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DÉMOGRAPHIE - HISTOIRE

AVEC CATHIE-ANNE DUPUIS

Novembre 2021 | Musique et montage par Alex Andraos

Aujourd’hui, on vous dresse un portrait de chercheur. Cathie-Anne Dupuis est démographe et candidate au doctorat en histoire. Elle étudie l’esclavage qui a eu lieu au Québec. En plus de nous décrire les grandes lignes de ce qu’elle a trouvé, Cathie-Anne nous parle de son parcours de arts plastiques à la recherche. Nous discutons aussi de ce que peut être la démographie (même avec peu de maths) et l’histoire (même au-delà des livres). Nous parlons des débouchés de ces domaines et Cathie-Anne nous explique la portée sociale qu’elle souhaite que ses recherches engendrent.

PORTRAIT DE CHERCHEUSE: DÉMOGRAPHIE – HISTOIRE


AVEC CATHIE-ANNE DUPUIS

Aimy :

Bonjour et bienvenue aux portraits professionnels, le balado où on tente de clarifier différentes professions du marché du travail. Aujourd’hui, on vous dresse un portrait de chercheur. Cathie-Anne Dupuis est démographe et candidate au doctorat en histoire. Elle étudie l’esclavage qui a eu lieu au Québec. En plus de nous décrire les grandes lignes de ce qu’elle a trouvé, Cathie-Anne nous parle de son parcours de arts plastiques à la recherche. Nous discutons aussi de ce que peut être la démographie (même avec peu de maths) et l’histoire (même au-delà des livres). Nous parlons des débouchés de ces domaines et Cathie-Anne nous explique la portée sociale qu’elle souhaite que ses recherches engendrent.

Aimy :

Cathie-Anne, bonjour!

Cathie-Anne :

Bonjour!

Aimy :

Tu vas bien?

Cathie-Anne :

Oui ça va bien et toi?

Aimy :

Oui ça va bien merci. Alors, on se rencontre aujourd’hui pour jaser de ce que tu fais au travail. Est-ce que tu veux nous dire quel titre tu portes?

Cathie-Anne :

Pour l’instant je porte le titre de graduée de la maîtrise en démographie et candidate au doctorat en histoire à l’Université de Montréal.

Aimy :

Excellent. Quand tu rencontres les gens, admettons qu’on n’était pas dans une pandémie mondiale et que les “partys” ça existait encore, quand tu rencontres les gens dans un party et que tu nommes un peu ces deux chapeaux-là, qu’est-ce que les gens imaginent que tu fais de tes journées?

Cathie-Anne :

En tant que démographe ils vont dire que je travaille dans les recensements, que je fais juste compter des gens (rires). C’est vraiment ça les clichés qui reviennent beaucoup. Puis en histoire, bon ils ont tout le temps l’image : Moi dans les livres (rires), dans les archives. Je pense que c’est pas mal ça les plus gros clichés, oui!

Aimy :

OK! Ça fait que ça reste quand même assez général et flou ce que les gens pourraient imaginer.

Cathie-Anne :

Totalement, surtout en démographie, oui!

Aimy :

Surtout en démographie, OK. Alors ce que je voulais faire avec toi aujourd’hui c’est vraiment un peu établir un portrait de chercheur parce qu’à travers ces deux disciplines-là c’est quand même la recherche qui occupe le plus vaste de ton temps. C’est ça?

Cathie-Anne :

Oui, définitivement.

Aimy :

OK, donc si tu me parlais un peu pour commencer de la démographie. La nature de ta recherche en démographie ça a été quoi à la maîtrise?

Cathie-Anne :

À la maîtrise, j’ai fait en démographie historique, alors je me suis concentrée sur l’histoire de l’esclavage au Canada. Donc c’est vraiment un sujet qui n’a pas été souvent touché, surtout pas du côté démographie parce qu’il n’y a pas beaucoup d’information sur ce groupe particulier-là du Québec ancien, puis il y a un auteur qui a fait un dictionnaire des esclaves au Canada français. Donc j’ai repris ces informations-là et je les ai mises en base de données pour faire une recherche démographique sur les esclaves. Donc avec ces données-là mises en base de données, j’ai pu calculer en fait des taux de survie et la mortalité des esclaves pour savoir à quel point c’était différent de la survie des Canadiens français, pour voir à quel point c’était un groupe qui était… qui ne vivait pas quelque chose de facile, puis en fait qui a pu avoir des répercussions sur aujourd’hui aussi là.

Aimy :

OK. Avant de plonger plus dans le, vraiment le “day-to-day” de ce que tu faisais, je ne peux pas m’empêcher de te poser quelques questions quant à la thématique : Je t’avoue qu’avant de commencer notre entrevue d’aujourd’hui, j’en ai comme parlé à des gens autour de moi, puis il y a une réponse qui est revenue assez fréquemment et que peut-être tu as dû entendre souvent toi aussi, qui est : « Ah! Il y avait de l’esclavage au Québec?! ».

Cathie-Anne :

Oui, oui. Ce n’est vraiment pas connu.

Aimy :

Ce n’est vraiment pas connu. Est-ce que tu pourrais nous faire comme un portrait global de ça ressemblait à quoi?

Cathie-Anne :

Oui, en fait ce n’est pas la même, le même esclavage quand on pense aux États-Unis, dans les plantations du Sud parce qu’au Québec, il n’y avait pas de grandes plantations, il n’y avait pas la température qui permettait ça, donc ce n’est pas un esclavage plus économique comme on voit dans les Antilles ou les États-Unis. C’est plus un esclavage domestique. Alors ce sont des esclaves qui vont travailler dans les maisons surtout, mais ils vont travailler aussi sur les terres à labourer les champs, faire les voyages parce qu’ils travaillaient aussi dans la traite de fourrure, donc ils faisaient les voyages au Nord du Canada. Donc ils faisaient beaucoup de travaux très difficiles comme ça, c’était aussi surtout des autochtones, c’est ça qu’on oublie sur le territoire. C’était 65% d’autochtones puis 35% de personnes noires. Puis, c’est ça, il y en a eu à partir de 1632 jusqu’en 1834 quand l’esclavage a été aboli en Grande-Bretagne, puis de connus là on sait qu’il y en a eu 4100 environ, mais justement ma recherche de doctorat… parce que je suis persuadée qu’il y en a eu plus, je suis persuadée que l’esclavage ce n’est vraiment pas une partie (4:15) prenante de l’économie pendant deux siècles au Canada, alors surtout moi je vais me concentrer sur la Nouvelle-France pour mon doctorat, mais jusqu’en 1834, j’ai l’impression qu’il y en a beaucoup plus qu’on le sait parce qu’ils n’étaient pas recensés comme on recensait les Canadiens français. Donc c’est ça, pour l’instant on sait qu’il y en a eu 4100, puis certains auteurs ont amené qu’il y aurait eu 10 000 esclaves autochtones, entre 1660 et 1760, oui.

Aimy :

C’est énorme!

Cathie-Anne :

Oui, oui c’est ça alors je vais essayer de, justement, pousser un peu plus sur cette hypothèse-là pour essayer de trouver ces personnes-là.

Aimy :

Puis comment est-ce que l’idée t’es venue de travailler sur cette thématique-là au départ?

Cathie-Anne :

C’est vraiment drôle parce qu’au… bien ce n’est pas drôle, ce n’est pas une histoire drôle, mais je veux dire (rires)… Quand j’étais au BAC, j’avais un cours qui s’appelle Histoire des populations, puis je parlais, on avait un travail à faire, puis là ma prof avait parlé de l’esclavage au Québec ancien. J’étais comme : « Ah c’est intéressant ». Puis moi j’avais déjà étudié auparavant l’histoire de l’esclavage aux États-Unis et là je me disais : « Il y a beaucoup de questions démographiques qui n’ont pas été répondues aux États-Unis non plus. ». Donc je suis allée voir ma prof, je lui ai parlé de ça, puis elle elle est surtout anglophone alors elle m’a mal compris. Elle croyait que je voulais faire sur l’esclavage au Québec. Ça fait que finalement j’ai dit : « Bon OK pourquoi pas, “go with the flow” là, je vais faire ça quand même au lieu de me réexpliquer. ». Là j’ai fait…

Aimy :

Parce qu’au départ, tu avais quoi en tête?

Cathie-Anne :

Pour faire… étudier la fécondité pour les esclaves aux États-Unis.

Aimy :

Oh wow! Donc là ça a comme… “switch up, lost in translation”.

Cathie-Anne :

Oui! Exactement, alors là je me suis dit : « OK, bien ça va être intéressant aussi, je vais faire ça. », puis finalement j’ai fait mon petit travail de session là-dessus, puis là j’ai décidé de faire ma maîtrise là-dessus et maintenant je continue au doctorat sur le même sujet.

Aimy :

Incroyable! Donc il y a vraiment un concours de circonstances, là!

Cathie-Anne :

Vraiment, vraiment, mais je suis très contente que ce soit arrivé parce qu’il faut qu’on en parle puis il faut que les gens sachent que ça a existé là. C’est important.

Aimy :

Définitivement il y a une certaine conscientisation qui vient avec ces données-là.

Cathie-Anne :

Oui!

Aimy :

Donc ça ça a été la thématique que tu as abordée à la maîtrise. Maintenant au doctorat en histoire sur quoi est-ce que tu travailles?

Cathie-Anne :

Bien dans le fond, les gros résultats qui sont sortis, parce que j’étudiais la mortalité des esclaves comme je l’ai mentionné, puis ce qu’on retrouve c’est que les hommes autochtones avaient vraiment une forte forte forte mortalité. Ils décédaient en moyenne à 13, 20, 6 ans (6:45), puis à un âge médiant de quatorze ans là, donc c’était vraiment, c’est un peu atroce de voir ces chiffres-là.

Aimy :

La population non autochtone, c’était quoi à peu près le…?

Cathie-Anne :

Je n’ai pas pu étudier ça parce qu’il fallait que je me concentre sur un groupe puis on ne connait pas vraiment beaucoup d’information sur les autochtones non plus à part ceux qui ont été christianisés, parce qu’eux sont dans les registres, alors on a des informations sur eux, mais sinon on n’a pas beaucoup d’information sur la population autochtone en général, mais pour les Canadiens français, c’est 35.5 ans l’âge moyen quand on compare avec les décès infantiles.

Aimy :

Donc moins de la moitié de l’espérance de vie.

Cathie-Anne :

Oui oui, pour les hommes autochtones.

Aimy :

Incroyable!

Cathie-Anne :

Oui, vraiment! Puis les femmes autochtones ce n’est pas un tableau plus beau là, c’est un âge moyen de 19 ans et un âge médiant de 18 ans. Puis pour les esclaves noirs, il y avait un âge moyen de 26,5 ans et un âge médiant de 40 ans.

Aimy :

OK.

Cathie-Anne :

Donc là je voulais essayer de comprendre un petit peu plus ces chiffres-là. Pourquoi il y avait un certain avantage pour les esclaves noirs? Puis, pourquoi les esclaves autochtones décédaient si jeunes, si c’est juste une erreur dans les données, c’est juste qu’on n’a pas assez de données pour les esclaves qui sont décédés plus tard, qui ont sorti de leur état d’esclavage, qui ont été libérés ou qui ont juste fui? Donc c’est essayer de comprendre si c’est ça qui est arrivé ou s’ils décédaient vraiment si jeunes.

Aimy :

Puis est-ce que tu as été capable d’émettre des hypothèses?

Cathie-Anne :

Bien moi j’ai vraiment l’impression qu’ils leur faisaient faire beaucoup de travaux très difficiles là. Les autochtones travaillaient plus dans les champs, travaillaient plus dans les milieux ruraux. Ils travaillaient aussi beaucoup dans les canots. Il y a beaucoup d’accidents qui arrivaient. Pour les Canadiens français aussi, mais j’ai l’impression que les esclaves prenaient cette place-là quand c’était possible pour les Canadiens français. Puis j’ai l’impression que c’est ça qui est un peu arrivé pour les autochtones.

Aimy :

Puis qu’est-ce qui fait à ton avis que les esclaves noirs avaient des rôles différents?

Cathie-Anne :

À date, de ce que j’ai pu avoir dans les sources c’est qu’ils étaient surtout domestiques, puis il y avait un certain… avoir un esclave noir c’était un bien de luxe. Ça restait un bien! Ça restait comme un bien meuble là comme on le voit au 16e siècle.

Aimy :

Une propriété là.

Cathie-Anne :

Oui une propriété puis ça restait qu’ils n’étaient pas si bien traités non plus. Eux autres aussi ils dormaient dans la cuisine parterre, mais il y avait quand même un certain avantage parce que c’était un bien de luxe, ça fait que tu ne veux pas le perdre, parce que c’était à peu près le double du prix avoir un esclave noir que d’avoir un esclave autochtone. C’était de l’argent que tu investissais, donc j’ai l’impression qu’il y avait un peu ce côté protection là, qui est quand même… Bon, il y a quand même un âge moyen au décès de 26 ans là, il y avait quand même beaucoup de désavantages à cette servitude-là, mais oui j’ai l’impression… ce sont mes hypothèses pour l’instant.

Aimy :

C’est comment pour toi de baigner dans des données sombres comme ça?

Cathie-Anne :

Bien je réussis quand même à me détacher. C’est sûr que quand j’ai vu mes chiffres pour la première fois c’était vraiment, c’est choquant de voir ça. J’ai sorti des courbes de survie et là tu vois vraiment que la courbe pour les… ça descend rapidement. Tu es comme : « Mais qu’est-ce qui est arrivé? », tu sais! Donc oui, non c’était assez difficile de voir que ça a pu arriver là.

Aimy :

Puis ça nous ramène un peu à ce qu’on se disait au départ, hein? Ce besoin-là de conscientiser les gens quant à cette période-là qui a existé là.

Cathie-Anne :

Oui définitivement.

Aimy :

OK. OK, merci de nous avoir clarifié tout ça. Je pense que c’est important même ici pour le petit auditoire qu’on a de quand même en parler puis de commencer tout de suite cette conscientisation-là! Admettons que je te pose une question qui peut être délicate, puis on va voir comment est-ce qu’on va être capables de l’aborder, mais là je te vois, puis là on va afficher ta photo donc les gens vont te voir! Tu es une personne blanche. C’est reçu comment que quelqu’un qui n’est pas d’un groupe minoritaire aborde ces questions-là?

Cathie-Anne :

Je ne sais pas encore comment c’est perçu parce qu’encore une fois je ne suis pas encore publiée, mais justement c’est quelque chose qui… pas qui me fait peur, mais je veux, je ne veux pas prendre la place d’une personne racisée qui voudrait en discuter, tu sais, je ne veux pas… donc j’essaie tout le temps de mettre les connaissances de l’avant, puis tu sais, essayer de ne pas trop en sortir des bénéfices là si je puis dire. Ça fait que c’est un peu “touchy” puis j’essaie de trouver ma place justement en tant que personne blanche qui fait des recherches. Au début de ma maîtrise j’ai… tantôt j’ai parlé de Webster ; je l’ai contacté au début de ma maîtrise pour vraiment connaître son point de vue, avoir des informations aussi de sa part. J’essaie, puis justement là, j’aimerais aller rencontrer des communautés autochtones, voir qu’est-ce que eux… qu’est-ce qui… si, tu sais l’esclavage comment ça aurait pu avoir un impact aujourd’hui sur les communautés autochtones, pour essayer de faire valoir leurs voix aussi et pas juste la mienne en tant que personne blanche. Donc c’est vraiment, j’essaie, mais c’est difficile parce que je ne veux pas, c’est ça, je…

Aimy :

C’est ce rôle de l’alliée qui est encore difficile à clairement clarifier, c’est ça?

Cathie-Anne :

Oui, exact, exact, je ne sais… c’est ça oui.

Aimy :

Puis j’entends dans qu’est-ce que tu décris que même pour toi qui a les deux pieds dedans, cette délicatesse-là elle est à garder à l’avant-plan tout le temps pour tenter de faire le mieux possible en étant de bonne foi.

Cathie-Anne :

Oui parce que je ne voudrais pas que personne ne sente dévalorisé ou quoique ce soit là, je ne veux pas créer de tensions.

Aimy :

Ce n’est pas ça l’objectif là.

Cathie-Anne :

Non vraiment pas, c’est vraiment… tu sais, je fais mes recherches puis je veux les mettre de l’avant pour aider justement les autochtones.

Aimy :

Exactement donc utiliser ce savoir-là pour faire avancer les choses dans le bon sens, là.

Cathie-Anne :

Exactement, exactement.

Aimy :

Ça fait que là, on arrive admettons au concret. On s’est dit bien quand on s’imagine qu’est-ce que tu fais, bien OK tu as la tête dans les livres ou dans un “spreadsheet” Excel, puis bon courage! Tu analyses des gens puis tu comptes des trucs. Bon, si maintenant j’avais un drone là au-dessus de ta tête dans un bureau, qu’est-ce que je te verrais faire typiquement, admettons si on commence du côté démographique. Qu’est-ce que je te verrais faire comme tâches pour faire avancer ta recherche?

Cathie-Anne :

Côté démographique, bien c’est vraiment de jumeler bon, les livres puis les bases de données, donc c’est de faire des recherches dans qu’est-ce qui a déjà été fait, quelles études ont été faites, qu’est-ce qui a été dit, puis moi de mon côté c’est soit valider les hypothèses qui sont ressorties ou les infirmer. Donc c’était vraiment les deux, j’étais autant entourée d’ordis qu’entourée de livres! Puis oui, j’étais beaucoup beaucoup dans les données, c’est sûr!

Aimy :

Puis ces données-là où est-ce que tu les trouves, comment, d’où ça provient?

Cathie-Anne :

Moi c’est Marcel Trudel qui a écrit le dictionnaire des esclaves et leurs propriétaires au Canada français en 1990. C’est un livre. Il y en en livre ou en format PDF, mais là je l’ai mis tout informatisé en base de données pour faire des analyses plus profondes de ces données-là, mais sinon au Québec on retrouve vraiment beaucoup d’information sur la population parce que les prêtres faisaient vraiment attention de tout noter, les baptêmes, les mariages, les sépultures, puis souvent ils sont en double aussi. Alors on a beaucoup d’information dès que la colonie a commencé ici. Donc on a vraiment beaucoup d’information riche au Québec pour faire des études autant historiques que démographiques.

Aimy :

Ça fait que dans le fond, là tu te bases sur ce livre, mais ce livre lui-même il se base probablement sur tout ce qu’on a pu retrouver dans les registres de toutes les églises partout à travers le Québec?

Cathie-Anne :

Exactement oui! Donc ce sont les registres, les recensements, les actes de journaux aussi quand il a commencé à avoir des journaux, les actes notariés, les registres d’hôpital, etc.

Aimy :

Donc c’est quand même un travail de moine là…

Cathie-Anne :

Ah oui!

Aimy :

Ressortir, c’est ça (rires) donc aller ressortir toutes ces données-là pour ensuite les rentrer dans une base de données pour croiser des variables puis essayer de tirer des conclusions, c’est ça?

Cathie-Anne :

Oui, c’est ça.

Aimy :

OK. Donc là tu émets des hypothèses, tu fais ta recension de littérature, les autres chercheurs ils ont dit ceci cela, je suis d’accord je ne suis pas d’accord, puis là j’essaie de prouver ou infirmer. C’est un peu ça?

Cathie-Anne :

Oui, oui, c’est pas mal ça.

Aimy :

OK parfait. Tu as collecté toutes ces données, tu as tiré des conclusions dont tu nous as parlé maintenant, puis tu as poursuivi maintenant du côté historique. Ça fait que si on regarde maintenant du côté historique, encore même question : Si j’avais là mon drone dans ton bureau, qu’est-ce que je te verrais faire cette fois-ci?

Cathie-Anne :

En ce moment, bien c’est vraiment le cliché : J’ai la face dans un livre tout le temps parce que je fais vraiment une grosse revue de littérature ; il faut que je lise environ 16 000 pages pour vraiment tout… assimiler toute l’information qu’il y a sur chaque petit élément qui pourrait influencer les conditions de vie des personnes asservies au Canada, donc essayer de tout comprendre comment le racisme a évolué? Comprendre comment les Canadiens français vivaient? Comment ils traitaient les personnes dans des classes sociales plus basses aussi? Aussi je lis beaucoup sur la Louisiane, sur les Antilles qui étaient aussi des colonies françaises, qui ont eu des esclaves. Donc c’est vraiment de faire toute la mise en contexte pour bien encadrer mon étude, pour après ça que je sorte des nouvelles informations, parce que moi je vais aller faire des recherches dans les archives qui n’ont pas été encore touchées… ou de les regarder d’un autre œil aussi, parce que certaines archives ont été vues, mais pas d’un œil essayant de comprendre l’esclavage, puis comment que l’esclavage a pu être vécu ici. Donc oui, c’est tout ça.

Aimy :

Comment ça a été vu à l’époque, tu dirais?

Cathie-Anne :

Oui c’est ça, parce que si les personnes lisaient les actes sans penser qu’il pouvait y avoir des esclaves, mais ils voient un autochtone avec seulement un prénom français, ils vont juste dire OK c’est un autochtone, mais fort probablement que c’était un esclave, parce que, oui, parce que là on a sorti des théories puis on a confirmé certaines choses aussi, donc on peut trouver plus d’esclaves de cette façon-là.

Aimy :

OK, donc c’est d’aller vraiment démêler ce qui a été dit même dans ce qui a déjà été recherché dans le passé là.

Cathie-Anne :

Oui c’est ça.

Aimy :

Quand tu me dis : « OK bien là il faut que je fasse une recension des écrits, là je lis 1600 pages, 16 000… c’est quoi le chiffre que tu m’as dit qui m’a fait peur?

Cathie-Anne :

16 000 (rires), 16 000 pages.

Aimy :

Oui c’est ça (rires), donc je vais aller lire 16 000 pages pour aller démêler tout ça. C’est quoi que tu lis en tant que tel? Est-ce que c’est encore des registres et des données très factuelles, ou ça va être d’autres articles scientifiques, ou des livres historiques? Ça ressemble à quoi?

Cathie-Anne :

En ce moment c’est des livres et des articles, des historiographies, des… oui. Tout ce qui traite de l’esclavage.

Aimy :

C’est ça, alors d’autres personnes ont fait de la recherche auparavant de manière peut-être moins pointue, là toi tu t’en vas fouiller là-dedans puis chercher ce dont tu as besoin pour tirer tes conclusions à toi.

Cathie-Anne :

Oui! Exactement oui, puis pour bien comprendre tout le contexte.

Aimy :

C’est ça, pour savoir comment ça s’inscrit dans un tout.

Cathie-Anne :

Exact!

Aimy :

Excellent! C’est super intéressant de clarifier comme ça. Si on le regarde comme ça là, comment est-ce que tu dirais… tu sais il y a comme ces clichés, quand on dit à quelqu’un : OK tu vas être un chercheur. Tu sais OK tu vas être un chercheur, tu vas porter un sarreau, tu vas mélanger des solutions, tu sais… quel cliché tu dirais qu’on a à briser quant à qu’est-ce que c’est être un chercheur?

Cathie-Anne :

Je pense que… bien moi-même j’ai eu ce cliché-là envers les chercheurs dans le sens que je me disais que c’est juste des grandes personnes, des personnes érudites qui peuvent… des personnes super éduquées dès leur enfance, puis que c’est ça leur destinée d’aller au doctorat et d’aller faire une recherche. J’avais vraiment ce cliché-là en tête et honnêtement, il y a neuf mois tu m’aurais dit que j’aurais fait un doctorat puis je ne l’aurais pas cru, tu sais? Puis là, bon. Épidémie est arrivée et tout, finalement j’en suis venue à ce point-là, mais j’avais vraiment en tête que quelqu’un qui est au doctorat, quelqu’un qui fait des recherches, c’est vraiment quelqu’un de surhumain qui va aller faire… super intelligent, qui a beaucoup de connaissances qui va aller faire ça, mais finalement non. N’importe qui, bien n’importe qui, c’est sûr qu’il faut que tu mettes les efforts pour y arriver, mais tu sais ça a l’air cliché, mais si tu veux tu peux! (rires)

Aimy :

OK. Ça fait que ce n’est pas nécessairement cette élite intellectuelle uniquement qui peut se rendre à faire de la recherche, ça peut être d’autres personnes s’ils le souhaitent et qu’ils mettent le temps, les efforts, tout ça.

Cathie-Anne :

Exact!

Aimy :

Puis si on prend ton cas à toi ; je sais que moi quand j’étais en secondaire 5 puis que je réfléchissais à la suite de mon parcours je ne savais pas que ça existait la démographie ; si je te demande à toi, si je recule en arrière puis que je rencontrais Cathie-Anne en secondaire 5 admettons : Tu avais l’air de quoi comme étudiante?

Cathie-Anne :

Ah mon dieu! Bien en secondaire 5 je voulais être esthéticienne là (rires)! J’ai fait… je me cherchais, je ne savais pas ce que je voulais. Je ne me trouvais pas assez intelligente pour aller même au Cégep, j’étais vraiment comme… oui, donc non je m’enlignais vers un DEP puis je m’enlignais pour faire un travail comme coiffeuse, esthéticienne ou massothérapeute là à ce moment-là. Puis finalement j’ai décidé, c’est un super long parcours, je veux dire, j’ai décidé de rentrer au Cégep en arts plastique, puis là ça m’a donné une porte, ça m’a ouvert une porte vers justement les études supérieures. Puis là au Cégep je me suis réorientée au moins cinq fois, puis j’ai fini avec un diplôme sans mention, pour finalement aller faire un BAC en histoire, parce que j’ai fait une partie de sciences humaines au Cégep et je me suis rendue compte que j’aimais beaucoup en apprendre plus sur les populations. J’ai été faire le BAC à ce moment-là en histoire, puis là encore une fois j’ai changé d’idée un million de fois, puis comment j’en suis venue à la démographie? C’est que j’avais eu une mauvaise note à un examen. Là je me suis dit : « Ah ce n’est pas pour moi l’histoire! (rires) Ce n’est pas pour moi! ». Donc là j’ai cherché sur le site de l’Université de Montréal. J’ai regardé tous les cours, les programmes qu’ils offraient. Je les ai lus un par un. Là j’étais comme « Bon, qu’est-ce qui m’intéresse? ». Là j’ai trouvé démographie, puis ce n’est pas quelque chose qu’on connait.

Aimy :

Attends un petit peu, je ne sais pas si c’est dans l’enregistrement aussi ou juste moi, mais le son coupe.

Cathie-Anne :

OK. Ah, J’ai reçu des notifications, je ne sais pas si c’est… je n’entendais rien, mais… je peux tu…

Aimy :

OK, donc 19 minutes 52. Je vais juste me l’écrire, on fera une petite coupure.

Cathie-Anne :

OK. Là j’ai désactivé, ça ne faisait pas de bruit, mais ça a dû couper le son.

Aimy :

Peut-être… aucun problème! OK. Donc on reprend peut-être à où est-ce que tu étais en train de me dire… là je me retiens pour ne pas dire plein d’autres affaires, mais tu étais en train de dire : Un cours d’histoire, tu as fait, il y a un examen d’histoire qui n’a pas bien été puis tu t’es dit « Non, l’histoire ce n’est pas pour moi. »

Cathie-Anne :

Oui, bon… ce n’était pas juste un examen, mais ça a été comme tout ça qui a mené à cet examen que je n’ai pas une bonne note, que je pensais que j’allais avoir une bonne note. Ce n’est pas pour moi! Oui c’est ça, donc là j’étais sur le site Internet de l’Université de Montréal. J’ai regardé tous les programmes qui m’étaient offerts, puis je suis tombée sur démographie. Puis démographie, il n’y a pas un BAC en démographie, c’est une mineure ou un BAC bi-disciplinaire qu’ils appellent. Donc les bi-disciplinaires c’était démographie-statistiques, démographie-géographie, puis démographie-anthropologie. Géographie et anthropologie ce sont des domaines qui m’intéressent beaucoup, là je me suis dit « Ah, pourquoi démographie c’est jumelé à ça? ». Donc j’ai été lire un peu plus là-dessus puis je me suis rendue compte que ça me rejoignait beaucoup parce que c’est beaucoup plus, j’avais l’impression que c’était plus “groundé” que l’histoire, que ça allait me donner plus de satisfaction, parce que ça allait être de vraies données. Je vais vraiment dans les données en tant que tel pour essayer de trouver ce qui se passe, donc je trouvais ça super intéressant pour ça. Donc j’ai décidé de me réorienter vers la démographie à ce moment-là.

Aimy :

OK, puis tu as pris quel BAC bi-disciplinaire finalement?

Cathie-Anne :

J’ai juste fait une mineure. J’ai fait une mineure en démographie puis j’ai jumelé, j’ai changé mon BAC en histoire pour une majeure en histoire.

Aimy :

Tu as combiné tout ça, ça t’a fait un BAC et ensuite tu as décidé de poursuivre et tu as amorcé ta maîtrise en démographie.

Cathie-Anne :

Oui c’est ça.

Aimy :

Parfait. Là tu me dis : La pandémie, la conjoncture, la vie a fait que finalement tu t’es ramassé au doctorat en histoire ; qu’est-ce qui t’a fait revenir à tes vieilles amours?

Cathie-Anne :

Bien là c’était, j’ai fait… au début je ne pensais même pas aller faire un mémoire en démographie historique là, je pensais justement aller étudier la mortalité et la santé, ça m’intéressait beaucoup, mais là ce sujet-là c’était tellement… il n’a tellement pas été étudié, il fallait que je le fasse là. J’ai commencé là-dedans, puis là j’ai retrouvé un peu mon amour de l’histoire en faisant ma maîtrise, puis ma prof ma mise en contact avec une de mes anciennes profs d’histoire, puis elle, elle travaillait beaucoup sur les esclaves aussi. Puis pas au moment où je l’ai rencontrée en 2014, mais maintenant elle se concentrait un peu plus là-dessus, donc on a beaucoup parlé, beaucoup parlé des possibilités de recherches futures aussi puis je me cherchais une job en démographie pendant ce temps-là. Je n’en trouvais pas parce que… épidémie mondiale! Il n’y avait rien à faire, donc je déprimais un peu. J’étais là : « Je ne veux pas rien faire, il faut que je fasse quelque chose. », puis là j’ai décidé d’aller faire le doctorat parce que j’étais beaucoup encouragée par ma directrice de doctorat, puis finalement je me suis rendue compte que c’était ça ma voie, puis je suis vraiment bien où je suis en ce moment.

Aimy :

C’est super intéressant ce que tu décris parce que des fois, de l’extérieur on a l’impression qu’une discipline mène à une thématique, mais en fait ce que tu me décris ici c’est que le point que tu étudies maintenant, tu aurais pu l’étudier même si j’extrapole là, je me dis que tu aurais pu l’étudier à travers la socio, à travers l’anthropo, à travers, même la géographie! Il y a comme plein d’autres façons d’aller étudier la question. Est-ce que ça fait du sens ce que je raconte?

Cathie-Anne :

Définitivement, oui! Et je suis associée aussi avec un professeur à l’Université de Sherbrooke, qui lui travaille plus côté géographique, essayer de “pin point” où étaient les esclaves à Montréal et tout, puis encore même d’écrire un article là-dessus aussi là, donc c’est vraiment intéressant.

Aimy :

Alors cette vision de : « Si je m’en vais, en recherche, je vais faire rien qu’une affaire. », bien ça ça ne tient pas vraiment la route.

Cathie-Anne :

Non (rires) non c’est ça. Mais j’ai eu la chance aussi d’avoir des sujets qui englobent beaucoup de choses. Tu sais démographie, comme je te disais tantôt il y a la santé, bien il y a comme trois… les termes qu’on étudie en particulier c’est la mortalité, la fécondité, la nuptialité puis la migration. C’est comme les quatre thèmes principaux en démographie, mais à partir de ça il y a tellement de choses à analyser! Tu sais dans la mortalité il y a l’épidémiologie, il y a la santé publique qui peut être analysée dans la migration aussi. Il y a beaucoup de questions intéressantes, écologiques, sociétales et tout, donc ça touche vraiment beaucoup de sujets, puis c’est pour ça en démographie c’est vraiment un super beau domaine, parce que tu peux vraiment toucher à tout, puis c’est vraiment… c’est vraiment intéressant, j’ai vraiment aimé mon mémoire.

Aimy :

Si on essayait de définir un peu la démographie. Comment est-ce qu’on pourrait définir ça?

Cathie-Anne :

C’est un peu difficile là, c’est l’étude des populations au travers des statistiques, mais tu sais on n’est pas statisticiens, on n’est pas mathématiciens. On est démographes, donc on a vraiment le côté quantitatif puis qualitatif dans le sens qu’on va faire autant des recherches statistiques que des recherches… je ne sais pas comment dire ça. Psychologiques, peut-être?

Aimy :

Vraiment des recherches qualitatives. Est-ce que tu dirais, est-ce que tu t’es déjà retrouvée devant une question démographique puis tu t’es dit : « Ah man, j’aurais voulu avoir plus de mathématiques pour pouvoir faire ça. » ?

Cathie-Anne :

Bien, on est bien encadrés dans les cours, donc même si je n’ai pas un “background” mathématiques là, j’ai un “background” vraiment sciences humaines, les dernières maths que j’avais faites sont au secondaire 4 (rires). Ça fait que ça datait vraiment de longtemps, mais on est super bien encadrés puis c’est vraiment un tout petit programme aussi, donc on est vraiment tous proches. Alors j’avais une bonne amie qui m’a aidé au travers des maths, puis moi je l’aidais aussi du côté des recherches qualitatives là. Donc on s’aidait toutes les deux mutuellement, mais non tu n’as pas besoin d’un gros “background” en maths là.

Aimy :

C’est quand même assez fascinant ce que tu es en train de dire là, hein? Parce qu’on a vraiment cette vision de : « C’est une démographe, elle est devant un chiffrier Excel, elle regarde des chiffres dans des colonnes, donc elle calcule, donc c’est mathématique. ». Mais en fait, ça n’a pas du tout besoin d’être ça, puis ce que j’entends c’est qu’il y a des outils, il y a un réseau, il y a du monde pour venir un peu compléter. Puis on revient un peu à cette notion un peu d’interdisciplinarité, c’est ça?

Cathie-Anne :

Oui, c’est ça oui. Puis la démographie aussi, tu peux être super mathématique aussi là, je veux dire tu peux te spécialiser là-dedans, dans l’analyse de donnée, puis côté très très très statistiques. C’est sûr que moi il est resté un petit peu plus de base, mais il y a des gens qui sont vraiment à fond mathématiques, statistiques.

Aimy :

Ça dépend vraiment de tes intérêts de recherche.

Cathie-Anne :

Exactement, oui.

Aimy :

OK. Super intéressant! Qu’est-ce que tu dirais justement dans cette lignée-là, quelles sont les plus grandes qualités qu’on doit avoir quand on est dans les domaines dans lesquels tu navigues actuellement?

Cathie-Anne :

Beaucoup de rigueur, vraiment. Il faut que tu essaies tout le temps de trouver, tu sais d’être le plus exhaustif possible dans tes études, puis toujours vouloir en savoir plus. Aller chercher plus loin! Je pense que c’est ça l’important : Toujours vouloir te dépasser là. C’est important, puis d’avoir une bonne rigueur scientifique, c’est important.

Aimy :

Ça fait qu’il y a cette notion d’aller plus loin et j’entends aussi comme une base de curiosité hein? « J’ai envie de le savoir! ».

Cathie-Anne :

Oui!

Aimy :

OK! Puis qu’est-ce que tu dirais qui est le plus grand défi que tu rencontres au quotidien?

Cathie-Anne :

Moi, bien quand on fait de la recherche au niveau de la maîtrise et du doctorat ça va tout le temps dépendre de tes directeurs de recherche, directrices de recherche, mais moi ça a été vraiment de m’organiser, parce que oui j’étais encadrée, mais je n’avais pas d’échéancier ou quoique ce soit, donc c’est moi qui le faisais moi-même. Donc il faut beaucoup d’organisation pour arriver à tout faire dans les temps. Je pense que ça a été ça mon plus grand défi, oui.

Aimy :

D’être capable de structurer tout ça parce que c’est vrai que tu vas prendre un million de petites affaires à plein de places différentes, puis tu dois ramener tout ça en un tout cohérent, dans les temps.

Cathie-Anne :

Oui, oui c’est ça puis il faut que tu saches t’arrêter à la bonne place, tu sais! Oui ça a été difficile des fois, juste de me dire : « Bien non il faut que j’arrête de faire des recherches là-dessus. Là j’ai les connaissances, il faut que je les applique puis que je me concentre sur d’autres choses-là. »

Aimy :

Parce que des fois peut-être que moi je trouve ça intéressant, mais que ce n’est pas l’objectif de cette recherche-ci, c’est ça?

Cathie-Anne :

Exactement oui.

Aimy :

OK. À l’opposé qu’est-ce que tu dirais qui est le plus valorisant ou le plus nourrissant dans ce que tu fais actuellement.

Cathie-Anne :

Bien justement c’est de trouver des réponses à des questions. Tu sais, tu te poses des questions puis tu cherches à y répondre, puis au final tu y réponds! Alors c’est tellement satisfaisant de dire « Wow, hey j’ai apporté des connaissances de plus à cette situation-là, à ce thème-là ». Puis ça apporte quelque chose à la communauté scientifique. J’ai vraiment trouvé ça valorisant, comme là je commence à penser à publier mon mémoire et tout puis je me dis : « Hey je vais fournir quelque chose de plus à l’étude », tu sais (rires). Je trouve ça le fun!

Aimy :

Il y a quelque chose de vraiment gratifiant là-dedans hein?

Cathie-Anne :

Oui oui!

Aimy :

En ce moment tu as encore ton statut d’étudiante, tu es chercheur, tu fais ta recherche, mais dans le cadre de tes études. Si on imagine la suite de ta carrière. Je sais que bon, une carrière c’est long là, on travaille jusqu’à 65 ans si ce n’est pas plus, donc tu sais ça ce peut qu’il y ait 4000 projets là-dedans, pas de trouble, mais… si tu nous dressais les grandes lignes de qu’est-ce que quelqu’un dans ton domaine pourrait faire par la suite. Ça pourrait ressembler à quoi par exemple?

Cathie-Anne :

Bien c’est vraiment différent pour démographie ou histoire. Tu sais si j’étais allée en démographie j’aurais pu appliquer un peu… il y a des opportunités d’emplois un peu partout à la ville, le gouvernement, dans des entreprises privées, puis tu peux travailler, c’est ça dans des entreprises comme ça pour ta carrière là.

Aimy :

Ça ressemble à quoi au privé, la démographie au privé ça peut ressembler à quoi par exemple?

Cathie-Anne :

Bien il y a des gens qui sont allés travailler… hmmm où est-ce qu’ils travaillent? Pour la trajectoire des autobus à Montréal.

Aimy :

Ah oui?

Cathie-Anne :

Oui c’est ça. Donc j’ai appliqué aussi dans une entreprise privée pour études autochtones aussi, des choses comme ça. Donc ça peut… il y a vraiment différents domaines. En fait, il ne va jamais y avoir un poste de démographe en tant que tel, mais tu regardes l’annonce puis tu dis : « C’est un démographe qu’ils cherchent sans jamais nommer démographe. »

Aimy :

Puis est-ce que c’est difficile tu penses de faire valoir tes connaissances et tes atouts, ou bien les gens quand on leur décrit ce que tu sais faire ils sont comme : « Ah oui c’est de toi que j’ai besoin. »?

Cathie-Anne :

Bien habituellement oui ça fonctionne bien quand tu mentionnes tous les acquis que tu as fait pendant ton BAC et ta maîtrise. Hors pandémie j’avoue que je n’aurais pas eu de difficultés à trouver un emploi.

Aimy :

Ça se fait bien là.

Cathie-Anne :

Oui oui oui, définitivement, définitivement.

Aimy :

Ça c’est du côté démographique. Si on regarde maintenant plus quant à l’histoire?

Cathie-Anne :

Histoire bien c’est sûr que c’est plus du côté de l’éducation, donc prof surtout, mais il y a possibilité aussi de travailler dans les musées là. Je n’ai pas encore observé les opportunités d’emplois pour l’histoire, parce que là j’ai quand même un bon quatre ans à faire au doctorat puis je me concentre là-dessus pour l’instant, mais moi personnellement j’aimerais ça avoir des charges de cours, travailler dans les universités, puis avoir toujours mes petits projets sur le côté qui n’ont pas rapport à l’histoire non plus là, mais…

Aimy :

Donc tes petits projets c’est-à-dire continuer à faire de la recherche?

Cathie-Anne :

Oui moi j’aime beaucoup la recherche, ça fait que je ne me vois pas arrêter, donc soit aller faire un post-doctorat ou quoique ce soit, oui.

Aimy :

Alors de poursuivre cette curiosité-là.

Cathie-Anne :

Oui c’est ça!

Aimy :

OK, excellent. Comment est-ce que tu penses que ton domaine va évoluer dans les, admettons 5, 10, 15, 20 prochaines années?

Cathie-Anne :

C’est vraiment difficile à dire parce que tu sais, c’est du développement de connaissances, donc tu as tout le temps différentes personnes qui travaillent sur différents sujets alors, on fait juste évoluer! Tu sais c’est bizarre de dire que, admettons en histoire c’est un gros “puzzle”, que tout le monde essaie de mettre sa petite pièce pour essayer de comprendre c’était quoi, comment ça se passait ici avant. Donc c’est vraiment difficile à dire. J’espère que le puzzle va être un petit peu plus rempli d’ici 20 ans, mais j’ai l’impression qu’il va toujours y avoir des pièces à rajouter là.

Aimy :

C’est vraiment une belle image, hein? Que c’est comme si chaque chercheur ou équipe de recherche tente d’aller chercher un petit morceau qui manque, puis de là on construit la suite.

Cathie-Anne :

Oui exact.

Aimy :

Là ce n’est peut-être pas tant que je te demande qu’est-ce qui va se passer, mais si on parle cette fois-ci en termes d’espoirs là ou d’aspirations là, je ne peux pas m’empêcher de faire un lien avec, tu sais avec la pandémie est venue quand même un certain mouvement social, une certaine conscientisation quant à, peut-être qu’on ne l’appelle pas l’esclavage, mais en tout cas quant à la réalité des populations autochtones ou la réalité des populations racisées en général… Comment est-ce que tu souhaiterais que ton travail s’inscrive dans tout ça?

Cathie-Anne :

Bien j’espère qu’il va y avoir une bonne prise de conscience sociale que… bien c’est parce qu’il y a tellement arrivé plein de choses-là, c’est terrible tout ce que cette population-là a vécu. Donc c’est vraiment de prendre conscience ce qui s‘est passé là puis de faire des réparations aussi aujourd’hui. Tu sais j’espère que ça va se rendre au niveau du gouvernement, puis qu’il va y avoir des excuses, qu’il va y avoir tu sais un mouvement dans ce sens-là. D’en parler plus souvent! Parce que là en ce moment au mois de l’histoire noire au Canada donc on en parle, là j’en entends parler partout de l’esclavage qu’il y a eu ici. Alors c’est bien, mais après ce mois-là on n’en parle plus, donc je trouverais ça important d’en parler, de le reconnaître puis de s’excuser.

Aimy :

D’en faire quelque chose. Que ce ne soit pas juste des morceaux de casse-tête de l’histoire, là.

Cathie-Anne :

Exact, exact oui.

Aimy :

C’est bien intéressant. Dernière question dans la grande série de question : Si admettons tu rencontrais quelqu’un qui disait qu’il était intéressé par ton ou tes domaines, qu’est-ce que tu lui donnerais comme conseils pour pouvoir s’en rapprocher un peu?

Cathie-Anne :

Premier conseil que je donne toujours c’est de faire ses lectures, parce que souvent au Baccalauréat les gens vont dire : « Ah les lectures c’est secondaire. », mais de faire les lectures moi c’est ça qui m’a vraiment permis de premièrement mieux comprendre en classe, puis de vouloir aller plus loin aussi.

Aimy :

Si on le traduit : Faire ses lectures. Admettons j’imagine quelqu’un qui n’a jamais été à l’université ou tu sais qui n’en est pas là, dans un parcours… c’est vraiment la notion de : Ne fais pas le strict minimum. Va au-delà, creuse un peu, puis c’est peut-être ça qui va t’allumer quant à : « J’ai envie d’aller plus loin et de faire de la recherche là ».

Cathie-Anne :

Exact.

Aimy :

Super intéressant. Puis sinon oui?

Cathie-Anne :

Oui bien c’est ça, moi ça a été vraiment de toujours vouloir m’améliorer puis faire en sorte que ma recherche soit le mieux que je peux, donc c’était de me pousser à chaque jour, de devenir… c’est ça, de m’améliorer, devenir un peu plus vers mon idéal de ce que je veux atteindre. Ce que moi je veux être en tant qu’étudiante! De me rapprocher de ça, puis de ne pas faire le strict minimum, oui.

Aimy :

Ça c’est ce que tu souhaiterais pour les gens qui aimeraient se rapprocher de ton domaine.

Cathie-Anne :

Oui! Toujours souhaiter s’améliorer je pense que ça fait, oui…

Aimy :

Si je fais une grosse image vraiment vulgaire, en fait c’est ça la recherche aussi non?

Cathie-Anne :

Oui, oui. Parce que tu veux améliorer les connaissances, tu veux surpasser, tu veux te surpasser toi-même et être publié! Veux, veux pas, ça fait partie du contexte. Tu veux être publié. Tu veux faire des conférences. Puis pour ça bien il faut que tu pousses plus loin.

Aimy :

Excellent. Si on voulait en apprendre plus sur ce que tu es en train de faire comme travail maintenant est-ce qu’il y a quelque part où on peut aller en ligne pour voir tout ça?

Cathie-Anne :

Moi mon travail en tant que tel, pas encore, parce que je ne suis pas encore publiée, mais il y a beaucoup de… comme je disais en ce moment avec le mois de l’histoire des noirs il y a beaucoup de conférences. Je pense à Webster qui en fait vraiment beaucoup, je vois son nom passer un peu partout, puis sinon j’ai l’impression qu’il va y avoir du développement. Là moi j’ai été contactée aussi pour faire une conférence au mois d’octobre. C’est : Les histoires d’Amériques françaises? Ah il faudrait que je retrouve le nom, mais ça se développe de plus en plus, puis c’est sur les réseaux sociaux aussi. On peut trouver plus d’information sur les conférences, les articles.

Aimy :

Excellent, excellent bien on va s’assurer de suivre tout ça puis de partager de notre côté aussi, c’est super intéressant ce que tu fais. Merci Cathie-Anne pour la belle entrevue, j’ai vraiment vraiment trouvé ça super intéressant tant au niveau personnel que pour ce que ça peut mener tout ce que tu fais. Bravo!

Cathie-Anne :

Merci!

Aimy :

Merci à notre invitée et merci à vous d’avoir écouté cet épisode des portraits professionnels. Pour plus de détails sur cette profession, visitez notre site Internet au www.saltoconseils.com