant et qu’il faut l’adresser. Puis, dans mon cas, mettons, c’était la gestion des délais. Donc, comme j’ai expliqué, l’usine elle est à ciel ouvert. Oui, on est à la merci des intempéries, mais ce n’est pas un équipement qui va réagir pareil. Ça peut rouiller, ça peut avoir des problèmes dûs à la neige, à l’eau, peu importe et aussi, l’usine elle va toujours être vieillissante. On va tout le temps amener des éléments nouveaux, mais il faut être capable de comprendre, oui mon usine elle a arrêté tant de fois dans le mois, pourquoi? Et d’être capable de l’expliquer puis de comprendre oui je sors des statistiques, mais il faut être capable de comprendre la statistique elle veut dire quoi et des fois, ça nous permet d’avoir des gains énormes. Dans le sens, on va se dire, j’ai eu tel équipement qui a arrêté tant de nombre de fois puis est-ce que c’est une coïncidence? Non. Puis, finalement, on va chercher plus loin puis on se dit wow, si je change tel aspect de ma production, je vais gagner admettons 15% de production de plus.

Aimy :

Fait que la gestion des délais, c’est de se dire : OK, je vais trouver où est-ce que le bât blesse habituellement et si je trouve une solution à ça, je vais régler tant de fois le problème?

Marie-Rose :

Exactement, mais ça ça a été aussi quelque chose qui est difficile parce qu’avant, on regardait les délais un à un et on ne faisait pas nécessairement de lien entre ces délais-là. Puis moi, ce que j’ai fait, ça a été d’amener vraiment quelque chose de plus user friendly, quelque chose qui parle avec des graphiques et tout ça, qui est vraiment très interactif. Encore là, quand on nous demandait d’expliquer des délais en fin d’année, souvent mes collègues ingénieurs eux, ce qu’ils faisaient, c’est qu’ils passaient mettons deux, trois jours, des fois une semaine à essayer de comprendre vraiment qu’est-ce qui a causé tant de délais durant l’année puis finalement, quand j’ai travaillé sur un fichier qui était plus user friendly et qui était très interactif, on a sauvé énormément de temps. Premièrement, ce scénario-là au lieu de le faire une fois l’année à la fin de l’année, on est capables le faire une fois par semaine. Puis, ce scénario-là est tellement interactif qu’on a les réponses presque instantanément.

Aimy :

Est-ce que vous ajustez le tir presque instantanément?

Marie-Rose :

Oui, on prend des actions presque instantanément à chaque fois parce qu’on est capables de comprendre au jour le jour et on voit aussi, ça c’est vraiment la beauté du fichier que j’ai monté, on voit vraiment l’impact. Donc, si je sais qu’à tel mois j’ai commencé à définir un peu les tâches des opérateurs un peu différemment, bien comment est-ce que ma performance d’usine a agi et je le vois directement en graphique, fait qu’on est capables de dire que ce qu’on a fait a vraiment porté fruit oui ou non puis de se l’expliquer. Donc, il y a vraiment un travail de vulgarisatrice que j’ai qui est vraiment de comprendre qu’est-ce qui s’est passé et d’essayer de l’expliquer en des termes plus simples pour être capables ensuite que les gens de la production, que les gestionnaires puissent prendre les meilleures décisions et que ce soit vraiment des décisions éclairées et pas juste au feeling. C’est ça le problème. Des fois, on va avoir un équipement qui va planter quatre fois dans le dernier mois et on va dire : C’est vraiment, vraiment problématique. Mais, quand on le regarde sur toute l’année, finalement c’était pas problématique du tout. Quand on compare un équipement qui plante, je ne sais pas, je dis n’importe quoi, cinq minutes mais un peu à tous les jours, puis finalement quand on regarde sur toute l’année qu’est-ce qui nous a vraiment coûté plus cher en production, c’est peut-être pas l’équipement qui a planté quatre fois durant le dernier mois. Ce qu’on réalise quand on regarde les statistiques dans son ensemble, on est vraiment capables de prendre des meilleures décisions.

Aimy :

C’est d’être capable de regarder le micro pour le rendre macro puis de tirer des conclusions plus globales.

Marie-Rose :

Oui, c’est ça. C’est vraiment une partie de mon travail aussi.

Aimy :

Fait que, là on a vu le volet planification stratégique, on a vu le volet gestion des délais, est-ce que tu dirais qu’il y a d’autres grands volets qui peuvent se retrouver dans ton bureau?

Marie-Rose :

Oui, en fait, tout peut se retrouver dans mon bureau dans le sens que je suis considérée un peu comme une certaine pierre angulaire. Si on a un problème qui est en lien avec, je ne sais pas, un problème qui est en lien avec la gestion de certains employés, mettons les retards, les si les ça. Non, ce n’est pas moi qui vas devoir les adresser mais si on dit je veux vraiment sortir des statistiques sur cette…

Aimy :

Fait que, quand Joe arrive en retard de 15 minutes tous les matins, ça implique que la production baisse de X?

Marie-Rose :

Exactement, je pourrais être amenée à apporter des analyses comme ça. Des fois, aussi, c’est d’amener des analyses qui sont plus à long terme. Exemple, on va demander un plan d’exploitation qui va être sur du long terme pour vraiment vulgariser, mais sur du macro comment que la carrière va tendre à évoluer durant les dix prochaines années parce que c’est sûr que c’est des gros coûts, c’est l’industrie lourde, alors il faut vraiment le prévoir d’avance. Moi, présentement, ce que je travaille, je travaille déjà pour des plans de 2020, 2021, 2023. Donc, souvent, ce qui arrive, c’est que je travaille un peu comme deux ans d’avance. Je me sens un peu spéciale parce que je suis souvent au courant de ce qui va arriver avant tout le monde

Aimy :

Parce que tu l’as planifié toi-même (rire)?

Marie-Rose :

Exactement (rire).

Aimy :

Fait qu’on voit que tu as vraiment un paquet de facettes à ton travail et ça explique un peu ce que tu me disais, la journée typique elle existe plus ou moins parce que tu traites tellement de dossiers qu’il y a une grande variabilité qui va passer entre tes mains dans une semaine de travail, par exemple. Pour quelles raisons est-ce que tu travailles dans ce domaine-là? Qu’est-ce qui t’a amenée là?

Marie-Rose :

En fait, le côté un peu versatile qui est vraiment important parce que, oui, des fois il peut y avoir des journées très très calmes où est-ce que je vais faire que du bureau puis je vais vraiment être dans mon ordinateur, les plans stratégiques, les délais, that’s it. Mais, je peux avoir aussi des journées où je vais être dehors justement pour faire des vols de drones ou je vais regarder l’évolution de l’usine mais je vais devoir aller sur le terrain puis voir OK comment l’équipement réagit vraiment, pourquoi? Quelle est l’incidence qu’il y a entre toutes les rotations qu’il y a un peu entre les employés puis tout ça. Des fois, aussi, ce que je peux avoir à faire, c’est un peu la gestion du découvert qui est un projet en soi. Le découvert, c’est vraiment un peu le projet d’excavation qu’on a où on doit enlever toute la terre qu’il y a au-dessus du roc pour pouvoir le libérer puis dynamiter ce roc-là. Mais, là-dessus on n’en parle plus ou moins parce qu’on dit : « Bien oui, c’est évident. On fait juste enlever du sol, puis le mettre ailleurs ». Mais c’est toute la gestion qui est autour de ça. Celui-là, je le mets où et comment je vais gérer mon eau qui est là? Comment on va gérer nos employés? Comment on va s’assurer qu’on va au rythme auquel on enlève ce sol-là, qu’on va arriver à temps pour la production? Donc, c’est toute cette gestion-là. Une des choses que j’apprécie le plus, c’est que, oui, c’est pas répétitif, mais que je peux être dehors souvent. Des fois, je vais avoir des journées que je vais être en réunion, je vais faire du bureau, je vais être dehors, mais il y a aussi beaucoup le facteur autonomie parce que, oui, le travail doit se faire, mais il n’y a personne qui va me dire aujourd’hui tu dois faire ça. Donc, c’est moi qui le sait, c’est moi qui va gérer ça et qui va s’assurer que c’est fait.

Aimy :

Tu es comme redevable quant aux tâches. On s’attend à ce que tu fasses x, y, z. Tu as à le faire, mais c’est toi qui organise ton temps puis qui organise le comment tu vas le faire?

Marie-Rose :

Exactement. Puis, il faut être capable de changer un peu de plan. Mettons, les ventes ont changé de contrat, bien il faut refaire le plan stratégique en tenant compte de telle, telle, telle variabilité. Finalement, cet équipement-là, on va devoir le rouler à bas régime parce qu’il y a tel bris et qu’on ne pourra pas le réparer avant tel nombre de temps. Mais, comment je vais réajuster ma production? Toute la gestion du découvert, toute la gestion aussi de l’inventaire qu’on doit faire avec le drone, l’évolution de ça. Puis, j’ai toujours aussi des petits projets connexes. Ça peut être des projets pour améliorer la rentabilité. Des fois, j’ai des projets qui sont plus simples, mais qu’on doit quand même adresser. Par exemple, j’ai déjà eu un projet qui est tombé sur mon bureau et on a décidé de louer un équipement qui était à première vue plus performant et en effet, il était plus performant. Il fallait que j’analyse un peu le dossier pour savoir est-ce qu’on devrait continuer de louer cet équipement-là. Avec les statistiques que j’ai été capable de ressortir, les coûts et tout ça, j’étais capable de recommander si, oui ou non, c’était une bonne affaire de le garder ou pas. Ce que j’apprécie, c’est que je peux être autant comme en dehors, comme en dedans, je peux passer des journées à mon bureau ou à l’extérieur, je peux avoir des formations aussi, des colloques. On a des activités de team building, on a toutes sortes de choses qu’on fait et ce n’est jamais répétitif, ça ne se ressemble pas. J’ai l’impression aussi que ma voix est entendue, dans le sens que, oui je suis conseillère, mais je vais conseiller des choses et on va souvent essayer d’aller vers ça.

Aimy :

Tu parles pas dans le vide là.

Marie-Rose :

Non, j’ai pas l’impression de ça parce que, veut, veut pas, on va se fier aux analyses que je fais et aux conseils que je donne. Est-ce que le conseil est toujours suivi, pas toujours, mais je pense que c’est de même dans toutes les entreprises aussi.

Aimy :

Ça a été quoi ton cheminement scolaire pour te mener où tu es aujourd’hui?

Marie-Rose :

Moi, j’ai fait un cégep en sciences de la nature et ensuite, j’ai décidé d’aller faire un bac en génie chimique, puis ça m’a menée à ce poste-là. C’est sûr qu’il y a plusieurs volets. Avoir une formation d’ingénieur chimiste, est-ce que c’est vraiment obligatoire pour le type de poste que je fais, peut-être pas. Mais, c’est sûr que ça amène une couleur différente. J’ai des collègues qui ont une formation en génie mécanique ou qui ont une formation en génie minier, ou il y a déjà quelqu’un qui a aussi occupé mon poste qui était géologue de formation. Donc, tous ces gens-là on des spécifications, si tu veux, qui leur permettent de performer dans ce poste-là puis on amène tous notre couleur un peu différente.

Aimy :

Est-ce que c’est possible que, parce que c’est tellement multi-facettes, plusieurs types de professionnels pourraient y travailler puis y trouver leur compte?

Marie-Rose :

Exactement. C’est sûr qu’un profil scientifique, ça serait vraiment le best là, mais on est capable de s’adapter. Je pense que c’est vraiment les qualités humaines, puis le fait justement de vouloir, pas juste de pouvoir, mais de vouloir travailler sur plusieurs dossiers qui sont complètement différents, puis d’être capable de performer là-dedans. Parce que justement, c’est quelque chose qui est très changeant, donc il faut être capable de travailler dans quelque chose qui va changer un peu à tous les jours et qui va être vraiment multi-volets.

Aimy :

Dans les qualités à avoir pour occuper ce poste-là, j’entends la versatilité, la flexibilité, être curieux, être intéressé par ces différentes thématiques-là, bien s’entendre avec les gens, être capable de travailler en équipe. Je vois plusieurs belles qualités. Tu as dit un background scientifique, ça serait le best, mais j’ai envie d’être un peu sceptique et de dire : ce n’est pas écessaire? Tu me parles que tu es comme une artiste Excel, moi je ne serais pas capable de faire ça. On parle de grandes mathématiques, donc quand tu dis ça serait le best, ça fait quand même partie prenante, non?

Marie-Rose :

Oui, ça fait quand même partie prenante. J’ai tendance à sous-estimer la difficulté de ce que je fais là, mais c’est juste pour dire que, moi j’ai voulu aller vers ça, mais c’était de moi-même. Ce projet-là de faire des petits fichiers un peu plus magiques là, c’est vraiment, ça m’appartient à moi parce que j’ai voulu aller faire ça. C’est une chose que j’apprécie le plus de mon emploi, c’est que des fois je peux arriver avec un projet puis dire : ça là, je pense que si je travaille là-dessus, ça pourrait être vraiment simple et ça pourrait vous faire sauver des coûts ou peu importe et si j’arrive à vendre le moindrement ma salade, ils vont me dire : « Go, vas-y ». Donc, il y a un côté où je peux m’autogérer là-dedans. Mais j’ai un collègue qui était en génie minier qui lui était plus capable d’évaluer un peu plus les faces de roc et de dire s’il y a des faces de roc qui seraient plus à risque ou pas pour des travailleurs. Mais, ça j’aurais jamais été capable de faire ça.

Aimy :

Comme s’il y avait un risque d’effondrement, par exemple. C’est ça que tu me dis?

Marie-Rose :

Pas nécessairement d’effondrement, mais des fois il peut y avoir des pierres qui peuvent rester un peu sur le dessus puis qui tiennent à plus ou moins quelque chose. Donc, des fois avec le vent ou avec le temps, c’est une question de temps que la roche va tomber.

Aimy :

Fait qu’il pourrait y avoir un danger pour les gens qui travaillent sur le terrain.

Marie-Rose :

Exactement, mais lui il est capable d’évaluer ça et de dire compte tenu de ça, on est mieux de la faire tomber tout de suite pour qu’il n’y ait personne à risque.

Aimy :

Hum, hum, fait qu’on revient à cette idée de complémentarité de vos expertises.

Marie-Rose :

Exactement. Donc, moi je vais l’aider un peu plus avec tout ce qui est fichier Excel, tout ce qui est un peu plus compréhension des choses qui sont un peu plus analytiques et tout ça, les calculs, mais lui il va vraiment plus avoir l’expertise du terrain.

Aimy :

Fait que, compte tenu de tous ces dossiers-là à mener de front en même temps, compte tenu de la technologie qui avance, de l’outillage qui avance aussi, qui évolue, comment est-ce que tu penses que ton domaine va évoluer dans les cinq, dix, quinze, vingt prochaines années?

Marie-Rose :

Je pense que mon domaine va évoluer de plus en plus parce que la demande est un peu comme explosive là. La construction, il y en a de plus en plus, on en voit partout. C’est juste quelque chose qui est tellement, tellement en demande et il y a énormément de choses qui s’en viennent parce que, oui, il y a tout le volet agrégats, bien tu as tout ce qui vient avec aussi. La gestion de l’eau, es normes se resserrent de plus en plus, les normes environnementales sur la gestion du sol, aussi. Donc, je m’attends à ce que dans les dix prochaines années, on ait des normes plus sévères pour les choses qu’on va devoir adresser et qu’on va devoir composer avec. Il va aussi y avoir un peu le côté d’industrialisation qui va être un peu plus fort, où il va falloir augmenter la performance des usines. Quand on compare un peu les usines dans les années 60 comment elles fonctionnaient versus maintenant, c’est plus la même chose là. Maintenant, on est rendu à regarder la pression du pneu du camion si elle est optimale pour le type de run qu’il doit faire, vraiment s’assurer que tout est dans un esprit d’amélioration.

Aimy :

D’optimisation.

Marie-Rose :

Oui, d’optimisation, puis je pense qu’on était un peu là. Le problème un peu avec l’industrie de l’agrégat. C’est une industrie qui est un peu plus archaïque. Contrairement à d’autres domaines, on pense souvent qu’on est à la fine pointe de la technologie, mais en agrégat ce n’est pas le cas parce que c’est quelque chose qui a toujours un peu fonctionné comme ça et qui fonctionnait bien. Mais là, on se rend compte que pour être capable de produire toujours plus, puis on nous demande tout le temps de produire plus avec moins puis ça c’est dans tous les domaines confondus, il faut toujours essayer de s’améliorer. Donc, moi je perçois ça vraiment comme on va devoir essayer de peaufiner notre façon de produire, notre planification, pour vraiment aller chercher le maximum de ce qu’on peut aller chercher avec la carrière. Si je compare mettons, il y a 20 ans, il y a 30 ans, les gens se cassaient un peu moins la tête avec ok, bien j’ai ce type de pierre-là, quel est vraiment le meilleur type d’exploitation que je peux avoir, pour valoriser au maximum cette pierre-là. Il y a beaucoup de cas où on disait, dans le temps, on prenait la pierre puis on la cassait…

Aimy :

Puis ça va donner ça.

Marie-Rose :

Ça va donner ça, puis c’est ça qui est ça. Puis c’est pas grave. Puis si je suis pas sûr, je vais prendre la meilleure pierre que j’ai et c’est pas grave si je la vend pour un produit qui est sous-évalué, si tu veux.

Aimy :

Fait que, dans un souci d’optimisation, on arrive à un espèce de matching le plus proche possible entre la production et la demande.

Marie-Rose :

Exactement. Je pense que l’agrégat est rendu là, à devoir, si tu veux, s’optimiser, d’être un peu plus dans le fine tuning et d’entrer un peu plus dans le marché, on dit 4.0 là, d’essayer de rendre les choses plus numériques. Moi, quand je rentre travailler et que je me pose une question sur un équipement, des fois l’information n’est pas là. Ça, c’est comme l’un des plus gros défis, c’est qu’on n’a pas nécessairement l’information. Pourquoi? Parce que, des fois, l’équipement est tellement vieux.

Aimy :

Ça a pas été répertorié.

Marie-Rose :

Ça a pas été répertorié, des fois on va appeler les fournisseurs et des fois, ils n’ont pas eux-mêmes l’information parce que l’équipement est tellement, tellement vieux. Sinon, je vais retrouver peut-être un cartable rempli de poussière et on essaie de voir. Mais, c’est des documentations peut-être des années 60. Donc là, on embarque un peu plus dans la vague de on va numériser tout ça, on va faire un peu des automates pour essayer de contrôler et de suivre en temps réel notre production. On va être rendus là et c’est sûr que, quand je parle de ça, les gens disent que c’est archaïque, mais l’agrégat a toujours été un peu comme ça, un peu un pas de retard.

Aimy :

C’est ça, comme l’industrie a peut-être commencé en retard, tu as l’impression que dans les années à venir, ils vont peut-être rattraper les autres qui sont en train d’aller, bon intelligence artificielle, d’aller encore plus loin plus vite. Ils emboîteraient le pas là.

Marie-Rose :

Exactement, puis on voit déjà les différences là. Quand je parle, mettons, moi j’utilise un drone pour évaluer un peu plus les piles. Avant, on faisait venir un arpenteur à chaque fois. Maintenant, il va venir contre valider qu’est-ce que je fais de temps en temps pour vraiment s’assurer que le compte est officiel. Mais, avant, on devait prendre des perches d’arpentage puis y aller et ça pouvait prendre plusieurs jours. Tandis que maintenant, un vol de carrière qui est assez grande, sur plusieurs kilomètres, ça peut me prendre deux heures. Comparativement à avant où c’était une semaine à temps plein avec une perche. Puis, l’enjeu, aussi, sécurité parce que les piles sont énormes et c’est du matériel, ça peut glisser. On évolue avec notre temps, mais je dirais que c’est quelque chose qui s’en vient de plus en plus.

Aimy :

Dernière question dans ma longue série de questions, si tu rencontrais quelqu’un qui était intéressé par ton domaine, qu’est-ce que tu lui diras qu’il pourrait faire pour s’en rapprocher?.

Marie-Rose :

Je pense que ce qui devrait faire, c’est sûr qu’il faudrait qu’il ait un baccalauréat idéalement en génie ou en géologie. Mais, je pense que c’est surtout de travailler le plus possible ses qualités humaines. Le travail d’équipe, le travail d’équipe pas juste avec des gens qui sont dans une équipe qui est complètement homogène là, donc des gens qui sont très très hétérogènes et d’être capable de faire des liens avec tous ces gens-là. Je pense que les qualités humaines dans mon travail, c’est ce qu’il y a de plus important. Donc, d’être capable de travailler là-dessus, de travailler un peu, pas nécessairement sous le stress mais d’être capable de bien survivre au changement. C’est un peu de se minder là-dedans, de ne pas juste survivre au changement, mais d’être soi-même un vecteur de changement. C’est ce que je conseillerais si quelqu’un voulait faire ça, la curiosité. Donc, c’est, le trois quart des qualités qui sont requises pour faire un bon coordonnateur de production, c’est vraiment des qualités humaines parce que je dirais, le côté analytique et le côté scientifique est présent, mais c’est vraiment pas quelque chose qui est difficile. C’est pas quelque chose qui est le plus difficile de mon travail. Je dirais que c’est ce que j’ai remarqué en général, peu importe un peu le poste dans l’entreprise, souvent ce qu’on peut reprocher à un employé, c’est rarement ses compétences techniques. Les compétences techniques, ça se travaille et si jamais on n’est pas très bon, il y a toujours du coaching, il y a toujours quelque chose à faire quand on voit que l’employé est intéressé et curieux, ça ne serait pas un problème, en tout cas pas das l’entreprise où je travaille.

Aimy :

Tandis que le savoir-être, ça ça serait autre chose.

Marie-Rose :

Exactement, le savoir-être est très très très important et je pense que, si une personne n’a pas ce savoir-être là, ce serait suffisant pour ne pas l’engager ou mettre à terme son emploi même.

Aimy :

Marie-Rose, ça a été super intéressant, merci beaucoup.

Marie-Rose :

Merci à toi.

Aimy :

Merci à notre invitée et merci à vous d’avoir écouté cet épisode des Portraits professionnels. Pour plus de détails sur cette profession, visitez notre site internet au www.saltoconseil.com.